RDC : Joseph Kabila en quête d’une réhabilitation impossible

Tiré d’Infos27.cd

En quête de réhabilitation politique, Joseph Kabila a tenté, mardi 18 mars à Johannesburg, une nouvelle sortie médiatique après sa rencontre avec Thabo Mbeki. Mais loin de dissiper les zones d’ombre qui entourent son départ précipité de la RDC et son rôle dans la crise sécuritaire de l’Est, l’ancien président s’est livré à un exercice laborieux, entre dégénérations et formules creuses. Ses réponses évasives sur ses liens prévalent avec le M23 et ses manœuvres diplomatiques parallèles ne font que renforcer les soupçons d’une implication dans l’instabilité du pays. À l’heure où les faits prennent le pas sur les discours, cette tentative de retour dans l’arène politique ressemble davantage à une diversion qu’à un véritable mea culpa.

Mardi 18 mars, à Johannesburg, l’ancien président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, s’est livré à une énième sortie médiatique après sa rencontre avec l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki. Mais loin d’éclairer l’opinion, cette prise de parole s’est révélée être une manœuvre sans conviction, une tentative maladroite de réhabilitation politique qui peine à masquer les ombres qui entourent son départ précipité et son rôle dans la crise actuelle de l’Est du pays.

Joseph Kabila a voulu se présenter en homme d’État lucide, capable de diagnostiquer les maux du pays et de proposer une solution endogène. Mais comment peut-on prétendre à une solution interne lorsque les conditions mêmes de son exil restent floues ? L’ancien président n’a toujours pas expliqué dans quelles circonstances il a quitté le pays. Était-ce un départ en bonne et due forme, approuvé par les services de migration, ou une fuite organisée en catimini ? Les autorités en place évoquent plutôt la seconde hypothèse, jamais véritablement démentie par Kabila lui-même. Ce flou ne fait qu’alimenter les spéculations et renforce la thèse d’une dissimulation dont l’opinion publique congolaise est loin d’être dupe.

Sur la question du M23, Joseph Kabila s’est limité à des dénégations de principe. Interrogé sur ses supposés liens avec le groupe rebelle, il s’est contenté d’affirmer : « Ces accusations sont tout simplement infondées. La prochaine fois que vous le verrez, demandez-lui de vous fournir les preuves de ses dires. » Une défense bien mince face aux éléments troublants qui émergent jour après jour. Faut-il rappeler que les services de renseignements militaires congolais (ex-DEMIAP) ont déjà recueilli des aveux de proches de Corneille Nangaa, le citant nommément ainsi que certains opposants aujourd’hui en fuite ? Que plusieurs acteurs de l’opposition, jadis proches de Kabila, ont quitté précipitamment le pays après la divulgation de ces informations ?

D’ailleurs, si les accusations étaient si légères, pourquoi l’ancien président éprouve-t-il tant de difficultés à dissiper les soupçons ? À ce jour, il n’a fourni aucun contre-argument solide, se limitant à des généralités sur la nécessité d’une « introspection collective » et d’une « analyse de la dynamique interne du pays ». Mais lorsque l’on prétend à un retour dans l’arène politique, il faut faire face aux faits et aux preuves.

Autre élément troublant, révélé cette fois par Africa Intelligence : Joseph Kabila se serait rendu à Kampala en mars, où il aurait rencontré le président ougandais Yoweri Museveni. Une coïncidence troublante, puisque cette visite a eu lieu au même moment que celle de Corneille Nangaa, chef de l’Alliance Fleuve Congo (AFC). La proximité entre ces deux hommes, désormais actée par plusieurs sources indépendantes, ne peut plus être balayée d’un revers de main. Quand Félix Tshisekedi affirme que « l’AFC, c’est Kabila », il ne se base pas sur de simples supputations. Les services de renseignement ont des éléments concordants qui pointent vers une même conclusion : l’ancien président serait loin d’être étranger aux velléités de déstabilisation qui agitent l’Est de la RDC.

Un passé qui refuse de s’effacer

Dans ce contexte, il apparaît clairement que la sortie médiatique de Joseph Kabila n’a rien apporté de neuf. Pire, elle a conforté l’image d’un ancien chef d’État tentant de réécrire l’histoire sans jamais affronter les questions centrales qui ternissent son bilan et ses ambitions. Car au fond, quelle était la finalité de cette déclaration ? Un plaidoyer pour le dialogue ? Un exercice de victimisation ? Un prélude à un retour sur le devant de la scène ? L’opinion congolaise ne s’y trompe pas : cette prise de parole est un écran de fumée destiné à détourner l’attention des véritables enjeux.

Le temps de l’impunité et du silence complice est révolu. Pourtant, Joseph Kabila semble ne pas l’avoir compris. Sa récente sortie médiatique à Johannesburg, loin de clarifier son rôle dans la crise sécuritaire qui ravage l’Est de la République démocratique du Congo, a ravivé de nombreuses interrogations restées sans réponse. À commencer par le lourd passif de sa gestion, marqué par des scandales financiers d’une ampleur inédite.

Les Congolais n’ont pas oublié Congo Hold-Up , cette enquête monumentale menée par un consortium de médias internationaux, dont BBC , Mediapart et RFI , qui a mis au jour un vaste réseau de détournements impliquant les hautes sphères du régime Kabila. Plus de 3,5 millions de documents bancaires analysés ont révélé un détournement massif d’au moins 138 millions de dollars d’argent public, alimentant un système de prédation organisé. Des comptes offshore aux transactions opaques, en passant par des sociétés-écrans utilisés pour siphonner les fonds destinés au développement du pays, ce scandale constitue l’une des plus grandes affaires de corruption de l’histoire congolaise.

Face à de telles révélations, le mutisme de Joseph Kabila est assourdissant. Rien n’a été dit, aucune justification n’a été apportée, aucune remise en question n’a émergé. Pire, l’ancien président tente aujourd’hui de se repositionner en homme d’État visionnaire, alors même que les ombres de son règne continuent de peser sur la nation. L’indécence de cette tentative de réhabilitation n’échappe à personne. Car si le Congo a tant souffert d’une élite prédatrice, il souffre encore davantage de l’absence de comptes à rendre.

L’heure n’est plus aux artifices rhétoriques ni aux manœuvres dilatoires. L’histoire rattrape toujours ses protagonistes, et le peuple congolais n’a plus vocation à être spectateur de sa propre spoliation. La reddition des comptes est une exigence démocratique incontournable. Et si Joseph Kabila veut réellement peser sur l’avenir du pays, il lui faudra d’abord répondre aux faits qui ternissent son passé.

Chaque tentative de manipulation est immédiatement confrontée aux faits et aux preuves. Et en l’absence de réponses claires, ses interventions ne peuvent qu’accroître la méfiance à son égard. Un coup d’épée dans l’eau, une sortie sans éclat. Encore une fois.

  • Bendélé Ekweya té

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