Arrestation d’Atou Matubuana : Une justice humiliante et confusionniste !

La vidéo sur les réseaux sociaux qui montre le gouverneur du Kongo central, Atou Matubuana, en train d’être traîné dans la rue comme un malfrat par des agents en tenue civile venus l’arrêter le matin de ce samedi 18 décembre 2021, n’est pas digne d’un pays qui se veut de droit. Elle ne donne aucune envie de vouloir devenir une autorité politico-administrative lorsque l’on n’a pas de respect pour les immunités qui couvrent certaines fonctions. Jamais un gouverneur de province ne peut être ainsi traité.

Plusieurs réactions enregistrées sont unanimes : ces agents zélés envoyés pour arrêter Atou Matubuana doivent tous être sévèrement sanctionnés pour traitement dégradant, humiliant et inhumain qu’ils ont infligé à un gouverneur en fonction, s’il faut s’en tenir à l’arrêt du Conseil d’Etat.

« C’est avec indignation que je viens de voir l’arrestation du gouverneur du Kongo_Central. C’est un présumé innocent et il a droit au respect de sa vie. On ne peut pas conduire un ex représentant du Chef de l’État à pieds. Comme Ne Kongo, nous ne pouvons accepter cette humiliation, c’est inacceptable. Atou Matubuana  est un présumé innocent, nous ne pouvons pas accepter cette humiliation », a réagi Jean-Claude Vuemba, président de l’Assemblée provinciale du Kongo central.

Pour sa part, le sénateur Rolly Lelo Nzazi n’a pas manqué d’exploser sa colère : « L’homme ne perd pas ses droits élémentaires. Pas d’accord avec ce traitement inhumain pour quelqu’un qui est connu de résidences et dont la fuite n’est pas à craindre ».

Contradictions et confusions entre les Cours

Le traitement judiciaire du dossier Atou Matubuana, non seulement va créer un débat d’écoles entre les doctrinaires, mais aussi il crée déjà une malveillante jurisprudence suscitée par trois hautes juridictions du pays, à savoir la Cour de cassation, la Cour constitutionnelle et le Conseil d’Etat.

Tenez, le gouverneur du Kongo central, Atou Matubuana, est déchu début décembre 2019 par l’Assemblée provinciale sous la direction d’Anatole Pierre Matusila. La cérémonie de cette déchéance s’est déroulée dans l’hôtel Bilolo de Matadi. Cette décision est attaquée en justice pour irrégularité de deux députés intrus qui avaient pris part au vote. Pendant ce temps, face à la résistance du gouverneur  »déchu » dont la requête était pendante au niveau de la justice à Matadi, le président de l’Assemblée provinciale introduit lui une requête en interprétation de l’article 198 de la Constitution dont les dispositions sont appliquées mutatis mutandis aux membres du gouvernement provincial conformément à l’article 147 qui stipule que « Lorsque l’Assemblée nationale adopte une motion de censure, le Gouvernement est réputé démissionnaire. Dans ce cas, le Premier ministre remet la démission du Gouvernement au Président de la République dans les vingt-quatre heures.
Lorsqu’une motion de défiance contre un membre du Gouvernement est adoptée, celui-ci est réputé démissionnaire».

Après procès au Tribunal de paix de Matadi, la justice donne raison au gouverneur et annule les PV de sa destitution. La Cour constitutionnelle pour sa part, interprète dans son arrêt ce qu’elle entend à l’article 147. La Cour de cassation saisie par ceux qui ont contesté le jugement du Tribunal de paix de Matadi, confirme plus tard ce jugement et exige la destruction des PV de destitution d’Atou Matubuana. Là, on est au mois de mai 2020 et l’on pense le dossier clos.

Fort curieusement, en septembre 2021, le VPM de l’intérieur, Daniel Aselo, vient créer la confusion. Il cite dans sa liste présentée à la presse, le Kongo central comme faisant partie des provinces où les élections des gouverneurs doivent être organisées. Il fait un télégramme pour confier l’intérim au vice-gouverneur. Atou qui brandit la décision finale de la Cour de cassation sur ce dossier n’est pas écouté. Il attaque la décision d’Aselo au Conseil d’Etat en faisant voir à cette haute juridiction administrative que l’arrêt de la Cour constitutionnelle n’était pas une décision judiciaire, mais plutôt un avis consultatif.

Pendant ce temps, le procureur général près la Cour de cassation réveille son mandat d’arrêt contre Atou dans un dossier de détournement dénoncé par l’Inspection générale des finances. Atou qui s’estime encore gouverneur par la décision de la même Cour de cassation, brandit ses immunités non levées par l’Assemblée provinciale.

Quelques temps après, le Conseil d’Etat lui donne raison, annule la décision du VPM Aselo de confier l’intérim au vice-gouverneur et enjoint le patron de l’intérieur de rétablir Atou dans ses fonctions de gouverneur. Ce à quoi Aselo n’a pas obéi.

Le procureur près le Conseil d’Etat l’a sommé plusieurs fois pour qu’il exécute la décision de la justice, mais sans succès. Finalement, il a saisi son collègue de la Cour de cassation pour qu’Aselo soit poursuivi pour rébellion contre les décisions de justice. Mais c’est le même procureur de la Cour de cassation qui a arrêté Atou Matubuana ce samedi 18 décembre. Confusion !

La Cour de cassation va-t-elle se dédire sur son arrêt de mercredi 20 mai 2020 ordonnant la destruction de tous les PV des plénières tenues à l’hôtel Bilolo (Lire l’article de Scooprdc.net : Crise institutionnelle au Kongo central : fini la récréation !) ? A l’audience de ce lundi 20 décembre, les avocats du gouverneur humilié ne manqueront pas à soulever cette exception.

  • Bendélé Ekweya té

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