Jean-Claude Kazembe crache : «avant-hier, les riches ont été appelés mobutistes. Hier, on les a appelés kabilistes. Aujourd’hui, les nouveaux riches s’appellent les tshisekedistes »

Par Georges Ilunga.

Premier gouverneur du Haut-Katanga après le démembrement de la province du Katanga, Jean-Claude Kazembe a du mal à garder sa langue dans la poche devant ce qu’il qualifie de «navrante gestion» de la RDC en général, et de sa province, le Haut-Katanga en particulier. Devant la presse, ce lundi 18 mai à Lubumbashi, celui qui a eu maille avec les dirigeants de son ancien parti, le PPRD, avant de créer sa Conacat, se dit interpellé et lance le débat : «bientôt 60 ans d’indépendance, à qui profite le Congo ?»

Dans sa description de la gestion du pays depuis son accession à l’indépendance, Jean-Claude Kazembe peint un Congo où le sang des pauvres congolais continue à couler sans qu’ils en connaissent la raison et où la précarité de la vie est sans lendemain. « La gestion du pays n’a pas permis de sortir de la misère noire, ne fut-ce-que 1% de notre population», crache-t-il sans mâcher les mots. Et d’accuser : « depuis la seconde République, les ressources du pays profitent à une oligarchie basée à Kinshasa, qui se renouvelle par cooptation et depuis un certain temps par des élections fantaisistes favorisées par une obscurantisme entretenue et basée sur la clochardisation d’une population paupérisée à dessein, affamée, désinformée et instruite à moitié. Avant-hier, les riches ont été appelés mobutistes. Hier, on les a appelés kabilistes. Aujourd’hui, les nouveaux riches s’appellent les tshisekedistes. Ayant goûté au miel, ils sont en train de se fourvoyer dans les rétro-commissions, les commissions, les détournements des financements de saute-moutons et des logements sociaux etc».

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Pour Jean-Claude Kazembe, ces oligarchies qui se succèdent sont généralement constituées des membres des familles régnantes qui sont des commissionnaires et des protecteurs des mafieux ; des ministres qui sont des politiciens gueulards qu’il faut réduire au silence et auxquels on n’exige ni moralité ni compétence ; des mandataires des entreprises de l’Etat (PCA, PDG, DGA, administrateurs…), pourvoyeurs des moyens financiers à l’oligarchie, sans contrepartie en termes de management ou d’expansion de l’entreprise ; des députés et sénateurs qui servent de paravent avec comme rôle de protéger ceux qui volent et d’endormir le peuple.

L’ancien gouverneur du Haut-Katanga, jusqu’à preuve du contraire membre du Front Commun pour le Congo (FCC), estime qu’il faut proposer un nouveau mode de gestion qui puisse profiter au peuple congolais et non aux oligarchies successives. Il s’insurge que  Kinshasa soit considéré comme le Congo et à lui seul, consomme plus de 80% du budget national.

«Si cette oligarchie kinoise était nationaliste, elle pouvait consacrer ne fut-ce que 1 million USD par territoire dans son budget annuel. Le total, soit 145 millions USD par an, moins de 3 % du budget national (estimé à 6 milliards), pouvait impacter toute la République et impulser le développement à la base. C’est donc là un signe manifeste d’inconscience, d’insouciance, de mauvaise foi et d’irresponsabilité. Au lieu de cela, les oligarchies adorent l’odeur de l’argent. Elles sont partout où montent l’odeur de l’argent. Si elles ne peuvent pas prendre directement des sommes colossales d’argent, elles créent des structures qui canalisent directement le flux monétaires vers leurs comptes sous le couvert de l’Etat car l’Etat c’est eux. C’est le cas du FONER, de la DGE (Direction des grandes entreprises) au sein de la DGI… En plus, c’est à partir de Kinshasa que la République démocratique du Congo est vendue et que ses richesses sont bradées par la signature des contrats léonins, la cession des concessions minières à vil prix et revendues à 1000 fois plus chères, la déforestation incontrôlée suivie de l’exportation du bois au moment où nos enfants sont assis à même le sol dans les classes, tout cela moyennant des commissions pour l’enrichissement personnel et familial», dénonce cet ancien gouverneur du Haut-Katanga et membre du FCC.

Comme solution et en vue de diminuer l’influence nuisible et néfaste de l’oligarchie kinoise dans la gestion du pays, Kazembe propose LE FEDERALISME avec six Etats hérités de la colonisation qui seront également subdivisés en provinces (Etat fédéral du Katanga, Etat fédéral du Kasaï, Etat fédéral du Kivu, Etat Fédéral Oriental, Etat Fédéral de l’Équateur et l’Etat fédéral du Congo Central. «Le fédéralisme va diluer l’équipe de prédation basée à Kinshasa et permettre aux compétences de retourner à la base pour participer au développement à la base», déclare-t-il à la presse, en appelant à la révision de la constitution.

« L’actuelle Constitution est déjà fédéraliste du moment qu’elle consacre la séparation des compétences entre l’Etat et les provinces. Il suffit de changer son intitulé en REPUBLIQUE FEDERALE DU CONGO et améliorer certains articles concernant la justice, les finances, la police etc. Ceci favorisera le dégraissage des institutions au niveau central : le parlement pourra passer de 500 à 200 membres, un Sénat de 50 personnes sera suffisant pour représenter les 6 Etats, un Gouvernement de 30 personnes pourra s’occuper des matières nationales essentielles, les directions de certaines entreprises seront supprimées ou régionalisées pour les rendre efficaces. Le Président de la République n’aura pas besoin de 1000 personnes comme conseillers, chargés des missions, personnel d’appoint etc. Le train de vie des institutions nationales budgétivores se réduira de soi», explique Jean-Claude Kazembe. Sera-t-il écouté ?

  • Bendélé Ekweya té

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