Le procès sur l’affaire dite des forages était, ce lundi 02 décembre 2024, à sa quatrième audience à la Cour de cassation. Celle-ci était consacrée à l’audition des témoins considérés comme des renseignants. Si l’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi, et celui du Développement rural, Guy Mikulu, ne se sont pas présentés pour raison respectivement d’indisponibilité pour le premier qui a prié à la Cour de se présenter à la prochaine audience (il serait en dehors du pays, en France) et de non notification pour le second, les autres renseignants étaient présents à cette audience, notamment l’actuel ministre d’Etat du Développement rural, Muhindo Nzangi, le directeur général de l’Office national d’hydraulique rurale (ONHR), Yannick Asifiwe et le représentant de l’Inspection générale des finances (IGF) en la personne de l’Inspecteur général Kasongo Olenga.
Premier à qui la Cour a accordé la parole : le minétat Muhindo Nzangi. Gardant visiblement une dent contre son ancien collègue François Rubota, non sans raison car ni à son arrivée, ni à son départ il n’a salué ce dernier qui est l’un de deux prévenus à ce procès poursuivis pour détournement des deniers publics, Muhindo Nzangi a fait une déposition haineuse, changeant avec mépris et dédains son ancien collègue au gouvernement Sama Lukonde. Il a qualifié de surfacturés les travaux qui pour lui sont mal faits, promettant de remettre à la Cour un rapport d’une commission par lui instituée pour évaluer les ouvrages déjà livrés par la société Stever construct dont le patron Mike Kasenga est aussi prévenu au procès.
En effet, sans tableau comparatif des prix, le minétat du Développement a, comme tout citoyen lambda, parlé vaguement de la surfacturation alors que la Cour sait par exemple, selon le rapport à sa possession, qu’un forage de PRISE financé par la Banque africaine de développement (BAD) varie entre 390 et 650 mille USD. Quant à la mauvaise qualité des ouvrages, Muhindo Nzangi ne cite et ne martèle que sur deux, notamment un à Kinkole dont il reproche la profondeur (19 mètres) par lui estimée anormale et un autre à Kinsenso dont selon lui la qualité de l’eau est impropre à la consommation. Et la rapport qu’il détient et promet de remettre à la Cour ne concerne que la ville-province de Kinshasa alors que les stations de pompage et traitement d’eau déjà une centaine, sont construites dans 9 provinces. Aussi, Muhindo Nzangi a-t-il fait une lecture biaisée du préfinancement qui selon lui et pour lui, Mike Kasenga avait l’obligation de remettre clé à la main toutes les 200 stations de forage, avant de se faire payer après sur présentation des factures.
Aux questions techniques de la Cour sur la prétendue surfacturation et la malformation des ouvrages, Muhindo Nzangi a commencé à tout rejeter sur l’OHNR pour éclairer la lanterne des juges. Le responsable numéro 1 de cette structure, finalement appelé par la Cour, n’a pas eu un même langage que son ministre de tutelle. S’agissant de la profondeur d’un forage, le jeune ingénieur en Hydraulique Yannick Asifiwe a soutenu que cette question de la profondeur dépend d’un site à un autre sur base des études. En d’autres termes, la profondeur n’est pas identique partout. Quant à la mauvaise qualité d’eau, le DG de l’ONHR ne l’a pas confirmé. Il n’a non plus confirmé ni infirmé la surfacturation évoquée par son ministre dans le rapport de l’ONHR.
Dans leurs prises de parole, les prévenus Rubota et Mike Kasenga ainsi que leurs avocats ont démontré dans la foulée à Muhindo Nzangi qu’il était totalement ignorant de la loi sur la passation des marchés publics notamment en ce qui concerne la notion de préfinancement, les organes habilités à contrôler et faire le rapport sur les travaux exécutés par un prestataire privé avec fonds du gouvernement. Il lui a démontré que ce travail n’est pas l’apanage de sa commission instituée dont le rapport devra être déconsidéré par la Cour. Il lui a été démontré aussi qu’il l’a fait une demi-lecture du contrat lorsqu’il affirme qu’une étude n’avait pas été faite sur la localisation des sites. Or, l’annexe dudit contrat indique évidemment les localités à travers les provinces où devront être érigées les stations des forages, mais seulement l’Etat congolais a failli dans l’indication dans ces différentes localités des endroits fixes où Stever construct devait les construire. Muhindo Nzangi s’est fait enseigner les notions des finances publiques lorsqu’il confond les fonds mis à la disposition de son ministère qui sont gérés par le comptable public et les fonds payés directement aux prestataires privés. On lui a reproché mauvaise foi lorsqu’il résume la malformation des ouvrages en deux stations de Kinkole et Kinsenso alors qu’il y en a une centaine et que le contrat prévoit la réception provisoire et la réception définitive après une année d’observation de l’ouvrage susceptible d’être soumis à la retouche en cas de malformation.
Anguilles sous roche
L’acharnement du minétat Muhindo Nzangi et son regard négatif sur le contrat signé entre Stever construct et le gouvernement congolais jusqu’à évoquer sa résiliation, ne sont pas dictés par l’amour du pays comme a-t-il prétendu devant la Cour. Selon les indiscrétions parvenues à Scoop RDC, l’actuel minétat du Développement rural digérerait mal de laisser continuer un contrat pour lequel il n’a bouffé aucun rond. Il insinuerait que Guy Mikulu et François Rubota ont chacun bouffé. Toujours d’après les indiscrétions parvenues au média en ligne, Muhindo Nzangi l’aurait clairement dit dans son « wazalendoïsme » au DG de Stever construct que n’ayant pas bouffé, il n’a aucun intérêt à soutenir la continuation du contrat.
Les informations en possession de Scoop RDC font état du lorgnement de ce marché par certains entrepreneurs dans le secteur hydraulique. Ils souhaiteraient que celui-ci soit ravi à Mike Kasenga. Et pour cela, Muhindo Nzangi qui se serait déjà fait graisser les pattes, développe vite la thèse de résiliation sans une évaluation par les organes cités dans la loi sur la passation des marchés publics de tous les ouvrages déjà réalisés à travers le pays et reçus provisoirement par son ministère.
Donc, la position tranchée du minétat Muhindo Nzangi est ni plus ni moins par son ambition à ravir le marché à Stever construct et le confier au plus offrant, en termes de rétrocommission, parmi les concurrents qui courent derrière lui. Mais Rubota l’a prévenu devant les juges du danger de son ambition de résilier le contrat sans respecter les clauses qu’il risque d’encourir à l’Etat congolais : le dédommage de l’entrepreneur Mike Kasenga qui, dans le passé l’a déjà été à hauteur de 27 millions USD à la suite de la condamnation de l’Etat congolais par les instances judiciaires internationales dans le contrat de construction des routes. Dossier à suivre à la prochaine audience prévue le 09 décembre 2024.