Circulation routière à Kinshasa : Quand la jungle s’installe peu à peu au fil des années 

La situation vécue à Kinshasa ce dernier temps n’est pas un hasard ; mais elle trouve plutôt ses causes dans le passé, et s’est installée peu à peu, prenant les autorités par leur léthargie et manque d’esprit d’anticipation.

La débâcle du financement de l’entretien des routes territoriales

La débâcle qui a élu domicile dans le système de financement de l’entretien des routes territoriales en RDC peut être pointée du doigt comme première cause lointaine de ce qui sévit actuellement dans la capitale Kinshasa.

En effet, en créant le FONER, Fonds National d’Entretien Routier, au terme de la loi n° 08/006-A du 07 juillet 2008, l’objectif visé était de rendre routinier l’entretien des routes dans le Congo profond et assurer une bonne connectivité des centres de production aux centres de consommation, par l’instauration des impôts en matière d’exploitation routière, conformément à l’article 174 de la constitution. 

Ces taxes, censées être versées au FONER par les percepteurs qui sont les provinces à travers les services de péages, donnaient à ce Fonds d’entretien routier les moyens de financer l’Office des routes, propriétaire légal du réseau routier au pays, pour son entretien. Si les choses se passaient bien, on ne se plaindrait jamais en provinces.

Malheureusement, la politique congolaise s’est immiscée dans l’administration. Les revenus des péages en provinces font l’objet d’accaparement de la part des gouverneurs de province, qui ont transformé cette taxe d’exploitation routière en une caisse de ménagement pour leurs parapluies politiques tant dans la province que dans la capitale, députés provinciaux y compris.. 

Du coup, le FONER manque les moyens de sa politique, et l’Office des Routes, employé sans tâche, regarde impuissant son réseau routier disparaître en provinces. C’est la débâcle du financement de l’entretien des routes territoriales. Cela étant, les cahiers de charges des provinces au FONER demeurent sans suite, parce que les mêmes provinces n’aident pas le FONER à les aider.

L’exode rural et l’invasion de Kinshasa 

Les routes territoriales constituent non seulement une porte d’entrée dans les centres urbains, mais aussi et surtout elles en sont les verrous lorsqu’elles sont bien entretenues ; dans le sens que plus l’accès à un centre urbain est facile, plus l’idée d’en élire domicile de manière permanente hante de moins en moins les habitants des milieux ruraux. En effet, ça ne sert à rien d’abandonner son domicile et chercher une nouvelle vie dans une ville où l’on peut se rendre facilement et à tout moment. L’absence de bonnes routes territoriales a rendu la vie dans nos campagnes invivable : le manque d’accès aux produits manufacturés et de denrées de première nécessité a fait sauter les verrous autour des centres urbains. D’où l’exode rural chronique. Kinshasa la capitale en paie le lourd tribut.

Et la jungle s’installe…

Ainsi envahi, avec environ 17 millions d’habitants selon les récentes estimations, la circulation à Kinshasa devient un véritable casse-tête tant sur le plan du coût que sur la qualité et la durée. Les constructions anarchiques, l’insuffisance et le manque d’entretien des ouvrages de drainage ainsi que l’incivisme des kinois constituent une bonne recette pour la réussite de la catastrophe routière du siècle au pays : routes en piteux état de délabrement, caniveaux bouchés, insuffisance et/ou impraticabilité des voies secondaires.

En tentant de tout réparer au même moment, l’hôtel de ville de Kinshasa embrasse trop et étreint mal, créant ainsi un problème dans le problème : plusieurs artères sont des chantiers, et donc fermées au trafic. Conséquences : les embouteillages sont monstres, les trajets sont réduits à leur moitié si pas leur quart et, comble de tout, les motocyclistes – citoyens presque non administrés – sans permis de conduire et faisant fi du code de la route, font la loi et imposent une tarification hors de la bourse du gagne-petit. L’hôtel de ville, craignant Dieu seul sait quoi, leur fait allégeance ; le ministère de transport, dont la compagnie Transco est un géant aux pieds d’argile, est devenu une langue de bois. 

En attendant, tant que les officiels peuvent se frayer à l’aide de leurs gyrophares et surtout leurs agents de sécurité prêts à tout casser, un passage dans le sens interdit, vive la jungle à Kinshasa !

  • Bendélé Ekweya té

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