Ce lundi 31 janvier 2022, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi se rend au Kongo central, précisément à l’embouchure du fleuve Congo dans le territoire de Moanda, pour poser la première pierre de la construction du port en eau profonde de Banana. Un événement annoncé avec pompe et où devraient ses retrouver plusieurs personnalités politiques en quête de la visibilité et de la célébrité. Mais seulement, la construction de ce port en eau profonde n’est pas, honnêteté oblige, l’œuvre de régime Tshisekedi. En effet, datant de très longtemps d’avant même l’avènement de Mobutu, et sans voir se dessiner un squelette pour sa réalisation, ce projet s’est concrétisé sous le gouvernement Tshibala avec comme vice-premier ministre, ministre des Transports et voies de communication, José Makila. Sur ce sujet, Scooprdc.net qui suivait le dossier de près avait produit à l’époque une série d’articles (Lire les articles : Construction du port en eaux profondes à Banana : la Présidence de la République voudrait voir clair et Construction du port en eaux profondes : enfin, José Makila a le go !).
Et pour ne pas tâtonner, le président Joseph Kabila en personne avait dû retourner ce dossier par trois fois au conseil des ministres pour son aboutissement heureux. Donc, c’est un dossier que le régime Tshisekedi a positivement hérité, évidemment avec quelques amendements de certaines petites clauses.
Histoire ne méritant pas la condamnation à mort et devoir de mémoire oblige, Scooprdc.net vous reproduit ce qu’avait été la communication du VPM des Transcom de l’époque, José Makila devant les journalistes le 03 mars 2018, soit près de quatre ans :
CONFERENCE DE PRESSE
COMMUNICATION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE VICE-PREMIER, MINISTRE DES TRANPORTS ET COMMUNICATIONS SUR LE PROJET DE CONSTRUCTION DU PORT EN EAUX PROFONDES A BANANA
A L’INTENTION DE LA PRESSE NATIONALE ET INTERNATIONALE
Mesdames et Messieurs de la Presse,
Distingués invités,
La République Démocratique du Congo est un pays semi enclavé. Situé au cœur de l’Afrique, avec une superficie de 2.345.309 km2 et une population de plus de 80 millions d’habitants, n’a d’ouverture sur l’océan que dans sa partie ouest dans la province du Kongo Central, vers l’océan Atlantique ou il possède d’un littoral de 37 km.
Sur les 37 km de littoral, la RDC n’a qu’une petite ouverture sur l’océan Atlantique dans les eaux profondes de l’embouchure de Fleuve du Congo.
Cette petite ouverture est faiblement exploitée à ce jour, car pour ses transactions internationales, notre pays est obligé d’utiliser deux ports intérieurs situés à Boma et Matadi qui ne sont pas en eaux profondes et dont la faible calaison oblige tous les navires de haute mer à transiter aux ports des pays voisins, notamment ceux de Pointe Noire et Walvis Bay. Ce qui pose un réel problème de compétitivité de notre commerce extérieur.
Face à ce handicap, et depuis les temps immémoriaux, la RDC cherche à pallier ce problème. C’est ainsi qu’a germé depuis 1863 l’idée de l’érection d’un port en eaux profondes à Banana.
C’est seulement en 1972 que le gouvernement de l’époque instituera un organisme pour notamment le développement d’un port en eaux profondes a Banana d’une part, et du chemin de fer et pont sur le fleuve Congo a Matadi, d’autre part. Il s’agit de l’Organisation pour l’Equipement de Banana – Kinshasa, OEBK en sigle.
En 1981, A la création de la ZOFI (Zone Franche d’Inga), l’OEBK fut intégré comme un département qui devait de façon autonome réaliser ces deux projets susdits.
En 1983, le Conseil Exécutif plaça l’OEBK directement sous la direction du Ministère des Transports et Voies de Communications pour une meilleure coordination de ces deux projets du secteur, qui sont très stratégiques pour l’économie du pays.
Les études réalisées en 1984 concernant le Port, soit une année après, ont chiffré le coût à près de 4,5 milliards de dollars américains.
Et donc, le Gouvernement de la République était en quête d’un partenariat solide pour matérialiser ce rêve en trouvant un financement adéquat et disponible, à des conditions compatibles avec la situation financière du pays.
Et depuis lors l’Etat congolais n’est jamais arrivé à matérialiser ces deux projets faute du financement nécessaire et de volonté politique. Il a fallu plusieurs décennies après par la détermination et la perspicacité d’un leader éclairé, en la personne de Son Excellence Monsieur Joseph KABILA KABANGE, Président de la République, Chef de l’Etat, à qui j’exprime mes hommages les plus déférents, dans sa vision de la Révolution de la Modernité, pour que ce rêve tende à devenir réalité.
Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs,
Distingues invités,
Chers amis de la Presse,
Pour la concrétisation de ce projet, l’opinion est en droit de savoir :
- comment le projet sera mis en œuvre ;
- pourquoi le choix du site actuel et quelles sont les études réalisées pour ce faire ;
- quelle est la procédure qui a été suivie jusqu’à ce jour ;
- comment le partenaire a été choisi.
- LE CHOIX DU PARTENAIRE ET PROCEDURES
Mesdames et Messieurs de la Presse,
Comme je l’ai signalé plus haut, le Gouvernement se devait de chercher un partenaire fiable, disposant de la capacité financière pour réaliser ledit projet, et ce, conformément à la loi.
S’agissant des marchés spéciaux et stratégiques, le législateur a dérogé aux règles antérieurement prévues en matière des marchés publics, conformément à ses articles 44 à 46, en prenant la Loi № 14/005 du 11 février 2014 portant régime fiscal, douanier, parafiscal, des recettes non fiscales et de change applicables aux conventions de collaboration et aux projets de coopération et ce, pour les investissements qui répondent aux conditions de son article 7 ci-après :
- la valeur des investissements ne doit pas être inférieure à l’équivalent en francs congolais d’un milliard de dollars américains ;
- la prise en charge des clauses sociales et environnementales ;
- la présentation d’une offre sous forme d’un montage financier sur le projet ;
- l’engagement d’assurer le transfert de la technologie ;
- et l’engagement de ne recourir à la main-d’œuvre étrangère que lorsque les qualifications et compétences ne sont pas disponibles localement.
Sachant qu’il s’agit d’opérer une délégation de service public dont le contrôle à priori de la DGCMP est requis étant donné que la Loi 14/ 005 du 11 février 2014 n’en spécifie pas les conditions, un Avis de non-objection a été sollicitée par ma référencée № 1652A/ CAB/ VPM/ MIN/ TC/ 2017 du 18 octobre 2017 et a été obtenue, après observations et amendements, par la référencée № 0839/ DGCMP/ DG/ DRE/ D4/ K.L/ 2017 du 27 octobre 2017 et ce, avant de passer par les procédures structurantes de censure et adoption du Gouvernement respectivement par :
- l’ECOFIRE en date du 31 octobre 2017,
- la Commission des Lois en date du 16 février 2017,
- la réunion mixte extraordinaires des commissions interministérielles en date du 21 février 2017, et ne reste plus à cet effet que l’adoption par le Conseil des Ministres.
Il importe donc de savoir que construire le Port en eaux profondes relève de la souveraineté l’Etat. C’est ainsi qu’après analyse de la manifestation d’intérêt de DP WORLD, l’Etat congolais s’est rendu compte qu’il remplissait les conditions légales énumérées ci-dessus. Et donc, l’Etat est en droit d’établir un partenariat public-privé conformément au titre II de la Loi 14/005 relatif aux dispositions spécifiques applicables à ce type de partenariat.
DP WORLD FZE a été donc choisi car présentant les atouts ci-après :
- Il est un opérateur indépendant non affilié a une compagnie maritime ; ce qui permettrait au port de Banana d’être utilisé par la majorité des compagnies maritimes mondiales ;
- Il est parmi les compagnies qui ont une approche logistique globale qui correspond exactement à notre vision de développement du secteur logistique. Cette approche qui se focalise autour de l’amélioration de l’efficience de la chaine logistique pour réduire la facture a l’importateur augmentera la compétitivité de nos produits ; ce qui favorisera le développement des échanges ;
- Le projet présenté par DP WORLD est cohérent et intègre aussi une zone industrielle et logistique pour une valeur supérieure a un milliard de dollars américains ;
- Le modèle présenté par DP WORLD a déjà fait ses preuves dans plusieurs pays, notamment l’Australie, Emirats Arabes Unis, Sénégal et Royaume-Uni.
S’agissant du choix du site, vous devez savoir que la construction de tout port en eaux profondes a comme préalable la construction d’une grande digue pour faire face aux vagues de l’océan. Des études antérieurement faites ont ignoré que Dieu nous a donné, pour le grand bonheur de tous les Congolais, une digue naturelle qui est une péninsule de plus de 2 km de l’océan dont la pointe se trouve à proximité des eaux profondes. L’option d’un Port à la péninsule a été préféré à tout autre car elle coûte beaucoup moins cher.
C’est ainsi que les études environnementales menées par ce partenaire conformément au protocole d’accord signé entre parties en date du 09 février 2017 ont prévu que l’Etat congolais puisse exproprier pour cause d’utilité publique quelques services et communautés locales occupant des bâtiments dans le périmètre du projet et relocaliser le camp militaire qui se trouvent dans cette péninsule.
- ACTIONNARIAT
Le projet de Convention de collaboration qui établit ce partenariat délègue le service public « port en eaux profondes » à une société concessionnaire commune dans laquelle, contrairement aux concessions classiques, l’Etat congolais aura 30% de participation non-dilluables au capital social. Ceci est conforme au prescrit de l’article 3 de la 14/ 005 du 11 février 2014.
