Le M23 est fondé en avril 2012 par quelques centaines de déserteurs des FARDC, dont la majorité ayant appartenu jadis au Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP), mouvement rebelle essentiellement tutsi soutenu par le Rwanda, actif dans le Nord-Kivu entre 2004 et 2009, puis intégré dans l’armée nationale à la suite de l’Accord de Goma conclu le 23 mars 2009.
Le M23 tire effectivement son nom de cette date en guise de sa revendication pour la pleine application de cet accord. Dans sa courte existence (avril 2012 – novembre 2013), le M23 connait deux phases : une phase ascendante, ayant culminé par la prise de la ville de Goma le 20 novembre 2012, et une phase déclinante depuis. Durant la première phase, le M23 grossit ses effectifs en recrutant des déserteurs des FARDC, des démobilisés de l’armée rwandaise, des anciens miliciens des FDLR rapatriés au Rwanda, ainsi que des enfants enrôlés le plus souvent de force, au Rwanda et dans les territoires sous son emprise en RDC. Son président, un pasteur pentecôtiste de surcroit Bishop, Jean-Marie Runiga, apparait comme le véritable leader du mouvement. Il est proche du général Bosco Ntaganda, chef des opérations militaires des FARDC dans les deux Kivu depuis 2009. Ce dernier qui va apparaitre plus tard comme le commandant des troupes du M23, est un officier de l’Armée rwandaise, inculpé par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour crimes de guerre commis en 2002 et 2003 en Ituri, alors qu’il dirigeait les opérations militaires de l’Union des Patriotes Congolais (UPC) de Thomas Lubanga, ce chef milicien congolais incarcéré à La Haye depuis 2006 pour crimes contre l’humanité et l’enrôlement des enfants dans un mouvement rebelle. Mais Bosco Ntaganda réclamé à cri et à cor par la CPI, est protégé par le pouvoir de Kinshasa qui évoque très souvent comme raison « la sauvegarde de la paix » pour justifier son refus de l’arrêter et l’extrader.
D’ailleurs, la non-exécution correcte de l’accord de Goma brandie comme raison de la naissance du M23 n’est qu’un alibi, une sorte de camouflage. La vraie raison selon certains, c’est les soupçons d’après lesquels Kinshasa céderait aux pressions de la CPI et se préparerait à livrer Bosco Ntaganda. Pour d’autres encore, l’existence du M23 se justifierait par le sentiment de mécontentement de certains officiers rwandophones au sein des FARDC qui ne se retrouveraient pas financièrement et soutiendraient à travers cette rébellion le Rwanda dans son aventure de piller les ressources naturelles de la RDC.
Disposant d’un réseau de contacts étendu au Rwanda et artisan d’une série d’alliances avec d’autres groupes armés, Bosco Ntaganda joue alors un rôle décisif dans la montée en puissance du M23. Outre le soutien du Rwanda et de l’Ouganda, le M23 réussit à nouer des alliances avec divers groupes armés, auxquels il apporte un soutien financier et militaire. Il s’agit notamment de la dissidence Mandevu des FDLR, de la NDC de Sheka, de FDC, des Raïa Mutomboki présents dans le territoire de Masisi, de l’Union des patriotes congolais pour la paix (UPCP), de l’Union pour la Réhabilitation de la Démocratie an Congo (URDC), de la Force Œcuménique pour la Libération du Congo (FOLC) et de groupes Nande actifs dans le grand nord. Au Sud-Kivu, le M23 s’allie avec l’Union des Forces Révolutionnaires du Congo (OFRC) et avec une multitude de petits groupes composés surtout de burundais, de banyamulenge et de bafuliro, mais également avec les maï-maï Yakutumba et d’autres petits groupes actifs parmi les bembe, pourtant généralement très hostiles aux Tutsi et en particulier à leurs voisins banyamulenge. Ces alliances parfois désavouées par les factions de ces groupes ou par les communautés dont ils émanent, sont bien fragiles et opportunistes.
Sous-jacentes en raison d’anciennes querelles interpersonnelles et de rivalités entre clans tutsi, c’est durant l’occupation de la ville de Goma que les divergences entre le général Bosco Ntaganda et le colonel Sultani Makenga ravivent. Non seulement que Ntaganda, alors recherché par la CPI, vient s’installer dans la ville, mais il s’oppose au retrait du M23 le 1er décembre 2012 ordonné par Makenga, apparemment sensible aux pressions internationales que son chef hiérarchique. Les tensions entre les deux rivaux et leurs fidèles se poursuivent après le départ de Goma autour du partage du butin issu du pillage de la ville et ne cessent de culminer jusqu’à la scission du M23 le 28 février 2013 et des affrontements armés au début du mois de mars. Ceux-ci tournent rapidement à l’avantage des hommes de Makenga, au prix de lourdes pertes dans les deux camps. Lâché par le Rwanda et craignant d’être assassiné, Bosco Ntaganda se réfugie, le 18 mars 2013, à l’ambassade des Etats-Unis à Kigali et demande son transfert volontaire la CPI, lequel intervient quatre jours plus tard. Son plus proche Jean-Marie Runiga s’étant réfugié comme lui au Rwanda, est remplacé par Bertrand Bisimwa qui devient président du M23.
Affaibli non seulement par les combats et la fuite au Rwanda de centaines de partisans de Ntaganda, mais aussi par la perte des réseaux de recrutement et de financement contrôlés par ce dernier, le M23 de Sultani Makenga se lance dans une campagne de recrutement dans des camps de réfugiés au Rwanda et en Ouganda. Il enrôle aussi de force des enfants congolais. Ainsi soutenu par la Rwanda Defence Force (RDF), l’armée rwandaise, le M23 tient la tête à l’armée congolaise et lance même entre mai et août 2013, trois offensives sur la ville de Goma. Mais il est repoussé par les FARDC ragaillardies par le changement de commandement et secondées par la nouvelle brigade d’intervention de la MONUSCO. Le M23 est également sous pression d’autres groupes armés actifs dans le territoire de Rutshuru, notamment les FDLR, les Nyatura et les Forces pour la Défense des Intérêts des Peuples Congolais (FDIPC).
Les rapports de forces ayant nettement changé sur terrain malgré les pourparlers engagés le 19 décembre 2012 entre le gouvernement congolais et le M23, Kinshasa n’a plus intérêt à discuter d’égal à égal avec ce qui n’est finalement qu’un des multiples groupes armés implantés dans le Kivu. Avec le soutien de la brigade de la MONUSCO, les FARDC le remportent militairement sur le M23 le 30 octobre 2013 par la prise de la bourgade de Bunagana, adossée à la frontière ougandaise, quartier général et base arrière de ce mouvement rebelle.
Le M23 vécu actuellement et qui a refait surface en novembre 2021, puis a pris Bunagana en juin 2022 jusqu’à étendre aujourd’hui son hégémonie sur une grande partie du Nord-Kivu et celle du Sud-Kivu, n’est qu’un serpent qui a fait peau neuve, parce que dirigé par les mêmes individus qu’en 2013 : Bertrand Bisimwa du côté politique et Sultani Makenga du côté militaire, servant tout simplement de paravent au Rwanda dans son ambition expansionniste et dans son pillage des ressources minières de la RDC.
