Mandataire public et acteur politique, Thierry Monsenepwo n’est pas une personnalité à présenter aux Congolais tant de la diaspora que du pays. Jeune mais coriace , il s’est fait défenseur de la stabilité institutionnelle. La vision du président de la République Félix Tshisekedi de transformer et développer le Congo quelles que soient les embûches, le fascine. « Aujourd’hui, je ne juge pas l’ancien président Kabila pour ce qu’il fut, mais pour ce qu’il semble soutenir désormais : une dynamique de fragmentation nationale, une convergence ambiguë avec ceux qui nous agressent, et une alliance de circonstance avec des acteurs armés », déclare-t-il dans une interview exclusive accordée, ce jeudi 08 mai 2025, à Scoop RDC. Thierry Monsenepwo estime que l’IGF Jules Alingete qui vient d’être remercié par le chef de l’Etat, devrait être médaillé pour ses loyaux services rendus à la Nation. Il dit revendiquer une cohérence idéologique et une fidélité à l’idée républicaine face à l’agression dont la RDC est victime dans sa partie orientale. Ci-dessous l’intégralité de l’interview accordée à votre média en ligne :
Scoop RDC : Thierry Monsenepwo bonjour :
Thierry Monsenepwo : Bonjour !
PCA de Cobil bientôt deux ans en juin prochain, comment vous évaluez-vous ? Quel petit bilan pouvez-vous dresser de votre travail ?
Ma fonction de Président du Conseil d’Administration de COBIL S.A. m’a placé au cœur d’un double défi : d’un côté, assurer la stabilité stratégique d’une entreprise publique dans un secteur aussi volatil que le pétrole ; de l’autre, affirmer une gouvernance fondée sur l’intégrité, la rigueur, et la redevabilité. En près de deux ans, nous avons redonné une âme institutionnelle à COBIL, en clarifiant ses orientations stratégiques, en réorganisant ses instruments de gouvernance interne, et en impulsant un dialogue constructif entre les organes sociaux. Nous avons redéfini le rôle du PCA comme garant de la stabilité institutionnelle et non comme une figure décorative, et dans cette perspective, j’ai œuvré à renforcer la coordination avec l’État actionnaire, dans le strict respect des statuts et de la loi sur les sociétés commerciales. Nous avons trouvé une société avec des Congolais déterminés et professionnels. Je salue les fils et filles COBIL qui ont su maintenir un esprit de travail et d’abnégation malgré les dettes colossaux et un passif sérieux.
Il nous revient que Cobil est asphyxiée, notamment par le non-paiement régulier par l’État des pertes et manques à gagner dus au mécanisme de stabilisation des prix des produits pétroliers, mais aussi par la dette accumulée de Transco, dont les factures impayées auprès de Cobil dépassent plusieurs millions de dollars. Comment vous en sortez-vous dans cette asphyxie ?
La situation financière de COBIL, comme celle d’autres opérateurs pétroliers, est structurellement tributaire des mécanismes publics de régulation des prix — notamment le système des Pertes et Manques à Gagner (PMG). Lorsque ces mécanismes sont déséquilibrés ou que les compensations tardent, cela introduit une asphyxie budgétaire qui fragilise non seulement la trésorerie mais aussi la planification stratégique. S’ajoutent à cela les créances impayées des institutions étatiques utilisatrices, comme TRANSCO, dont la dette accumulée remet en cause la viabilité des relations commerciales avec le secteur public. Pour y faire face, nous avons mis en œuvre une stratégie de résilience fondée sur : 1) la rigueur dans la gestion opérationnelle ; 2) la priorisation des engagements critiques ; et 3) la recherche d’un plaidoyer institutionnel équilibré avec les autorités budgétaires, pour une régularisation progressive des créances. Nous ne survivons pas par improvisation, mais par anticipation, rationalité et endurance.
Tout récemment, la presse et les réseaux sociaux ont dénoncé un scandale et mégestion à Cobil, incriminant le DG et la DGA dans une perte de 11 millions de dollars. Qu’en est-il au juste ?
Ce que je puis affirmer, dans le respect des principes d’indépendance des organes sociaux, c’est que l’alerte lancée concerne une mauvaise interprétation de ce qu’on appelle un résultat négatif. Pour le cas de COBIL, causé par des problèmes structuraux. Il ne s’agit nullement, à ce stade, d’un détournement prouvé ou d’un enrichissement personnel illicite. Toutes fois, le comité d’audit permanent du conseil d’administration de COBIL sa a activé le travail d’audit de la période annuelle de 2024. Et La Direction Générale a produit ses éléments de réponse, et le travail avance en toute transparence. Dans un État de droit, il appartient aux institutions habilitées d’établir les faits, et non à la rumeur publique. Quant au Conseil d’Administration, il attend sereinement les conclusions des audits pour exercer son pouvoir de recommandation et de supervision dans les limites de la loi et de l’intérêt social de l’entreprise. La précaution, la présomption d’innocence et l’exigence de vérité doivent prévaloir.
