C’est un enfant laissé à deux mois et trois jours, aujourd’hui âgé de 55 ans qui se souvient toujours de son géniteur lâchement assassiné aux premières heures de régime Mobutu à cause de son engagement infatigable en faveur de la démocratie et de la liberté humaine. Véritable prototype de son père Guillaume Lubaya qu’il n’a jamais vu et ne verra jamais, Claudel-André Lubaya incarne, non seulement les vertus de ce dernier, mais aussi est politiquement sur ses traces. Non sans raison, Guillaume Lubaya fut gouverneur du Kasaï occidental, Claudel-André Lubaya le fut aussi beaucoup d’années plus tard en trônant au Bâtiment administratif pendant sept ans et en occupant la même résidence de fonction qu’avait habitée son père. Guillaume Lubaya fut député national, Claudel-André Lubaya l’est aussi et compte à son actif trois mandats successifs depuis 2006. Le combat pour une démocratie bien assise que mène actuellement Claudel-Adré Lubaya, fut le même que mena son défunt père. Ci-dessous l’hommage de Claudel-André Lubaya à Guillaume Lubaya :
Héros de la liberté et de la démocratie
En ce jour où le monde entier commémore la journée internationale du travail, je m’attache à célébrer la bienheureuse mémoire de mon père, André Guillaume Lubaya, victime d’assassinat politique aux premières heures de la dictature de la 2ème République. Il y a 55 Ans. Député à l’Assemblée nationale au moment de sa mise à mort, il fut un des pionniers de la résistance contre la dictature du parti unique, et incarnait par son combat, un engagement infatigable en faveur de la démocratie et de la liberté humaine.
Au lendemain du coup d’État militaire du 24 Novembre 1965, qui fût le prélude aux années sombres de l’histoire de notre pays, marquées par la restriction des libertés et la répression des voix discordantes, André Guillaume Lubaya (33 ans en 1965) eut le courage de s’opposer au nouveau pouvoir et ce, contrairement à ses congénères qui lui firent allégeance. Au sein du Parlement, seul contre tous, il se porta en rempart contre la dictature naissante en exigeant le retour à la légalité constitutionnelle issue des élections de 1964, en refusant d’adhérer au MPR Parti-État et en rejetant toute forme de compromission avec les institutions issues du coup d’État militaire.
Pour les nouveaux maîtres du régime, ce fut ça son crime, comme en conclut le rapport de la commission des assassinats et violations des droits de l’homme de la Conférence nationale souveraine dans ses avis et considérations :
« En l’absence de preuves tangibles de complot, votre commission a voulu trouver les motivations de l’élimination de LUBAYA. Elle a retenu : …/…
1°. Lubaya fut un des rares parlementaires à avoir voté contre le coup d’Etat du 24 Novembre 1965 et avoir refusé son adhésion au MPR.
2°. Il s’agit d’un enlèvement, des tortures et d’assassinats politiques.
3°. Lubaya ne fut pas l’objet d’un mandat d’arrêt ni d’amener signé par un magistrat. Il ne fut pas jugé, encore moins ses compagnons.
4°. Il ne fait aucun doute que Lubaya, Député, fut assassiné pour ses opinions politiques divergentes de celles du maître du régime ».
Pour toutes ces raisons, le député André Guillaume Lubaya fut faussement accusé de complot contre le régime issu du coup d’État. Épié dans ses faits et gestes et traqué par la suite, il fut brutalement enlevé et exécuté sans jugement dans la nuit du 1er au 02 Mai 1968 à Kinshasa, en même temps que ses quatre compagnons d’infortune.
En attendant un jour l’exhumation éventuelle de leurs restes, mon père et ses compagnons d’infortune ne reposent dans aucun cimetière connu ; leurs dépouilles mortelles ayant été, de l’avis de la conférence nationale souveraine, dépecées, dissimulées et disséminées dans le fleuve Congo par leurs bourreaux.
Bien que sa disparition tragique souffre encore d’un confinement mémoriel à l’instar des autres martyrs de la liberté, 55 Ans après, André Guillaume Lubaya, mon père dont je porte fièrement le sang et le combat, vit à jamais, auréolé de gloire, porté par les valeurs de liberté, de démocratie et de justice ; valeurs auxquelles il avait cru jusqu’au bout. Nous sommes, à ce jour, conscients que par son sacrifice, il a fait don de sa vie à la Nation, en acceptant de payer le prix le plus fort pour la liberté.
Ce 1er Mai 2023, ce n’est pas sa mort ni celle de ses compagnons d’infortune que nous commémorons, loin de là. J’ai juste voulu, en évoquant le supplice de la nuit du 1er Mai 1968, mettre en miroir un pan de notre passé historique et rendre ainsi hommage à ce héros en rappelant le rôle fondamental qui fût le sien, à l’instar d’autres compatriotes, dans le combat contre la dictature et pour la liberté. C’est une des pages sombres de l’histoire de notre pays, certes, mais c’est aussi l’histoire de ma famille, que nous restituons chaque année dans le présent, sans rancune ni rancœur, sans aucune velléité de vengeance. Le destin d’un peuple se construit par le pardon et la justice.
Ce 1er Mai 2023, nous célébrons également un droit fondamental qui lui était cher et pour lequel il a payé le prix le plus fort : la LIBERTÉ. Valeur cardinale et garante de la vitalité démocratique, la Liberté devrait être fondée sur un pluralisme politique effectif, où chaque citoyen peut se forger sa propre opinion et participer au débat public sans être menacé, insulté, invectivé, emprisonné ou mis à mort. La Liberté, c’est ce qui fonde l’Homme. Source du progrès collectif, la Liberté n’est rien d’autre que l’expression de notre dignité en tant qu’humains. Elle représente le socle sur lequel se fonde un État véritablement démocratique. C’est pour cette raison que depuis des siècles, la Liberté reste un combat permanent et un motif d’engagement politique des hommes et des femmes à travers le monde.
C’est l’histoire de l’Union démocratique africaine, parti qu’il créa en 1962, lequel s’allia plus tard au Parti Solidaire Africain pour finalement donner naissance au Parti Lumumbiste Unifié, « PALU » en sigle. C’est de ce rapprochement qu’émergea le premier front de l’opposition au régime Mobutu en même temps qu’il devint la cible d’impitoyables vagues de répression jusqu’à l’ouverture au pluralisme politique le 24 Avril 1990.
Aujourd’hui porteur de ce legs, l’Union démocratique africaine perpétue la lutte de son chef historique ; lutte fondée sur l’Homme, la Liberté et la Patrie, valeurs qui constituent au demeurant les marqueurs idéologiques de notre engagement politique et le fondement de notre action, faisant ainsi du Congo, une cause à défendre. Par des voies concomitantes destinées à s’entrecroiser, c’est l’histoire du Congo qui se cherche, celle d’un peuple qui aspire à jamais, tout au long de notre Histoire et ce, depuis des siècles, à la Liberté, à la Justice, à l’État de droit, rêve à ce jour inaccompli
Kinshasa, le 01 mai 2023
Lubaya Claudel-André.