L’essor des jeux de hasard en République Démocratique du Congo (RDC) a pris une ampleur considérable, et Winner Loto en est un exemple frappant. Si autrefois, ces jeux étaient majoritairement fréquentés par les hommes, on observe aujourd’hui une féminisation croissante de la clientèle surtout de Loto Winner. La plupart de ces femmes, sans même se laver le corps, accourent et envahissent matinalement les échoppes installées à des coins des avenues de Kinshasa pour jouer.
Le jour de la dernière manifestation à Kinshasa après la prise de la ville de Goma par l’armée rwandaise sous couvert de ses marionnettes du M23-AFC, les férus de Winner Loto, entre eux, interdisaient à leurs collègues marcheurs qui s’attaquaient à certains commerces de toucher aux échoppes de Winner en disant : « Moto asimba te, te…Wana nde mosala Joseph (Kabila) atikela biso… ». Entendez : « Que personne ne touche (Ndlr : à Winner)…c’est le travail que Joseph (Kabila) nous a laissé ».
Ce phénomène s’explique par plusieurs facteurs socio-économiques, notamment la pauvreté persistante et la quête d’une solution rapide pour améliorer les conditions de vie.
1. La pauvreté, moteur principal de la féminisation de Winner Loto
L’augmentation du nombre de femmes jouant à Winner Loto est avant tout le reflet d’une situation économique précaire. En RDC, les femmes sont souvent les premières victimes de la pauvreté, occupant majoritairement des emplois informels et précaires, avec des revenus insuffisants pour assurer leur subsistance et celle de leurs familles. Face à ce désespoir économique, le jeu apparaît comme une échappatoire, une lueur d’espoir pour accéder rapidement à des ressources financières qu’elles n’arrivent pas à obtenir autrement.
2. La quête du gain facile : un espoir ou une illusion ?
La promesse d’un gain rapide et important constitue un puissant facteur d’attraction. Winner Loto, comme d’autres jeux de hasard, vend le rêve d’un changement de vie instantané. Pour beaucoup de femmes, ce jeu représente une alternative aux efforts longs et incertains du travail quotidien. Cependant, cette quête du gain facile s’avère souvent illusoire, renforçant la précarité au lieu de la résoudre. En effet, les pertes sont fréquentes, et certaines joueuses finissent par s’endetter ou sacrifier leurs maigres économies dans l’espoir d’un jackpot qui tarde à venir.
3. Une extériorisation de la pauvreté à travers la présence féminine dans les points de jeu
L’envahissement des points Winner Loto par les femmes est une manifestation visible de la crise économique et sociale qui les touche. Cette présence massive met en lumière l’ampleur du désespoir économique et du manque d’opportunités pour les femmes en RDC. Plutôt que d’investir dans des activités génératrices de revenus stables, certaines se tournent vers le hasard comme dernier recours. Cette situation reflète un manque d’inclusion financière et un accès limité aux ressources économiques pour les femmes, qui se retrouvent dans un cycle vicieux de dépendance au jeu.
4. Conséquences sociales et familiales
La dépendance aux jeux de hasard n’est pas sans conséquences. Elle peut engendrer des tensions au sein des familles, notamment lorsque les dépenses liées au jeu prennent le pas sur les besoins essentiels. Certaines femmes, espérant récupérer leurs pertes, tombent dans une spirale où elles misent de plus en plus, mettant en péril l’équilibre financier du foyer. Ce phénomène peut également affecter la dynamique familiale, les femmes étant traditionnellement perçues comme des gestionnaires des finances domestiques.
Un homme a bizarrement amené sa femme à un poste de la police à Bandalungwa, menaçant de divorcer tout simplement parce que celle-ci a gaspillé l’argent de la bouffe journalière dans ce jeu de hasard. Conséquence, les enfants n’avaient pas quoi manger ce jour-là et l’homme n’avait pas le palliatif.
Aussi, le beau-frère du PCA d’un établissement public dont on tait le nom s’est suicidé à cause de cette histoire de Winner Loto. Un billet de 100 USD lui a été remis par sa grande sœur pour la réparation de la voiture qui devait aller chercher son beau-frère de PCA à l’aéroport en provenance du Grand Équateur. Mais au lieu d’aller au garage avec le chauffeur, il a cherché à fructifier l’argent par Winner, malheureusement il a tout perdu. Rentré à la maison, sa soeur s’est emportée contre lui. Il gars sort et achète un flacon de sniper et l’avale. Il a été enterré le samedi 15 mars passé.
5. Quelle alternative pour réduire cette dépendance ?
La féminisation de Winner Loto en RDC souligne l’urgence de mettre en place des solutions durables pour lutter contre la précarité féminine. Parmi les alternatives possibles :
• L’autonomisation économique des femmes : promouvoir l’entrepreneuriat féminin, faciliter l’accès au microcrédit et aux formations professionnelles pour offrir des opportunités de revenus stables.
• L’éducation financière : sensibiliser sur les dangers des jeux de hasard et encourager une gestion responsable des finances personnelles.
• Le développement de programmes sociaux : renforcer l’accompagnement des femmes vulnérables à travers des initiatives d’inclusion sociale et économique.
Bref, l’essor des femmes dans le jeu Winner Loto en RDC n’est pas anodin : il traduit un profond malaise économique et social. Cette tendance met en évidence la précarité qui touche une grande partie de la population féminine, la poussant à chercher des solutions désespérées. Pour contrer ce phénomène, il est impératif de proposer des alternatives viables permettant aux femmes d’améliorer leurs conditions de vie sans tomber dans l’illusion du gain facile.