Secteur minier : Les institutions marocaines suspectées de discrimination envers les investisseurs d’Afrique Sub-Saharienne

Le climat des affaires est secoué au Maroc dans le secteur minier par cette affaire qui oppose un groupe d’hommes d’affaires marocains cachés derrière l’Office des Changes et de l’Administration des Douanes à l’homme d’affaires et opérateur économique congolais Luc Gerard Nyafé. Ce dernier qui est un proche du président Félix Tshisekedi pour qui il a servi comme ambassadeur itinérant, actif depuis 2008 dans le secteur des mines dans 6 pays, a investi en 2022 au Maroc en prenant une participation importante dans la Compagnie Minière de Touissit (CMT) ; Entreprise importante du secteur minier marocain mais au potentiel mal exploité, selon l’investisseur.

52 ans, né dans la province de l’Equateur d’un père belge et d’une mère congolaise, Luc Gerard Nyafé est patron depuis 2003 de la holding multi-métiers Strategos Group qui est présente en Amérique latine dans la Santé, les fintech, les infrastructures, les brasseries, le secteur pétrolier et financier. 

Depuis 2019, Il pilote aussi Auplata Mining Group (AMG), cotée à la Bourse de Paris. Au Maroc, il atterrit avec ses investissements pour des projets cuprifères et pour l’attrait apparent de ce pays comme plateforme de transformation pour son pôle minier qui s étale du Pérou à la Guyane française et à la Note roads la RDC. C’est ainsi qu’en 2020, son groupe fait l’acquisition indirecte par Auplata Mining Group d’une participation contrôlante de 37,4 % dans la Compagnie minière de Touissit (CMT) finalisée pour un montant total de 83 millions d’euros. Dans cette société, la CIMR détient 14 % du capital, tandis que le reste des parts est détenu par d’autres investisseurs institutionnels et des petits porteurs.

D’après l’influent  magazine  marocain Le Desk, Luc Gérard s’est dit alors convaincu que le Royaume offrait toutes les conditions politico-économiques pour consolider un groupe minier tel que CMT qui bénéficie d’une capitalisation boursière confortable et d’actifs à développer pouvant fournir des métaux stratégiques aux industries de la transition énergétique. Son management a fait que CMT qui était en baisse, remonte la pente.

En effet, depuis sa prise de participation, CMT a vu son chiffre d’affaires croitre tout comme ses résultats financiers donnant des couleurs à son cours en bourse. Si en 2020, le chiffre d’affaires à fin décembre s’élevait à 430 millions de dirhams (43 millions USD), en baisse de 81 millions de dirhams, soit 8,1 millions USD (-16 %) par rapport à 2019 et que le résultat net était également réduit à 30,32 millions de dirhams (3.020.000USD), le chiffre d’affaires est passé en 2022 à 624 millions de dirhams (62.400.000 USD), tandis que le résultat net dépassait les 209 millions de dirhams (20.900.000 USD). Cette performance, de l’avis partagé des analystes, est consécutive à la restructuration entamée et à une reprise en main du management de Luc Gérard Nyafé.

Tout en fournissant tous ses efforts, l’ancien ambassadeur itinérant du président Tshisekedi ne s’attendait pas à des coups bas des anciens managers de CMT et d’autres concurrents jaloux de son succès, qui ont utilisé sans doute l’Office des changes et de l’Administration des Douanes  pour le neutraliser.

En effet, tout part en décembre 2022 lorsque, contre toute attente, l’Office des changes a notifié à CMT un avis de contrôle portant sur six opérations, dont cinq qui remontent à plus de 10 ans avant sa prise de contrôle et liées à l’ancienne gestion de l’entreprise qui elle, n’avait jamais été inquiétée alors que certaines de ces opérations sont prescrites au titre de la réglementation et des lois en vigueur au Maroc.