Par conséquent, la société concessionnaire va avoir, pour la partie congolaise, des mandataires nommés par le Président de la République conformément à la Loi № 08/ 010 du 07 juillet 2008 fixant les règles relatives à l’organisation et à la gestion du Portefeuille de l’Etat et ce, tant au niveau du Conseil d’Administration qu’au niveau de la direction générale.
De même, le Ministre du Portefeuille de la République Démocratique du Congo couvrira par sa procuration spéciale la participation de l’Etat à l’Assemblée générale, instance où toutes les grandes décisions de la société sont prises à 71% de vote sachant que les 30% de l’Etat sont non-dilluables; qui dit mieux ?
IV. ETUDES REALISEES
- Etudes géotechniques (par CCCC Third Harbour Consultants Co. LTD de Shanghai, Chine) : bathymétriques, géologiques et topographiques
- Etudes d’impact environnemental et social (par Consultant International de Toulon, France & Environnement Office Congo Sarl, juin 2017) ;
- Etudes du marché et concept technique (par Royal Haskoning de la Hollande) : études économico-financière.
V. PRÉSENTATION DES PHASES ET COÛTS DU PROJET
Le projet de construction du Port en eaux profondes à Banana aura 4 phases :
V.1. Phase 1
- Valeur d’investissement total 539 500 000 millions USD, dont 118 500 000 USD, apport du Gouvernement de la RDC financé par DP World ;
- Construction de deux quais de 400 et 200 mètres (longueur totale 600 mètre);
- Pourra recevoir à la fois, un bateau de 390 mètres avec 12500 conteneurs vingt pieds (EVP) et un autre de 200 mètres ;
- Tirant d’eau 15,5 mètre, après dragage.
- Une zone de stockage de 28 hectares ;
- Une centrale électrique de 7,5 MVA (méga volt ampère) ;
- Ce quai aura une capacité de stockage de 16.000 EVP (équivalent conteneur vingt pieds) et 500.000 mouvements de conteneurs par an ;
- L’apport de la partie Gouvernementale sera destiné essentiellement aux travaux des routes Banana-Boma.
- Construction de la première zone logistique et industrielle (Valeur 25 000 000 USD).
V.2. Phase 2
- Valeur d’investissement total 168 000 000 millions USD, dont
3000 000 USD, apport du Gouvernement de la RDC financé par DP World ;
- Construction d’un 3eme quai de 200 mètres ;
- Augmentation de la capacité électrique de 2,5 MVA ;
- Construction de la deuxième zone industrielle et logistique (valeur 25 000 000 USD)
V.3. Phase 3
- Valeur d’investissement total 236 000 000 millions USD, dont 6 000 000 USD, apport du Gouvernement de la RDC financé par DP World ;
- Construction d’un 4eme quai de 400 mètres ;
- Augmentation de la capacité électrique de 5 MVA
V.4. Phase 4
- Valeur d’investissement total 226 000 000 millions USD, dont 6 000 000USD, apport du Gouvernement de la RDC financé par DP World ;
- Construction d’un 5eme quai de 400 mètres ;
- Augmentation de la capacité électrique de 5 MVA.
VI. IMPACT DU PROJET
Sur le plan politique, la construction d’un port en eaux profondes à Banana, dans l’ouverture de l’Océan Atlantique est une question de souveraineté nationale et d’indépendance dans le domaine maritime et de leadership géostratégique.
Sur le plan économique, l’augmentation des flux des navires essentiellement ceux de gros tonnage qui ne pouvaient pas accoster en RDC par manque d’infrastructures adaptées dans les eaux profondes, avec une incidence positive sur le volume de trafic, le chiffre d’affaires du port, les diverses retombées dans la Province du Kongo Central, et in fine, sur les effets diffus sur la croissance nationale.
Actuellement, l’absence du Port en eaux profondes à Banana entraîne que les deux tiers du trafic au port de Pointe Noire sont destinés à la RD Congo. Donc, Banana est prédestiné à devenir un hub maritime pour la sous-région.
Sur le plan social, la création d’emplois directs (environ 5.000) et indirects est envisagée, notamment, de manière directe, par la construction de la zone industrielle et logistique autour du port, la construction des infrastructures sociales (écoles, hôpitaux,…) et de manière indirecte, le développement de l’initiative privé par la multiplication des projets de sous-traitance, la modernisation de la cité (asphaltage de la route Banana-Matadi, développement de l’HORECA,…). Bref, ce projet va contribuer, à coup sûr, à réduire la pauvreté au sein de la population du Kongo-Central en particulier et de la RD C en général.
Mesdames et Messieurs,
Distingués invités,
Je vous remercie !
Fait à Kinshasa, le 3 mars 2018