Procès « forages » : Le MP sérieusement malmené par les avocats de la défense après son requisitoire

Comme annoncé dans notre livraison précédente, l’audience prévue ce lundi 23 décembre à la Cour de cassation, dans l’affaire opposant le ministère public (MP) à l’entrepreneur Mike Kasenga et à François Rubota, ancien minétat du Développement rural, a été consacrée au réquisitoire de l’organe de la loi ainsi qu’aux plaidoiries des avocats de ces deux prévenus.

Après avoir présenté les faits, le MP est parvenu à la conclusion de détournement des deniers publics pour Mike Kasenga et à la complicité au détournement des deniers publics pour François Rubota. Pour ce faire, il a requis 20 ans de prison ferme et 10 ans de privation des droits civiques après la purge de la peine à l’endroit de Mike Kasenga et 5 ans de prison ferme et 5 de privation des droits civiques après la purge de la peine pour François Rubota.

Prenant premiers la parole, les avocats de Mike Kasenga, quatre au total, ont balayé cette prévention de détournement en décortiquant les éléments constitutifs de ce dernier sur le plan purement de droit, notamment la qualité de l’auteur, l’objet de l’infraction, l’existence de la victime et l’intention criminelle dans le chef de l’auteur. Me Guylain Duga Nsenda, le bâtonnier Kalingi, Me Jacques Kasongo Mayombo et Me Jeannot Bukoko Mandjumba se sont évertués à démontrer que par rapport à la qualité, Mike Kasenga qui est un homme d’affaires ne peut pas être qualifié de détourneur des deniers publics d’autant plus qu’il n’est pas un agent de l’Etat au regard du code de l’agent public de l’État et à la loi. 

Ils ont ensuite démontré l’inexistence de l’objet de l’infraction étant donné que la qualité de la personne à qui l’on attribue la détournement fait défaut. Parce qu’il s’agit d’un contrat engageant deux parties, à savoir le gouvernement congolais et le consortium Stever Construct Cameroun  Sarl et Sotrad Water, ils ont soutenu que c’est l’une de ces parties au contrat qui devait se plaindre. Du moment où le gouvernement ne s’est pas plaint, il n’y a pas de victime. Et même si ce dernier se serait plaint, le contrat prévoit le mécanisme et les étapes de traitement des différends qui n’appellent pas à un détournement. Quant à l’intention criminelle, les avocats de Mike Kasenga ont soutenu que leur client exécute le contrat et est à plus de 120 stations de pompage et de traitement d’eau déjà terminées et plus de 50 en construction. Donc, il n’a pas affecté l’argent perçu à autre chose que le MP n’a pas malheureusement brandie.

Me Jeannot Bukoko Mandjumba qui a martelé sur les défaillances contractuelles du gouvernement congolais, a qualifié de prématurée l’action du MP d’autant plus que le contrat entre Stever construct et le gouvernement congolais s’exécute bien, bien qu’il y ait eu retard dans sa réalisation.

Pour cette non réunion des éléments constitutifs de l’infraction de détournement des deniers publics selon la loi, les avocats de Mike Kasenga ont demandé à la Cour de déclarer recevable mais non fondée la requête du ministère pour la simple raison que le retard dans la livraison des ouvrages par leur client ne peut jamais et nullement constituer un détournement des deniers publics.

Abordant dans le même sens, les avocats de l’ancien ministre Rubota, sous la conduite du professeur émérite Nyabirunga, ont relevé, non seulement la confusion du MP dans sa définition de l’agent public, mais aussi dans son accusation sans fondement ni preuve de complicité collée sur leur client.

Tel un enseignant dans l’auditoire dispensant sans agitation le cours de droit, le professeur Nyabirunga a révélé la confusion et la précipitation du MP dans son action jusqu’à attribuer allègrement mais dangereusement des peines de 20 ans et cinq ans de prison à des responsables sans l’existence de l’infraction pour laquelle il les poursuit. Une légèreté incroyable dans le chef du MP, a-t-il déploré en sollicitant de la Cour de la débouter, acquitter les prévenus et relâcher particulièrement Mike Kasenga qui, selon la démonstration du professeur Nyabirunga, n’est pas agent public de l’État, mais un commerçant, un homme d’affaires lié à ce dernier par un contrat dont les mécanismes de règlement de conflits contractuels sont bien définis.

« C’est la première fois depuis que j’ai enseigné le Droit pénal, de voir le MP s’immiscer dans un contrat de marché public et requérir la condamnation d’un entrepreneur sans qu’il y ait une victime qui s’est plaint », s’est indigné le professeur Nyabirunga.

Face aux remontrances des avocats de deux prévenus, le MP a, lorsqu’on lui a retourné la parole, dit aux juges : « C’est vous la Cour qui connaissez bien le droit, de toute les façons vous allez nous départager ». Ce qui a apparu aux yeux de l’assistante comme un aveu d’échec. Et la Cour qui a pris l’affaire en délibéré, a fixé son arrêt au 22 janvier prochain. Dossier à suivre.

  • Bendélé Ekweya té

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