(Une chronique du Professeur Adolphe VOTO)
Ils ne sont, ni l’un ni l’autre muluba, mais ils en incarnent tous les stéréotypes, au point de dépasser même les vrais baluba. Le nouveau président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba a un frère siamois comportemental en la personne de Tryphon Kinkiey Mulumba. Ils se ressemblent étrangement par leurs noms d’origine luba, leur goût du luxe, leur arrogance, leur discours méprisant, leur démarche recherchée avec une main toujours dans la poche, mais aussi leur parcours politique extraordinaire.
Noms d’origine luba
Mwamba n’est pas muluba, il est du Maniema. Mulumba non plus n’est pas muluba, il est du Bandundu. Mais le destin a voulu leur donner des noms luba dont ils ont incarné le profil et les stéréotypes. Lorsqu’on pose la question à Tryphon sur les origines de son nom, il ironise que certainement un aventurier luba est passé par le Bandundu à l’époque. Il semble que les noms que nous portons déterminent notre comportement et notre destin.
Parcours politiques similaires
ATM et KKM ont été tous deux des collaborateurs de Mobutu, ils ont été tous en exil avant de rejoindre le RCD/Goma, ils ont tous deux combattu Mzee Laurent-Désiré Kabila avant de devenir des proches de son fils, Joseph Kabila. La proximité avec le fils aura été si forte au point de faire oublier tous les discours acerbes développés envers le père. Tryphon est devenu carrément ‘’amoureux’’ de Joseph avec son ‘’Kabila Désir’’ ou « « Kabila totondi yo naïno te’’. Quant à Alexis, c’est le nouvel oncle national que Joseph a découvert après Emmanuel Ramazani Shadary et devient l’homme en qui Kabila a le plus confiance aujourd’hui, après que Shadary et Boshab se soient montrés défaillants en ne se faisant pas élire. C’est lui qui est désormais chargé d’assurer l’avenir politique du Raïs avec le soutien de Jeanine Mabunda.
Des acrobates en politique
Tryphon et Alexis font preuve d’une capacité extraordinaire de rebondissement en politique. N’étant très plongés dans la masse qu’ils regardent d’en haut, ils s’imposent néanmoins comme personnalités au sein de la classe politique. Le parti de Kinkiey n’existe qu’à Kinshasa et dans son Masimbanimba natal. Premier à soutenir le troisième mandat de Kabila, il sera aussi le premier à quitter la barque pour déclarer sa candidature à l’élection présidentielle de 2018. Alors que tout le monde trouvait dans sa démarche une aventure sans lendemain, il offre son soutien à Félix Tshisekedi qui sera élu. Aujourd’hui, Kinkiey peut espérer retourner sans problème au gouvernement pendant que d’autres proches de Kabila ne sont pas assurés d’être reconduits. Selon l’Udps, Tshisekedi devrait choisir entre trois noms pour chaque poste.
Quant à Thambwe Mwamba qui n’appartient à aucun parti politique, Joseph Kabila l’a préféré comme Président du Sénat face aux autres candidats qui ont pourtant apporté des députés au FCC. Lui qui n’a presque rien apporté, il est désormais la deuxième personnalité politique du pays et peut devenir Président de la République à tout moment.
Luxe et prestige
Nos deux ‘’baluba’’ savent vivre. Ils ont le goût du luxe. Ceci se traduit par leurs villas huppées, leurs voitures derniers cris et leurs vêtements toujours catalogués. Thambwe Mwamba ne débosselle pas des voitures. En cas d’accident, la voiture est simplement remplacée par une autre de même couleur.
Quant à Kinkiey, son goût pour les voitures de luxe remonte de l’époque de Mobutu où il roulait déjà dans une jeep Mercedes ayant coûté une fortune. C’est cette jeep dont Mzee a hérité et a converti en voiture présidentielle après que le propriétaire a traversé le fleuve Congo en pirogue. Cette Mercedes va inspirer tous les officiels en commençant par Joseph Kabila et deviendra le symbole de réussite et de différenciation sociale pour les hommes politiques congolais. Chacun veut en avoir pour démontrer de son appartenance à la classe.
L’arrogance
Thambwe et Kinkiey sont connus aussi pour leur arrogance. Ceci se traduit dans leur démarche recherchée et dans leur posture. Ils ont toujours l’air suffisant avec une main dans la poche en public. Si Kinkiey se permet de temps en temps de saluer les gens en face de lui, il faut avoir assez de chance pour que Thambwe Mwamba vous serre la main. Souvent, un hochement de tête avec un petit sourire au coin de lèvre suffit. Leur attitude méprisant vis-à-vis des autres est au point que tous les deux appellent le personnel domestique par une clochette et non par leurs noms.
Kinkiey Mulumba est surnommé par ses voisins du quartier à Upn ‘’Mumbala vantard’’ pour rappeler ses origines ngwashi. Thambwe Mwamba ne parle pas Lingala, c’est une langue des voyous kinois. Il ne touche pas au franc congolais, c’est une monnaie des pauvres. A la veille des élections du président du sénat, il rend visite aux cadres du PPRD et prend la parole pour leur dire : ‘’Je ne suis pas du PPRD, c’est la première fois que je vienne ici, et je crois que c’est la dernière fois…. J’ai un secret avec Joseph Kabila, ne me demandez pas lequel.’’ Malgré ce discours méprisant, ces députés l’ont soutenu jusqu’à la victoire.
Une formation solide
Mais il faut reconnaître qu’Alexis Thambwe Mwamba et Kinkiey Mulumba doivent leur ascension sociale à une bonne formation et un bon parcours professionnel. Ils ont tous deux une expertise avérée, fruits d’une bonne formation à l’extérieur du pays et d’une carrière professionnelle constante et soutenue. Alexis a étudié à l’université de Bujumbura avant de parfaire ses études en Belgique. En dehors de la politique, il tient un grand cabinet conseil qui traite aussi des grosses affaires de l’Etat.
Kinkiey a fait l’école de journalisme en France avant de lancer à Kinshasa, le plus grand journal de la place, Le Soft qui lui a ouvert des portes de la cour de Mobutu. Ce sont donc des bosseurs qui savent où ils vont et c’est ce qui leur donne toujours la possibilité de rebondir et de s’imposer.
Professeur Adolphe VOTO