Dans son tweet annonçant le verdict tombé, lundi 24 février 2025, dans l’affaire dite « des forages » dans laquelle l’entrepreneur et patron de la société Stever construct, Mike Kasenga, était poursuivi par le ministère public pour détournement des deniers publics, Scoop RDC avait promis de revenir sur le sujet avec force détails. En effet, le média en ligne tenait d’abord à lire ce jugement de 14 pages de la Cour de cassation pour bien en expliquer le contenu à ses lecteurs.
Il est vrai que beaucoup ont crié au scandale judiciaire l’acquittement de Mike Kasenga, parce que n’étant pas du domaine, ce qui n’est pas le cas pour les initiés. « Les rumeurs dans la rue, le droit au palais », lit-on dans les salles d’audiences de cours et tribunaux pour faire nuance entre la connaissance de la rue en matière de droit et celle de ceux qui pratiquent la doctrine.
En effet, poursuivi par l’organe de la loi pour « détournement des deniers publics », il a été prouvé par les avocats de la défense dans toutes les audiences que leur client n’avait pas la qualité de fonctionnaire ni d’agent de l’Etat et ne pouvait donc pas même par la magie être assimilé à l’un ou à l’autre, selon l’incrimination en droit des personnes poursuivables pour détournement des deniers publics.
« …L’infraction de détournement des deniers publics est un délit attitré qui requiert que l’auteur soit un fonctionnaire, un officier public, une personne chargée d’un service public ou parastatal, une personne représentant les intérêts de l’Etat ou d’une société étatique au sein d’une société privée, parastatale ou d’économie mixte ou un mandataire ou un préposé des personnes énumérées ci-dessus, bref qu’il ait la qualité d’agent public », prescrit l’article 95 du Code pénal livre II.
Dans cette affaire, les juges de la Cour de cassation qui n’est pas n’importe quelle juridiction, en examinant minutieusement cette disposition légale, ont constaté que le contrat de marché public a été conclu entre le ministère du développement rural et le consortium Stever construct. « …le fait pour le consortium précité d’avoir conclu un marché des travaux publics avec le gouvernement ne confère pas à ses préposés ou à ses mandataires la qualité d’agent public, en ce que ledit marché ne constitue ni une concession de service public, ni une mission de service public, ni une régie intéressée, encore moins une convention de délégation de service public », motive la Cour de cassation sa décision pour rejeter la qualité d’agent public que le ministère public collait au prévenu Mike Kasenga qui fait défaut en l’espèce.
Deux éminents professeurs de Droit pénal consultés distinctement par Scoop RDC ont avoué que les juges de la Cour de cassation ont dit véritablement le droit. « S’ils avaient suivi la clameur de la rue, ils auraient créé une monstrueuse et irréparable jurisprudence qui ferait passer tous les entrepreneurs comme agents de l’Etat, poursuivables pénalement en cas de non-exécution correcte des contrats alors que ces derniers ne sont que des conventions qui se règlent devant les juridictions civiles. Conséquence : aucun entrepreneur ou homme d’affaires n’accepterait de signer un contrat avec le gouvernement au risque d’être arrêté et condamné à des peines lourdes, ce qui assombrirait le climat des affaires », ont expliqué scientifiquement les deux professeurs qui saluent la maturation des juges de cette haute juridiction.
La Cour de cassation voulait par contre requalifier l’infraction de « détournement » à celle d’«abus de confiance » contre Mike Kasenga pour n’avoir pas exécuter le contrat dans le délai prévu. Mais au regard des raisons avancées par ce dernier qui ont causé le retard, la Cour a estimé que le ralentissement du rythme des travaux ne peut être considéré comme une impossibilité de poursuivre l’exécution que s’il était le fait du prévenu dans la gestion des fonds lui confiés. Elle est d’avis que , dans le cas sous examen, ce ralentissement est plutôt en lien avec le fait que le gouvernement n’a pas mis à la disposition du consortium des sites d’implantation, alors qu’il en était tenu contractuellement.
Pour la Cour qui s’est basée sur les pièces versées au dossier et vérifiées, le fait que le consortium négociait systématiquement et progressivement avec des particuliers l’acquisition de sites, témoigne la bonne foi du consortium à exécuter les travaux surtout qu’à l’ouverture de l’action publique, ces travaux se poursuivaient et que le contrat était toujours en cours, et que aussi le consortium n’a jamais été mis en demeure et le contrat n’a été ni ajourné ni résilié conformément aux dispositions du manuel des procédures relatives aux marchés publics, alors en vigueur au moment des faits, mais aussi celles de la loi relative aux marchés publics.
La Cour en a déduit que cette bonne foi dans la poursuite de l’exécution des travaux est élusive de toute intention coupable dans le chef du prévenu Mike Kasenga. Elle a jugé en conséquence que les éléments matériel et moral de l’infraction d’abus de confiance ne sont pas établis dans le chef de ce dernier et l’en a acquitté.
Contrairement à ce qui se raconte dans la rue, Mike Kasenga n’était pas poursuivi pour surfacturation des forages. Les experts convoqués par la Cour avaient montré qu’il s’agissait d’une haute technologie qui ne se limite pas à des simples forages domestiques dont les inexperts ont brandi les prix pour faire croire à l’opinion qu’il s’agissait d’un marché surfacturé.