Thérèse Kayikwamba :  La lecture de l’accord de paix est stratégique et non littérale 

Face aux critiques virulentes suscitées par l’accord de paix signé le 27 juin dernier à Washington entre Kinshasa et Kigali, la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, a opposé une défense ferme et structurée du texte. 

Lors du briefing presse organisé jeudi 03 juillet à la RTNC avec son collègue ministre de la communication et des médias, Patrick Muyaya, la patronne de la diplomatie congolaise, appelle à une lecture stratégique et non littérale du document.

« Ce n’est pas un texte magique »

L’accord, conclu sous l’égide des États-Unis, a été salué pour sa portée diplomatique, mais largement critiqué en RDC pour son silence sur les poursuites judiciaires liées aux crimes commis dans l’Est du pays. Pour ses détracteurs, ce silence équivaut à une compromission. Faux, répond Thérèse Kayikwamba.

« Ce n’est pas un accord qui prétend régler tous les problèmes. Il faut le lire comme un texte qui se concentre sur certaines missions prioritaires, mais qui s’inscrit dans un écosystème plus large d’actions et d’initiatives. », explique la cheffe de la diplomatie congolaise qui insiste : « l’absence de clauses judiciaires explicites n’implique pas un abandon des exigences de vérité ou de justice ».

Et de marteler : « La justice progresse à travers les débats publics, les mécanismes internationaux, les enquêtes et l’engagement citoyen. Le fait qu’elle ne soit pas mentionnée ligne par ligne ne signifie pas qu’elle soit mise de côté ».

Appui international et signal politique

Kayikwamba a d’ailleurs rappelé que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU avait récemment adopté une résolution en faveur de l’envoi d’une commission d’enquête indépendante en RDC, ce qu’elle qualifie de « signal fort de l’engagement pour la vérité ». Pour la ministre, ce soutien multilatéral constitue un socle robuste pour poursuivre les efforts de reddition de comptes, au-delà des accords bilatéraux.

« L’accord de Washington n’humilie personne, il vise à bâtir un cadre de stabilité. Ce n’est pas un renoncement à la justice. Les rapports sont accablants, les faits sont connus. La vérité ne s’efface pas avec un stylo diplomatique », a-t-elle soutenu fermement.

Muyaya : « La paix, c’est aussi la mémoire »

Présent à ses côtés, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a renforcé cette ligne en évoquant la vision présidentielle ayant inspiré la démarche : « Ce partenariat est aussi le fruit d’une vision du président de la République, celle d’une région apaisée, d’une coopération renforcée et d’une prospérité partagée ».

Reconnaissant les failles actuelles du système judiciaire congolais, il a néanmoins insisté sur le caractère évolutif de la dynamique enclenchée : « Ce n’est pas un aboutissement. C’est un point de départ. Un engagement à reconstruire notre communauté, à restaurer la dignité des victimes, et à empêcher que l’histoire ne se répète ».

Un levier diplomatique, pas une trahison 

Si certaines voix craignent que le pragmatisme diplomatique supplante les impératifs moraux, le gouvernement congolais tente de rassurer. Un conseiller du ministère des Affaires étrangères, proche du dossier, résume : « L’accord est un levier, pas un effacement. Il ouvre une brèche pour avancer sur plusieurs fronts ».

Au-delà de la forme, Kinshasa mise sur une approche structurelle, articulant diplomatie, institutions judiciaires nationales et mécanismes internationaux pour répondre aux attentes de justice.

« Ce que nous devons construire, ce n’est pas une illusion, mais un système solide, capable de garantir que les violations ne se répètent plus », a conclu Thérèse Kayikwamba.

Dans un contexte où la mémoire collective reste douloureusement marquée par les exactions de l’Est, le pari du gouvernement est clair : prouver que paix et justice ne sont pas antinomiques, mais interdépendantes.

  • Bendélé Ekweya té

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