Cassation de l’arrêt de la Haute cour militaire condamnant Dolly Makambo et consorts : Une jurisprudence qui s’annonce bien pour François Beya et coaccusés civils !

La Cour de cassation a, dans son audience publique de ce 20 juillet 2022, cassé l’arrêt de la Haute cour militaire ayant condamné l’ancien ministre provincial de Kinshasa, Dolly Makambo, et coaccusés, à dix ans de prison ferme en novembre 2019. C’était dans l’affaire du meurtre de l’agent du Centre de santé Vijana dans la commune de Lingwala (Lire l’article de Scooprdc.net :  Procès du meurtre à l’hôpital Vijana : la Haute Cour Militaire rejette l’exception d’inconstitutionnalité évoquée par les avocats de Dolly Makambo).

La Cour de cassation a par ailleurs renvoyé la cause devant ses chambres réunies. Autrement dit, Dolly Makambo et coaccusés ne sont pas acquittés, mais devront plutôt être rejugés par la Cour de cassation.

En effet, les condamnés alors prévenus à l’époque, avaient demandé à la Haute cour militaire de se déclarer incompétente pour les juges étant donné qu’ils sont des civils. Mais cette juridiction militaire s’était obstinée à se prévaloir compétente pour examiner leur cas et les avait ainsi condamné après procès à la peine aussi lourde de 10 ans évoquée ci-haut. 

« Sans qu’il soit nécessaire d’examiner tous les moyens invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs pourvois, la Cour de cassation statue sur celui tiré de la violation des articles 18, 19, 21, 153 et 162 de la Constitution, 115 de la loi organique n° 17/003 du 10 mars 2017 modifiant et complétant la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire et 87 du Code de procédure pénale, en ce que la Haute cour militaire était incompétente ratione personae pour juger les demandeurs, qui en étant des civils, relèvent des juridictions civiles, n’a pas correctement motivé son œuvre sur ce point et a omis de sursoir à statuer alors qu’elle devait décliner sa compétence », peut-on lire dans l’arrêt de la Cour de cassation de ce 20 juillet 2022, comme sa motivation.

Donnant raison aux condamnés, la Cour de cassation argumente que la Haute cour militaire est incompétente pour juger les civils de leur état, poursuivis en participation criminelle avec un policier ou un militaire. Cela n’est possible qu’en temps d’état de siège, de guerre ou d’urgence ainsi que dans la zone opérationnelle, tel que soulevés comme des exceptions dans l’article 15 du Code judiciaire militaire. Or pour l’ancien bourgmestre de la Gombe sous Kimbuta et ancien ministre provincial de l’intérieur sous Ngobila et ses coaccusés civils, ce n’est pas le cas. A l’époque de la commission de l’infraction à Kinshasa, il n’y avait ni état de siège, ni état de guerre, moins encore d’urgence. Kinshasa n’était pas non plus une zone opérationnelle. D’où pour la Cour de cassation, Dolly Makambo devait être jugé par elle au regard de son rang de ministre, et ses coaccusés par le Tribunal de grande instance.

Cette cassure de l’arrêt de la Haute cour militaire condamnant Dolly Makambo et consorts risque de se reproduire encore dans le dossier François Beya, ancien Conseiller spécial du président de la République, Félix Tshisekedi, poursuivi avec ses coaccusés dans une affaire de présumé coup d’Etat contre le président Tshisekedi. En effet, malgré l’instance de leurs avocats pour démontrer à la Haute cour militaire qu’elle était incompétente de juger leurs clients civils, cette juridiction militaire s’est prévalue compétente pour siéger et a poursuivi les audiences.

Mais ce qui est vrai, tout arrêt qu’elle prendra sera attaqué en cassation et subira sans aucun doute le sort de celui condamnant Dolly Makambo. A quoi servirait-il aux juges de la Haute cour militaire dont déjà deux récusés pour partialité, de juger Fantômas et coaccusés pour voir finalement leur arrêt cassé à la Cour de cassation comme c’est le cas avec Dolly Makambo ? 

Il y a lieu ici de rappeler que les juridictions civiles et militaires de l’ordre juridictionnel sont toutes soumises à la Cour de cassation.     

  • Bendélé Ekweya té

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