Le rideau est tombé. Le scandale des bulletins scolaires, ce « black-out » honteux qui a plongé le ministère de l’Éducation nationale et Nouvelle Citoyenneté (MINEDUC-NC) dans une tourmente sans précédent, a finalement eu raison de Matthieu Mukenge, secrétaire général a.i.
Son nom, autrefois exhibé avec faste sur le site officiel, est désormais synonyme de déchéance et de poursuites judiciaires. Loin des projecteurs flatteurs, l’homme est tombé, entraîné par une insatiable soif d’enrichissement qui aura gangréné le cœur même du secteur moteur de la nation, et ce, dans un ministère censé porter le programme phare du Président de la République : la gratuité de l’enseignement.
Profil d’un dirigeant sous le feu des accusations : entre noms et symboles
Filou. Fourbe. Cupide. Ces adjectifs, lancés par des sources proches du dossier, dessinent le portrait d’un homme qui, malgré son titre de « diacre », n’a pas hésité à « se les mettre en poche » à la vitesse de l’éclair. Une compétition acharnée contre le temps et la morale, qui l’a précipité dans les abysses de la justice. Ironiquement, ses noms semblent avoir préfiguré son destin : « Mukenge » signifie « renard », dans sa langue maternelle, un animal réputé pour dévorer d’autres petits animaux que lui et voler n’importe quelle nourriture dans la forêt. Une métaphore saisissante de son comportement au sein du ministère. Par ailleurs, son prénom, Matthieu, rappelle un autre personnage biblique : avant d’être appelé par Jésus-Christ, Matthieu était un collecteur d’impôts, une profession souvent associée à la perception abusive et au gain personnel à l’époque. Cette résonance ajoute une dimension symbolique troublante à la lumière des accusations portées contre lui.
L’analyse de ses noms se poursuit avec « Bakina », son patronyme, qui est également chargé de sémantique dans sa langue maternelle. « Bakina » dérive du verbe « kukina », signifiant « haïr ». Sa double signification n’est pas anodine : selon l’orthophonie, « Bakina » peut désigner « les haïs » ou être la deuxième personne du singulier de l’impératif du verbe précité, « hais-les ». Une ironie mordante se dégage de cette étymologie, d’autant plus que Matthieu Mukenge est rapporté comme s’acharnant sur une femme dont le nom signifierait « le mal » afin qu’elle le change, illustrant ainsi la parabole de celui qui voit la paille dans l’œil de son voisin sans apercevoir la poutre dans le sien.
Les mécanismes de la fraude : primes, fictifs et détournements
La liste des chefs d’accusation est aussi longue qu’un sermon interminable, et s’enrichit d’un détail croustillant : non content de couper la prime d’encadrement des services centraux, connue sous le nom de « prime Equity », il aurait carrément inséré des fictifs dans le listing de paie et en a fait sa chasse gardée. Un tour de passe-passe qui révèle l’ampleur de l’audace et du mépris pour les deniers publics.
Les allégations de gestion frauduleuse des primes se voient d’ailleurs ironiquement soulignées par des documents officiels émanant de son propre Secrétariat Général. En effet, une correspondance datée du 10 juin 2025, portant le numéro N°MINEDU-NC/CAB/MINETAT/4654/2000, atteste de l’attention portée à la « Prime d’encadrement de la Paie du Personnel des Services Centraux de l’EDUNC ». Cette lettre, signée par Mathieu Mukenge Bakina lui-même en tant que Secrétaire Général a.i., accuse bonne réception d’une précédente missive (N°MINEDU-NC/CAB/MINETAT/MMB/YNN/0530/2025 du 10/06/2025) relative à ce même objet. Destinée, entre autres, à la Première Ministre, au Vice-Premier Ministre de la Fonction Publique, et à la Ministre d’État de l’Éducation Nationale, cette documentation interne met en lumière la centralité de ces primes dans les préoccupations du ministère, même au moment où des accusations de détournement et d’insertion de fictifs pèsent lourdement sur la gestion de M. Mukenge.
Au-delà de cette gestion très personnelle des fonds, M. Mukenge est également accusé de détournement de plus de 336.000.000 FC de frais de fonctionnement d’une Direction fictive (TENAFEP 28.500.000 FC/Mois) en complicité avec le DINAT/DINACOPE. Une audace déconcertante, consistant à créer une direction fantôme – le TENAFEP (Examen national de fin d’études primaires, Ndlr) signifiant une entité générant des millions. Voilà une ingénierie financière qui mériterait presque un prix… si elle n’était pas si illégale. Ce comportement s’inscrit dans un schéma plus large d’abus de pouvoir, de cogestion des dossiers, d’acharnement contre l’actuel DRH/ÉDUC-NC et de refus de faire la remise et reprise avec ce dernier. Un véritable tyran de bureau, maître dans l’art du chaos et du bras de fer, n’hésitant pas non plus au recrutement illicite, en complicité avec le DINAT/DINACOPE en violation du moratoire. Quand les règles les plus élémentaires sont bafouées, comment espérer un tant soit peu de rigueur dans la gestion ?
