Alors que le président de la République a, dans son discours devant le Congrès ce lundi 13 décembre 2021, encouragé le Conseil supérieur de la magistrature à faire fonctionner les chambres disciplinaires afin que la sanction soit la seule récompense des mauvais magistrats qui, par leur comportement, ternissent l’image de toute une institution voulue un Corps d’élite, cet organe de gestion du pouvoir judiciaire baigne dans la léthargie inquiétante depuis quatre ans.
En effet, d’après l’article 10 de la Loi organique n° 08/13 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l’Assemblée générale se réunit en session ordinaire une fois l’an, au premier lundi d’avril, sur convocation de son président. S’agissant de l’Assemblée générale extraordinaire prévue à l’article 11, elle peut être convoquée par le président du CSM sur ordre du jour déterminé, à la demande, soit du Bureau, soit des deux tiers de ses membres.
Mais seulement, il se fait que depuis 2017, le CSM n’a tenu ni assemblée générale ordinaire, ni celle extraordinaire. Et d’après un haut juge qui s’est confié à Scooprdc.net pour déplorer les conséquences de cette léthargie, depuis sa création en 2008, une seule assemblée ordinaire a été tenue ce, en 2013. Les restes l’ont été en extraordinaire jusqu’en 2017. Et depuis lors, rien du tout.
Or, d’après l’article 7 alinéa 1er de la Loi organique précitée, l’Assemblée générale a pour rôle d’examiner les dossiers des magistrats en vue de leur nomination, promotion, démission, mise en retraite, révocation et, le cas échéant, de leur réhabilitation. Quatre ans sans réunion de cette instance, le travail détaillé à l’article 7 ne s’est pas fait et les conséquences sont fâcheuses.
Non sans raison, en saisissant par exemple le président du CSM le 23 novembre dernier, Me Patient Matuka Kabakisa voulait au nom de son client Kambasu Vuhumbira, victime d’un faux jugement rendu par les magistrats Joël Batena Tshingandu, conseiller à la Cour d’appel du Bas-Uélé et Felly Kakwata Bwabuy, juge au Tribunal de grande instance de Bunia, irrévocablement condamnés par la Cour de cassation, obtenir de lui la révocation de ces derniers conformément à la loi sur la magistrature. En effet, condamnés à 12 ans de prison ferme, peine largement dépassant les trois mois fixés par cette loi, ces deux juges étaient ipso facto candidats à la révocation (lire l’article de Scooprdc.net : Impunité dans la magistrature : Pourtant condamnés et candidats à la révocation, les magistrats Joël Batena Tshingandu et Felly Kakwata Bwabuy pas tellement inquiétés !). Mais il y une contrainte : ne peut révoquer un magistrat ou un juge que le président de la République sur proposition issue de l’Assemblée générale lui transmise conformément à l’article 7 alinéa 2 de la Loi organique n° 08/13 du 05 août 2008 portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature.
Faute de la tenue des assemblées ordinaires ou extraordinaires du Conseil supérieur de la magistrature, fait que ce genre de magistrats condamnés qui reprennent le travail sans être révoqués, deviennent davantage très nuisibles à la bonne administration de la justice, fait remarquer le haut juge interlocuteur de Scooprdc.net. « Un magistrat éligible à la révocation après condamnation pénale ou disciplinaire qui continue à exercer la profession en attendant la prise de l’ordonnance par le Chef de l’Etat sur proposition du CSM devient comme, disent les Kinois : ‘’Nzete ebetela kake ebangaka te likolo eyinda (Ndlr : un arbre foudroyé ne craint point que le ciel s’assombrisse). D’où la nécessité d’interdire à titre conservatoire le magistrat concerné pour épargner les justiciables de ses abus », propose-t-il.
L’interlocuteur du média en ligne ne s’explique pas pourquoi le CSM ne tient-il pas ces assemblées comme l’exige la Loi organique portant son fonctionnement et son organisation. Or, depuis plus de quatre ans que les sessions du CSM ne se tiennent plus, explique-t-il, il y a eu deux tentatives de convocation des assemblées, et les délégués venus même de l’arrière-pays et logé même, se sont vus du coup priés de retourner. Aussi les élections des délégués ont-elles été organisées dans tous les ressorts sans qu’une session se tienne. Quel gaspillage des moyens.
« Ce n’est pas les moyens financiers qui manquent », soutient-il car, non seulement le même article 7 de la Loi organique portant fonctionnement et organisation du CSM dans son alinéa 3, confie à l’Assemblée générale le pouvoir d’adopter l’avant-projet du budget du pouvoir judiciaire, mais aussi tout le chapitre 3 de cette même Loi organique consacré aux finances et comprenant les articles 37, 38, 39, 40, 41, 42 et 43, démontre clairement qu’il n’y a pas défaut ou souffrance en terme des moyens financiers pour le bon fonctionnement de la magistrature.
Comme il l’a déclaré dans son discours devant le Congrès ce lundi 13 décembre, le chef de l’Etat doit réellement réaffirmer son engagement à poursuivre les réformes courageuses dans le secteur de la justice, y compris celles relatives aux structures et à la qualité de leurs animateurs suivant le principe « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ». Sinon, comme l’a-t-il aussi fait remarquer, la justice congolaise qui devait pourtant rassurer tout le monde, nantis ou non, puissant comme faible, en ayant pour égard que la protection des droits ; bref, une justice qui, non seulement dit le droit, mais rassure que le droit, alors le bon, a été dit, sera toujours sur le banc des accusés.
Il faudra, puisque le discours du Chef de l’Etat sur le fonctionnement adéquat des chambres disciplinaires renferme un ordre, il y a la nécessité de débloquer les fonds de fonctionnement prévus, soit un forfait de 10.000$ par an pour chacune d’elles. En l’état actuel, les chambres de discipline fonctionnent avec des moyens très limités. Ce qui fait que leurs rendements sont au rabais.