RDC : F. Tshisekedi a violé la constitution !

(Une tribune du Professeur Adolphe VOTO)

Dans la procédure de nomination du Premier Ministre Sylvestre Ilunga, le Président de la République, Félix Tshisekedi a violé la constitution de la République démocratique du Congo. En effet, en son article 78, la loi fondamentale prévoit que « Le Président de la République nomme le Premier Ministre au sein de la majorité parlementaire, après consultation de celle-ci…… Si une telle majorité n’existe pas, le Président de la République confie une mission d’information à une personnalité qui identifie une coalition. La mission d’information est de trente jours renouvelables une seule fois. »

A l’issue des élections législatives de 2018, la République démocratique du Congo était donc dans le cas de figure où il n’y a pas de majorité au parlement. Il faut attendre par majorité parlementaire ici qu’un parti politique a 250 députés plus 1. Or à voir la liste des partis politiques ayant participé aux élections et transmise par la Ceni à l’issue des élections à l’Assemblée nationale, aucun parti politique n’a obtenu plus de 250 élus.

Certes, il y a eu des regroupements politiques, notamment le FCC qui n’est pas reconnu au parlement, par ce que les députés n’ont pas été élus sous l’étiquette FCC, mais sous le label de leurs partis et regroupements politiques, membres du FCC. C’est d’ailleurs en fonction de cette situation que le Président de la République a promis à plusieurs reprises publiquement devant la presse, la désignation d’un informateur.

Mais force est de constater que devant la pression du FCC qui s’est imposé pour faire croire qu’il y avait déjà une majorité au parlement, Félix Tshisekedi a fait marche arrière et a fini par épouser la thèse de ses alliés, sans même s’expliquer sur ce changement d’option. Il va donc nommer M. Sylvestre Ilunga en violation de l’article 78 de la constitution.

Pire encore, l’ordonnance nommant le Premier Ministre, trouve entre autres ses fondements juridiques  dans l’accord entre le FCC et le CACH, lequel accord est un arrangement privé qui n’a aucune base juridique officielle engageant l’État congolais, et qui  par conséquent, n’a jamais été et ne peut être publié dans le journal officiel.

Le Président de la République, en évoquant dans l’ordonnance nommant le Premier Ministre l’accord FCC-CACH, affirme par là que le Premier Ministre n’est pas nommé au regard de la constitution qu’il a  déjà violée pour n’avoir pas désigné un informateur, même s’il évoque cette constitution dans l’ordonnance, mais en fonction de l’accord FCC-CACH.

Un accord occulte

Jusque là, le fameux accord FCC-CACH n’a jamais été rendu public. Lorsque l’opinion demande de rendre public le contenu de cet accord, les signataires prétendent qu’il s’agit d’un accord qui se justifie du fait de la majorité écrasante du FCC au parlement qui impose une coalition avec le Président de la République. Or nous savons que c’est à l’issue d’une mission d’information que cette majorité devrait être contactée au niveau du Parlement. Mais quand et à quel niveau cette majorité a été officiellement constatée.

La majorité parlementaire FCC a été constatée, non au Palais du peuple, mais à Kingakati lors d’une rencontre que Joseph Kabila a convoquée et le Président de la République, Felix Tshisekedi en a pris acte. C’est sur base de ce constat qu’il a agit et non sur base du rapport d’un informateur nommé par ordonnance présidentielle au regard de l’article 78 de la constitution.

Pourtant, on aurait abouti au même résultat à l’issue d’une mission d’information au sein du parlement. L’informateur aurait constaté formellement qu’il n’y a pas une majorité parlementaire et les coalitions se seraient par conséquent constituées au sein parlement, en respectant la constitution. Le FCC, étant donné le nombre de ses élus, aurait toujours gardé la primature, sans que la constitution ne soit violée.

Les alliés de Tshisekedi ont donc  choisi délibérément de lui imposer un schéma qui l’oblige à violer la constitution. En choisissant ce schéma et en invoquant délibérément l’accord FCC-CACH dans l’ordonnance nommant le Premier Ministre, le FCC a voulu ainsi donner une valeur  officielle à l’accord FCC-CACH dans la gestion de l’État congolais.

Ce n’est donc pas la première fois que le régime Kabiliste issu de l’AFDL a eu de telles prétentions. Lorsque Laurent-Désiré Kabila prend le pouvoir en 1997, il suspend la constitution et commence à légiférer au regard de l’acte constitutif de l’AFDL. Les ministres étaient nommés au regard de l’acte constitutif de l’AFDL. Du reste, cet acte fondateur de l’AFDL qu’on appelé « Accord de Lemera » n’a jamais été rendu public, mais a légiféré le Congo pendant tout le règne de Laurent Désiré Kabila. Par ailleurs, certaines versions de cet accord de Lemera publiées affirment entre autres cet article : « Le sol et le sous-sol  appartiennent à l’AFDL » à la place où la constitution affirme que la sol et le sous-sol appartiennent à l’Etat.  Ce fameux accord affirme en outre que l’AFDL une fois au pouvoir devrait céder 300 kilomètres de territoire à la frontière Est du pays pour garantir la sécurité des pays voisins. C’est donc cette disposition de l’accord qui justifie les prétentions des alliés de l’AFDL, notamment le Rwanda sur la partie Est du Congo.

Comme l’Accord de Lemera, l’accord FCC-CACH, tout en restant occulte, a déjà la prétention de légiférer la République. Même les bases de l’UDPS continuent à réclamer cet accord dont elles n’ont jamais pris connaissance et qu’elles soupçonnent d’ailleurs.

Tshisekedi piégé

Félix Tshisekedi doit faire attention par ce que, en officialisant les accords FCC-CACH qui gouvernent désormais l’Etat congolais, il vient de créer une jurisprudence qui peut non seulement le rattraper, mais porter un grave préjudice à toute la République.

  • Bendélé Ekweya té

À ne pas rater

À la une