Analyse de Maurice Mukendi/Expert économiste et financier
Le chiffre, un pilier du discours politique et économique !
En politique comme en gestion publique, l’usage des chiffres n’est pas un simple ornement du discours, c’est une nécessité absolue. Un homme politique qui s’exprime sans chiffres, manque de crédibilité. Il en va de même pour tout ministre, à tous les niveaux de l’administration. Les promesses doivent être chiffrées : il faut préciser la quantité, la qualité, la durée de réalisation et le coût du projet. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra juger de l’efficacité, de l’efficience et de la transparence de l’action publique, sans oublier son impact réel sur la population.
Comme le dit si bien l’expression populaire : “chiffre nde makambu”. En d’autres termes, sans chiffres, on ne peut pas parler de réalisations concrètes.
L’exemple d’un gouverneur : la différence entre un discours vague et un discours chiffré
Prenons le cas d’un ancien gouverneur du Katanga qui, sur une chaîne internationale, vante ses réalisations en déclarant : « J’ai construit des routes, des écoles et créé des emplois ».
Ce type de discours est creux et manque de substance. Mais si ce même gouverneur avait déclaré : « Avec un budget de 100.000 dollars, j’ai construit 10 écoles qui ont permis la scolarisation de 20.000 élèves, faisant passer le taux de scolarisation de ma province de 45 % à 67 % », l’impact de son discours aurait été totalement différent. Grâce aux chiffres, on peut évaluer :
1. L’efficience des dépenses : L’argent a-t-il été utilisé de manière optimale ?
2. L’absence de détournement : Les fonds ont-ils servi à leur objectif initial ?
3. L’impact réel : Quelle est la transformation tangible pour la population ?
Avec cette approche, les citoyens peuvent juger si un projet a été bien conçu et mis en œuvre.
L’opportunité des investissements : un enjeu économique et éthique
Un autre élément clé de la prise de décision publique est l’opportunité de l’investissement. Pourquoi construire des écoles plutôt que d’investir ailleurs ? L’investissement dans un musée, par exemple, est-il plus pertinent que dans des infrastructures de base ?
En économie, on parle d’effets d’entraînement et d’impact. Certains investissements ont un rendement faible comparé à d’autres. Parfois, la vraie raison d’un choix d’investissement est moins noble : il peut s’agir de favoritisme ou de détournement sous couvert de projets publics.
Lors du vote du budget, les dirigeants doivent avoir pour critère :
• L’efficience : Le projet est-il rentable et optimisé ?
• L’opportunité : Ce choix est-il prioritaire ?
Un bon gestionnaire public doit agir comme un père de famille responsable. Pourquoi un père achèterait-il un pot de fleurs pour embellir sa maison alors que ses enfants dorment sur le sol faute de lits ?
L’éthique des économistes et décideurs publics
En tant qu’économistes et financiers, nous devons nous interroger lorsque nous voyons certains choix budgétaires passer sans contestation. Comment expliquer que des économistes de formation valident des décisions économiquement absurdes ?
Cela pose une question d’éthique économique et financière. Ceux qui ne peuvent pas défendre des choix rationnels devraient avoir le courage de démissionner, comme le Christ l’a enseigné en demandant de sortir d’un milieu corrompu.
Conclusion : Apprendre à parler avec rigueur et impact
Prendre la parole pour défendre ses réalisations ne s’improvise pas. Tout comme la prière a été enseignée par le Christ avec « Voici donc comment vous devez prier », il est temps d’enseigner aux dirigeants « Voici donc comment vous devez parler ».
Seuls les discours chiffrés et fondés sur des faits permettent une gouvernance transparente et efficace. Car, au final, “chiffre nde makambu” !