Tiré d’Impact News
Il faut parfois qu’un homme dérange pour que la République s’éveille. Le coup de tonnerre provoqué par Constant Mutamba, ministre d’État à la Justice, n’est pas un caprice d’orgueil ni une simple posture de défi. C’est, avant tout, le cri d’un responsable qui refuse de se laisser broyer par les rouages opaques d’un système où la justice, bien trop souvent, se transforme en instrument de persécution politique. Et cela mérite d’être entendu.
Dans un pays où la parole est verrouillée, où la convocation judiciaire tient parfois lieu de vengeance codée, Mutamba a eu le courage — certains diront l’insolence — de ne pas se taire. Il a dénoncé les connivences, les fortunes douteuses, les clans enracinés dans la magistrature. Il a jeté une lumière crue sur ce que beaucoup murmurent sans jamais l’articuler publiquement : que la justice congolaise, dans certaines de ses strates, est devenue un théâtre de marionnettes aux ficelles invisibles mais tenaces.
Une audace rare, dans un monde de silences
Il faut saluer cette audace. Car elle est rare. Mutamba n’a pas fui. Il n’a pas négocié dans l’ombre. Il s’est dressé en plein jour, à visage découvert, sur les marches d’un Palais de justice devenu pour lui, non pas le sanctuaire du droit, mais le symbole d’une dérive. Il a dit ce que bien d’autres taisent : que certains dossiers sont ouverts selon des logiques de clan, que des décisions se prennent au téléphone avant d’être couchées sur le papier, que le glaive de Thémis s’émousse dans les mains de ceux qui devraient en être les gardiens.
Faut-il l’approuver en tout ? Certainement pas. Un ministre de la Justice se doit de tenir un langage d’équilibre, de tempérance, de rigueur. Les invectives, les menaces, les refus de coopérer, ne grandissent pas l’institution qu’il représente. Mutamba, dans sa colère, a parfois heurté la forme républicaine. Mais il a, aussi, touché au fond de la plaie.
Un ministre ou un fusible ?
La question, désormais, est celle-ci : est-il réellement poursuivi pour des irrégularités dans un marché public, ou bien paie-t-il le prix de son impertinence, de son indépendance, de ses enquêtes déclenchées à contre-courant ? Car derrière l’affaire dite de la « prison à 29 millions », les délais juridiques non respectés, les fuites dans la presse et les réactions disproportionnées, tout donne à penser que Mutamba pourrait être moins un coupable qu’un gêneur. Moins un suspect qu’un symbole à abattre.
Dans une démocratie en construction, cette ambiguïté est toxique. Et ce n’est pas en abattant bruyamment un ministre frondeur qu’on restaurera la majesté de la justice. Ce n’est pas en sanctionnant une voix dissonante qu’on fera taire le soupçon général. C’est, au contraire, en acceptant de regarder en face les dysfonctionnements qu’il a nommés — même maladroitement — et en y apportant des réponses structurelles.
Un choc nécessaire pour la République
Constant Mutamba a peut-être dépassé certaines bornes. Mais il a aussi repoussé les murs d’une hypocrisie qui, trop souvent, étrangle l’État de droit sous des allures de convenance. Il a commis des erreurs, sans doute. Mais il a aussi provoqué un débat salutaire, un remue-méninges démocratique dont la RDC ne doit pas se priver.
Qu’il soit jugé, s’il le faut. Mais qu’il le soit dans la lumière, non dans l’ombre des règlements de comptes. Qu’il réponde de ses actes, mais que la justice, elle aussi, réponde des siennes. Car si cet épisode doit servir à quelque chose, c’est à cette double exigence : la responsabilité de ceux qui gouvernent, et celle de ceux qui jugent.
La République ne se sauvera pas par l’élimination de ses gêneurs, mais par l’écoute de ses sentinelles. Et parfois, ces sentinelles ont des mots crus. Parfois, elles choquent. Mais elles réveillent.