Crise institutionnelle au Kasaï oriental : Le VPM de l’Intérieur enjoint le gouverneur de céder son fauteuil au vice pour assumer l’intérim

Le télégramme du vice-premier ministre, ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, est tombé ce lundi 19 mai 2025. Il enjoint le gouverneur de la province du Kasaï oriental, Jean-Paul Mbwemwe Kapo, de laisser le vice-gouverneur, Augustin Kayembe, assumer l’intérim.  Cette décision est la conséquence de la mise en accusation du gouverneur Mbwebwe devant la Cour de cassation par l’Assemblée provinciale pour détournement des deniers publics et faute de gestion.

Retour sur les faits

Par sa décision du 10 janvier 2025, laquelle a été modifiée le 27 du même mois, le président de l’Assemblée provinciale, Willy Muya, institue une commission d’enquête parlementaire chargée de recueillir les éléments d’informations et examiner la gestion financière, administrative et technique du gouvernement provincial pour la période allant du 1er juillet 2024 à ce jour (janvier 2025).  

Composée de 10 membres dont 5 députés provinciaux et 5 experts et présidée par le député Christian Ngandu Katumbayi, cette commission a dû rendre son rapport le 08 février 2025. Les préoccupations de la Commission portaient, en effet principalement, sur la somme de 8.683.147.800FC (soit un peu plus de 3 millions USD), subvention accordée à la province par le gouvernement central au titre d’investissement pour la réalisation des travaux d’intérêt général à impact visible, bien que l’enquête ait été élargie à d’autres questions notamment la modicité des fonds accordés à la sécurité et la non-conformité de l’exécution du budget 2024 par rapport aux recommandations de l’Assemblée provinciale concernant les projets sociaux.

Au terme de l’enquête, il est reproché au gouverneur Mbwebwe d’avoir fait sur cette somme de 3.025.487 USD, un dépôt à terme (D.A.T) de 2.123.000 USD pour une période de 12 mois pendant que ledit fonds était destiné à la réalisation des projets d’investissement à impact visible ; acte contrairement au libellé qui l’accompagnait suivant les instructions du ministre national des Finances.

« Votre Commission déplore le fait que l’Exécutif provincial ait fait le dépôt à terme avec ces fonds destinés aux investissements de la province alors que l’Exécutif provincial n’est pas une banque commerciale pour effectuer des dépôts à terme ou des garanties financières. Aucune loi n’autorise au gouvernement provincial d’effectuer ces genres d’opérations », peut-on lire dans ce rapport soumis au Bureau pour un débat dans la plénière et qui reproche aussi au gouverneur le fait d’avoir payé le personnel et effectué d’autres dépenses sur les fonds d’investissement, acte qui, selon les enquêteurs, « frise le détournement pure et simple » et s’avère « un comportement affairiste ».

Au finish, la Commission d’enquête a, face à ce qu’elle considère comme opacité, obscurité et flou entretenus dans la gestion des finances publiques, proposé que le gouverneur et ses ministres de Finances et économie ; du Plan et Budget ; de l’Agriculture ; ainsi que son conseiller financier et le comptable public principal soient déférés devant la justice pour détournement des deniers publics. Il leur est reproché aussi les fautes de gestion et les fautes administratives.

Couverture et combines politiques

Pendant que la plénière était convoquée en avril dernier pour débattre du rapport, le président de l’Assemblée provinciale et le gouverneur de province furent convoqués à Kinshasa par le ministre de l’Intérieur. Ce qui avait paru aux yeux de députés provinciaux comme une manœuvre tendant à protéger le gouverneur supposé être couvert sous le parapluie du VPM de la Défense, Guy Muadiamvita, et du SG de l’UDPS, Augustin Kabuya. Ce qui a suscité la colère des élus provinciaux.

Finalement, cette plénière s’est tenue le 10 mai dernier, lorsque le président Willy Muya est retourné à Mbuji-Mayi. Sur les 24 députés provinciaux présents à la plénière, 14 ont voté pour la mise en accusation, 9 étaient contre, et il y a eu un bulletin nul.

Voulant sauver son fauteuil, le gouverneur mis en accusation a saisi, le 12 mai, la Cour constitutionnelle, soulevant des irrégularités dans la procédure ayant conduit à sa mise en accusation, qu’il considère comme entachée de « violations des droits fondamentaux et des règles de procédure parlementaire ».

C’est pendant que l’on attend que les deux cours, de cassation et constitutionnelle, siègent, que le VPM de l’Intérieur intervient pour exiger le gouverneur à céder momentanément la gestion de la province entre les mains de son vice. Déchirure ou décision concertée au sein de l’UDPS où le gouverneur accusé et le VPM de l’Intérieur sont tous membres et cadres ?

Pour rappel, l’alerte du détournement de ces 3 millions USD a été lancé par l’ancien gouverneur de cette province, actuellement député national, Alphonse Ngoyi Kasanji (Lire l’article de Scooprdc.net : Kasaï oriental : Ces 3 millions USD qui font du bruit !).

Ngoyi Kasanji est, par rapport à ce dossier, diversement considéré à Mbuji-Mayi. Pour certains est-Kasaïens, il est le sauveur de la province et pour d’autres, il n’est qu’un trouble-fête, un déstabilisateur de tous ses successeurs.  Dossier à suivre !  

  • Bendélé Ekweya té

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