Mandataire passif, mais vous êtes très actif en politique que vous vous êtes fait l’un des meilleurs communicateurs et défenseurs de l’Union sacrée de la Nation. Mais pendant ce temps d’agression, beaucoup de personnalités de votre plateforme se sont faites des taupes… On espère que vous ne comptez pas parmi ces taupes ?
Je revendique une cohérence idéologique et une fidélité à l’idée républicaine. Face à la guerre asymétrique menée contre la RDC par des forces étrangères avec des relais internes, il n’y a pas de place pour l’ambiguïté. Mon engagement en faveur de l’Union sacrée n’est pas conjoncturel, encore moins alimentaire. C’est un engagement de principe pour la consolidation de l’État, l’unité de la nation et la défense de la souveraineté nationale. Ceux qui, mus par des rancunes personnelles ou des ambitions non assouvies, pactisent aujourd’hui avec le dépeçage de notre territoire, trahissent non seulement le Chef de l’État, mais la République elle-même. Moi, je me tiens dans le camp de la résistance. Je ne suis pas une taupe : je suis un soldat de la République.
Ancien kabiliste jusqu’à agresser un diplomate à l’aéroport pour la cause du pouvoir de Raïs, aujourd’hui on vous sent plus dur envers ce dernier à cause de son présumé parrainage du M23-AFC. Est-ce parce qu’il ne vous avait pas du tout servi un poste pendant son régime ?
Les postures que j’ai prises hier relevaient d’une certaine lecture du contexte d’alors, dans lequel je croyais défendre la stabilité institutionnelle. Mais l’histoire ne se répète pas, elle enseigne. Aujourd’hui, je ne juge pas l’ancien Président Kabila pour ce qu’il fut, mais pour ce qu’il semble soutenir désormais : une dynamique de fragmentation nationale, une convergence ambiguë avec ceux qui nous agressent, et une alliance de circonstance avec des acteurs armés. Mon opposition n’est donc pas émotionnelle ou vengeresse. Elle est éthique et géopolitique. Ce n’est pas une revanche personnelle, c’est une ligne rouge patriotique. Je crois que tout acteur politique doit choisir entre le Congo et ses démons, entre le pouvoir pour soi et le pouvoir pour la nation. Mon choix est fait.
Un peu proche du désormais ex-IGF CS Jules Alingete dont vous avez loué le travail, vous sentez-vous mal, indigné par son évincement ? Comment entrevoyez-vous la tâche de son successeur ?
Alingete devrait être médaillé. J’ai toujours considéré que l’IGF, sous la conduite du CS Jules Alingete, a été l’incarnation d’un sursaut moral dans la gestion publique. Bien sûr, comme tout homme, il n’a pas été exempt de critiques, mais son action a permis de briser des tabous et de créer un climat de redevabilité dans la sphère étatique. Son remplacement s’inscrit dans la normalité institutionnelle, mais il appelle à une vigilance particulière : celle de préserver l’indépendance technique de l’IGF, son autorité morale et son efficacité. Le nouveau Chef de service a une lourde tâche : poursuivre sans faillir la traque de la prédation, sans céder aux pressions, ni tomber dans la récupération politicienne. Le contrôle financier n’est pas une chasse aux sorcières, c’est une mission régalienne. L’enjeu est de consolider l’État probant.
Dernière question : bientôt un gouvernement d’union nationale sera formé, lorgnez-vous un ministère ? Si oui, lequel ?
Je ne lorgne pas un ministère ; j’aspire à servir avec efficacité et loyauté là où le Chef de l’État estimera que mes compétences peuvent être utiles. Le pouvoir exécutif est une fonction, pas une récompense. Cela dit, s’il fallait orienter mon profil, je me positionnerais naturellement dans les secteurs à fort enjeu structurel, tels que la transformation numérique, l’économie ou la communication stratégique. Ce sont des secteurs transversaux, au croisement de la souveraineté, de la compétitivité et de la gouvernance moderne. Mais je reste un homme d’équipe : tout poste n’a de sens que dans la cohérence d’un projet républicain. Je ne suis pas en quête de fauteuil, mais de mission.