Lors d’un briefing presse organisé ce mardi 27 mai 2025 à Kinshasa, Julien Paluku Kahongya, ancien gouverneur du Nord-Kivu (2007–2019) et actuel ministre du Commerce extérieur, a lancé une salve d’interpellations directes à l’endroit de l’ancien président Joseph Kabila Kabange, actuellement en séjour à Goma, dans l’Est de la RDC.
Ce moment médiatique fort s’est tenu dans un climat tendu, marqué par les interrogations croissantes autour du rôle des anciens dirigeants dans la résurgence du mouvement rebelle M23, qui continue d’endeuiller le Nord-Kivu.
Une mémoire historique mise à l’épreuve
Julien Paluku, l’un des rares acteurs politiques à avoir traversé plusieurs régimes tout en gardant une forte implantation à l’Est du pays, n’a pas mâché ses mots. Dans un ton mesuré mais ferme, il a rappelé que lui et Kabila avaient jadis combattu ensemble le M23.
« Nous avons combattu le M23 ensemble hier. Aujourd’hui, pendant que le pays subit encore les affres de ce groupe armé, l’ancien chef de l’État se trouve à Goma. Pourquoi maintenant ? Que veut-il exactement ? », a-t-il questionné devant la presse.
Douze questions, une seule exigence : la vérité
Face à ce qu’il considère comme une posture ambiguë de Joseph Kabila, l’actuel ministre du Commerce extérieur a posé douze questions clés, dont certaines à forte charge symbolique et politique :
1. Est-ce le fils de son père, le président Laurent Désiré Kabila assassiné en 2001 par la mafia rwandaise, qui est entrée à Goma, capitale du Nord-Kivu par les mêmes rwandais ?
2. Est-ce le fils de Mzee qui a relancé le dialogue de Sun City en 2002 qui a ramené les rebelles auprès de lui en acceptant la formule 1+4 ?
3. Est-ce le fils de Laurent Désiré Kabila qui a affronté et vaincu l’insurrection de Jules Musebuzi et Laurent Nkunda en 2004 à Bukavu ?
4. Est-ce le fils de Mzee qui, à mon avènement à la tête de la province du Nord-Kivu comme premier élu, a piloté les opérations contre Laurent Nkunda ?
5. Est-ce encore lui qui m’a demandé de résister lorsque le 29 octobre 2008, le CNDP était à la porte de Goma ?
6. Est-ce le fils de Mzee qui, en janvier 2009, a demandé l’arrestation de Laurent Nkunda par l’armée rwandaise et accepté l’arrivée de cette même armée au Nord-Kivu à travers l’opération « Umoja Wetu » du 25 janvier au 25 février 2009? Est-ce le fils de Mzee qui avait demandé au président de l’Assemblée nationale de l’époque de démissionner parce qu’il n’était pas informé de l’entrée des troupes rwandaises ?
7. Est-ce le fils de Mzee qui avait demandé à son ministre de signer les accords de paix le 23 mars 2009, lesquels accords sont à l’origine de la création du mouvement M23 ?
8. Est-ce le fils de Mzee qui a ordonné au général Etumba de concevoir l’opération « pomme orange » qui a mis fin au M23 le 5 novembre 2013 ; d’où mon arrivée le 6 novembre 2013 ?
9. Est-ce le fils de Mzee qui a radié les officiers du M23 de l’armée pour qu’il se retrouve à leur côté pour sa sécurité ?
10. Est-ce le fils de Mzee qui, voulant rester au pouvoir, a inventé le terme « glissement » mais finalement a accepté de céder le pouvoir en 2019, ouvrant ainsi le pays à ce qu’on a appelé « la passation civilisée, la première alternance » ? est-ce que c’est vraiment celui-là qui se retrouve à Goma ?
11. Est-ce le président honoraire qui était salué à travers le monde pour son sens élevé de meilleur élève de la démocratie malgré son jeune âge et son passé militaire ; ce qui pouvait nourrir en lui l’ambition de se comporter comme ses voisins qui ont plus de 30 ans au pouvoir ?
12. Est-ce c’est cet homme, jadis considéré comme grand esprit qui se trouve réellement au côté de ses bourreaux d’hier ; les bourreaux de la population qu’il a dirigée depuis 18 ans avec plus de 5 millions des déplacés et des réfugiés victimes de la barbarie du M23 ? Est-ce encore lui qui a pleuré le colonel Mamadou ? Est-ce encore lui qui a pleuré le général Bahuma ? Est-ce encore lui qui se souvient qu’il y a eu 10.000 morts à Goma, 5 000 à Bukavu ?
Une interpellation politique et morale
Ces questions, selon Julien Paluku, ne sont pas uniquement destinées à accuser ou à créer la polémique, mais à exiger des comptes clairs de la part d’un homme qui a dirigé la République pendant 18 ans.
« L’heure n’est plus aux silences diplomatiques. Le peuple congolais a droit à la vérité sur les responsabilités passées et actuelles », a martelé Julien Paluku.
Rappelons que l’ancien président, Joseph Kabila séjourne à Goma, Chef-lieu du Nord-Kivu sous occupation du M23, « force négative pendant son règne, devenue aspiration du peuple congolais sous le règne de son successeur », selon sa déclaration. Pathétique !