Le « Black-out » des bulletins : de l’humiliation nationale à la déception des apprenants
Le scandale des bulletins scolaires, ce « black-out » qui l’a « cloué », est au cœur de sa chute. Selon un haut cadre de l’Éducation, dont le sarcasme perçait dans la voix : « Rien ne m’étonne. Il mérite ce qui lui est arrivé. Incompétent. Menteur. Sa « sortie médiatique », une fuite en avant pathétique, n’a trompé personne. Quand des parents « bien connectés » ont rapporté à la présidence l’absence des précieux bulletins sécurisés, l’ordre a été « intimé à la MinEtat d’agir. » Et la machine judiciaire s’est mise en marche. La désolation s’est étendue jusqu’aux élèves eux-mêmes. Une apprenante, 17 ans révolus, recevant son bulletin de fin d’année 2024-2025, exprime, avec amertume, sa déception : « Depuis que je suis celle que je suis c’est ma première fois de recevoir un bulletin en papier duplicateur. C’est vraiment écoeurant ». Une humiliation nationale qui se traduit par la tristesse palpable de ceux qui sont censés être les bénéficiaires directs du système éducatif.
L’ironie du sort veut que même au moment de sa suspension, Matthieu Mukenge était en « mission de service » dans la province du Haut-Katanga, supervisant le lancement des épreuves nationales de fin d’études primaires (ENAFEP), édition 2025, ce mardi 1er juillet. Des « déplacements bien pensés », comme le souligne un autre haut cadre, « Rien n’est fortuit. À la recherche des dollars pour rattraper le temps. » Le même cadre, indigné, s’interroge : « Un SG devrait rester à Kin lors des épreuves certificatives. Même l’IGE est relégué alors que c’est son job plutôt. » Un constat amer sur les priorités d’un Secrétaire Général qui, manifestement, avait d’autres chats à fouetter que la bonne tenue des examens. Et comme si le dossier ne manquait pas de saveur, notre cher SG est également accusé d’avoir coupé « presqu’en deux la prime d’encadrement, estimée à plus de 7 milliards de francs congolais, connue sous le nom de la prime Equity », et, pire encore, d’y avoir inséré des fictifs pour en faire sa chasse gardée. Tout cela, en soutenant des Directeurs Chefs des services qui « détournent aussi les fonds publics de l’État ». On y reviendra avec force détails.
La malédiction du poste et l’urgence d’une éducation à l’intégrité
La chute de Mukenge n’est pas un cas isolé. Elle résonne étrangement avec les déboires de ses prédécesseurs à ce poste. Christine NEPA NEPA KABALA, suspendue, elle aussi, pour avoir bloqué l’exécution d’un projet – pourtant salutaire pour la République -, à cause d’une rétro commission non versée. Et Jean-Marie Mangobe Bomungo, accusé par l’ancien ministre d’avoir fait du ministère, un clan familial. En témoignent les noms de Mangobe qui résonnent dans presque toutes les directions. Tous, sont partis dans des conditions similaires, pour des causes presqu’identiques. Une triste litanie qui interpelle. La probité des personnes nommées à ce poste de commandement est désormais mise en question. N’est-ce pas au ministère de l’Éducation nationale, ce sanctuaire du savoir, que l’on devrait identifier des individus « bien éduqués en tout, surtout en matière d’argent » ? Comment expliquer que ce secteur moteur censé porter le programme phare du Président de la République, la gratuité de l’enseignement qui peine d’ailleurs à faire l’unanimité, soit si gangréné par la corruption ?
Le colportage et la médisance contre la ministre d’Etat Raissa MALU, ajoutés à son incompétence notoire, furent le bouquet final. Non seulement incompétent, mais aussi un as de la rumeur et du discrédit. Une combinaison gagnante pour la chute. L’IGF, l’APLC, la COUR DES COMPTES, l’IGAP et le PGR sont désormais sur le coup. Le dossier Mukenge, ce « Dossier Bulletin scolaire, du black-out! », comme l’avait si bien décrit Serge Bondedi, promet d’être un cas d’école. L’opinion publique, déjà échaudée, attend des réponses claires et des sanctions exemplaires. Mais au-delà de la chute d’un homme, c’est la probité de l’ensemble du système éducatif qui est en jeu.
Il est temps d’en appeler à « l’intelligence, au travail, à l’honnêteté et à l’unité » pour redresser ce secteur vital. Car sans une éducation saine et des dirigeants intègres, l’avenir de la Nation demeure incertain.