Justice congolaise : divergences entre Célestin Tunda ya Kasende et Victor Mumba ainsi que Benoît Lwamba

Par Agnelo Agnade.

Le vice-premier ministre et ministre en charge de la Justice et garde des Sceaux, Célestin Tunda ya Kasende, ne semble pas émettre juridiquement sur la même longueur d’ondes, d’une part avec le procureur près la Cour de Cassation, Victor Mumba Mukomo, et d’autre part avec le président de la Cour Constitutionnelle et président du Conseil Supérieur de la Magistrature, Benoît Lwamba Bindu.

En effet, dans la première lettre adressée au procureur général le 17 avril 2020 , le ministre invite le parquet près la Cour de cassation au respect de la loi quant à la qualité des justiciables devant comparaître devant elle; allusion faite directement aux convocations et au mandat d’amener établis à l’endroit du directeur général de l’OGEFREM, Patient Sayiba. Là, Célestin Tunda ya Kasende s’appuie sur la loi organique portant organisation, fonctionnement et compétences de juridictions de l’ordre judiciaire qui détermine en son article 93, la catégorie des personnes justiciables devant la Cour de cassation (les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat; les membres du gouvernement autres que le premier ministre; les membres de la Cour constitutionnelle et ceux du parquet près cette cour; les membres de la Cour de cassation et ceux du parquet de cette cour; les membres du Conseil d’Etat et ceux du parquet près cette cour; les membres de la Cour des comptes et ceux du parquet près cette cour; les premiers présidents des cours d’appel et des Cours administratives d’appel ainsi que les procureurs généraux près ces cours; les gouverneurs, les vice-gouverneurs, les ministres provinciaux ainsi que les présidents des Assemblées provinciales).

Dans la seconde lettre adressée au président du Conseil Supérieur de la Magistrature le 15 avril 2020, le vice-premier ministre et ministre de la Justice et Garde des Sceaux, exprime sa volonté de visiter les juridictions, les offices et services judiciaires de la ville de Kinshasa.

En réponse, d’abord pour le parquet près la Cour de cassation, le procureur général Victor Mumba, n’est pas allé par le dos de la cuillère pour dire ouvertement et directement à Célestin Tunda ya Kasende que sa correspondance n’avait pour objet que la protection du DG de l’OGEFREM actuellement traqué par le Parquet près la Cour de cassation.

Tout en reconnaissant que ce dernier n’est pas justiciable devant la Cour de cassation, Victor Mumba explique à Célestin Tunda à quel moment son office peut intervenir sans gêner les compétences d’autres juridictions. «Je note pour ma part que le mandat d’amener peut être décerné par l’officier du ministère public à la demande d’un officier de la police judiciaire menant une enquête préliminaire contre un justiciable qui refuse de répondre à ses invitations, force devant rester à la loi. L’accusé (Patient Sayiba) n’ayant pas répondu à ses convocations, l’officier de police judiciaire a sollicité et obtenu par deux fois les mandats de comparution qui ont été remis à l’intéressé. En dépit de cela, faisant preuve de mauvaise foi manifeste, ce dernier a même demandé à l’officier de police judiciaire enquêteur de se déplacer pour l’auditionner à son bureau ou à défaut lui envoyer un questionnaire préétabli», explique le PG Victor Mumba qui précise que l’enquête au niveau de l’officier de police judiciaire à charge du DG de l’OGEFREM n’a pas vocation à être relayée par son office étant entendu que les procès-verbaux qu’aura dressés ledit officier de police judiciaire seront en principe dirigés devant l’officier du ministère public près la juridiction compétente, à savoir la Cour d’appel, pour instruction et clôture du dossier.

Si le PG Victor Mumba a été réservé vis-à-vis du VPM Tunda ya Kasende, le président du Conseil Supérieur de la Magistrature et président de la Cour constitutionnelle, lui, a été tranchant. C’est une sorte de cours de droit que Benoît Lwamba a administré au VPM de la justice. «Je relève l’inopportunité de la visite envisagée», lui écrit-il en lui signifiant que sa démarche envisagée entre en contradiction avec l’article 151 de la constitution qui stipule que «le pouvoir exécutif ne peut donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice, ni s’opposer à l’exécution d’une décision de justice».

Le vieux juge ne s’empêche aussi de lui dire, non seulement que le contrôle qu’il veut effectuer n’est prévu par aucune disposition légale, mais aussi lui rappelle que le ministre de la justice n’est plus membre du Conseil Supérieur de la Magistrature depuis la réforme de la constitution en 2006.

De l’avis de plusieurs analystes politiques et juridiques, le VPM Célestin Tunda a exposé à la place publique ses couleurs politiques dans une tendance de protéger les intérêts et les membres de sa famille politique, le Front Commun pour le Congo (FCC).

  • Bendélé Ekweya té

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