Le dépôt au début de ce mois de novembre par le député national Guy Mafuta, d’une proposition de loi portant les principes fondamentaux relatifs à l’exercice du droit de grève au bureau de l’Assemblée nationale, a vite suscité une réaction doctrinale de Me José Kadima, président national du Syndicat Convention de Lutte pour les Emplois (CLE). Sans aller par le dos de la cuillère, dans un point de presse ce jeudi 21 novembre, cet avocat qui a eu le temps de décortiquer la proposition de loi de Guy Mafuta, estime qu’il s’agit là d’une tentative d’étouffer la liberté syndicale par l’exercice du droit de grève avec une nouvelle loi élargissant subtilement le spectre du champ d’interdiction de l’exercice du droit de grève à tous les agents publics même à ceux dont ce spectre est déjà organisé par les lois spécifiques.
« Inspirée probablement par un souci contre les grèves politiques et la lutte de positionnement, la proposition devrait sérieusement examiner les faits syndicaux et la mauvaise gestion des ressources par les gestionnaires, employeurs du secteur public ou privé à la base des détournements des deniers publics ou privés qui amenuisent continuellement les ressources destinées à la rémunération des travailleurs » remarque, un peu révoltant Me José Kadima qui, énumérant certaines lois existantes pour démontrer que la matière évoquée par le député national Guy Mafuta n’est pas orpheline. Il soutient que le souci du constituant concernant l’interdiction ou la limitation de l’exercice du droit de grève a été rencontré par le législateur à travers ces différentes lois déjà complétées par les mesures d’applications.
La crainte de cet avocat-chef de travaux à l’Université de Kinshasa ayant œuvré pendant plus de dix ans dans le monde du travail, c’est de voir la proposition de loi de Guy Mafuta être susceptible de consacrer l’interdiction à tous les agents publics et faciliter une dérive antisyndicale pour étouffer l’expression des revendications sociales naissant de la gabegie des ressources disponibles par les mandataires, des détournements des deniers publics, de la corruption en l’absence des poursuites judiciaires.
« En parcourant l’esprit de la proposition, tous les agents des établissements publics, des services publics et des sociétés commerciales poursuivant l’intérêt général risquent d’être privés du droit de grève. Cette proposition dont le caractère liberticide a été démontré, n’est pas de nature à renforcer la crédibilité de l’Etat de droit, la bonne gouvernance et la responsabilité personnelle des mandataires publics », alerte le président national de la CLE qui conseille qu’il serait judicieux que les nouveaux efforts du législateur soient orientés pour renforcer les lois existantes à travers les listes des services essentiels en cas de grève, les instances de conciliation et de médiation pour gérer les revendications sociales afin d’éviter les grèves.
Que ce soit pour les agents de carrière des services publics de l’Etat tout comme pour les agents privés régis par le code du travail, Me José Kadima décèle dans la proposition de loi de Guy Mafuta l’absence criante des innovations. « Au lieu d’avancer une nouvelle loi qui doit régir la grève pour tout le monde, il y a dans le cadre des lois qui existent, des mesures d’applications qui sont préconisées. On demande tout simplement au premier ministre de prendre un décret pour réglementer le secteur. Donc, quand une loi existe avec des dispositions d’ordre général, il faut que la mesure d’application en donne les modalités pratiques. On ne peut pas vouloir créer une autre loi alors que celle qui existe donne déjà les ouvertures pour la consécration ou les limitations du droit de grève », martèle Me José Kadima.
Innocent Olenga