Dans le détail, l’Office de change pointe un transfert datant de 2013 équivalent à environ 17,34 millions de dirhams (1.734.000USD) au motif de « dépassement du plafond autorisé pour les investissements marocains en dehors de l’Afrique » ; un « non rapatriement en 2015 des recettes de la vente d’actions d’AMG à une société étrangère » pour un montant d’environ 10,4 millions d’euros « avec des paiements supplémentaires non autorisés par la législation en vigueur » ; un autre qui a suivi en 2016 portant sur 91.450 euros « correspondant aux intérêts sur des prêts accordés à une société étrangère avant leur conversion en capital » ; une opération sur 4,4 millions d’euros dont l’utilisation dans le cadre d’un partenariat avec une autre société est jugée « incertaine » et enfin, une sixième opération datant de 2022 portant sur un peu plus de 5 millions de dirhams (500.000USD) relative « aux frais de gestion au bénéfice de la société Osead Gestion », « nécessitant une autorisation préalable de l’Office des Changes ».

De plus, l’Office reproche au nouveau management de CMT le transfert à l’étranger d’un montant de près de 18,7 millions d’euros en faveur d’une société qui, selon lui, « n’opère pas dans le secteur minier » alors qu’il s’agit de financer l’acquisition et le développement des filiales Banro en RDC un fleuron de l’industrie minière aurifère dans notre pays.

Au titre de ses griefs, l’Office des changes a réclamé à l’entreprise un peu plus de 271,7 millions de dirhams (27.170.000USD) au titre des transferts irréguliers et environ 115,65 millions de dirhams (11.565.000USD) pour défaut de rapatriement.

Bien que la CMT ait argumenté et documenté ses réponses pour chacune des opérations et proposé des accords transactionnels, le dossier a été transmis à la Douane, qui a invité la CMT à faire une proposition de transaction avec un délai de 15 jours conformément aux textes en vigueur. Cependant, et sans attendre l’expiration du délai, la Douane a transmis le dossier au Procureur du Roi près le tribunal de première instance le même jour, soit immédiatement à l’ouverture du délai imparti. Des demandes civiles ont été déposées pour réclamer la somme de plus de 2,3 milliards de dirhams, soit 230 millions USD.

Par voie de presse, CMT apprendra qu’une saisie conservatoire a été placée sur son fonds de commerce pour ce même montant.

Après enquête de la police judiciaire à la demande du procureur, ce dernier a cependant pris des décisions favorables à l’entreprise : les opérations effectuées en 2013, 2015 et 2016 sont prescrites en raison de l’écoulement du délai de quatre ans depuis la commission des infractions. Celles réalisées en 2020 et 2022 ne constituent pas des infractions et sont classées et enfin, seule l’opération réalisée en mars 2022, d’un montant d’environ 5 millions de dirhams (500.000 USD), fait l’objet de poursuite devant le tribunal correctionnel.

A la demande du cabinet Bassamat & Laraqui, conseil de CMT, le procureur du Roi a remis une attestation confirmant ces décisions sur lesquelles CMT a communiqué conformément aux exigences règlementaires imposées.

Contre toute attente, le lendemain, la Douane déposera une demande de déclassement des plaintes et des poursuites arguant du défaut de prescription des infractions en les qualifiant « d’infractions continues » sans discuter les deux autres opérations que le procureur avait considéré non délictuelles.

Sans en être formellement notifiée, CMT va apprendre de canaux informels mais également de l’autorité des marchés financiers que le parquet avait déclassé toutes les infractions et décidé de poursuivre la société, non seulement pour les infractions prescrites, mais également pour celles pour lesquelles il avait considéré qu’aucune infraction n’était reprochée à l’entreprise.

Politique de « Qui veut noyer son chien… »

Pour plusieurs analyste du Droit OHADA, le diktat de l’Office des changes sur des opérations datant pour la plupart de plusieurs années, doublé d’une requête expresse de la Douane visant l’obtention du déclassement des plaintes et des poursuites sur la base d’arguties contestables, en contradiction avec la première décision du parquet, témoigne, non seulement la politique de « qui veut noyer son chien, l’accuse de rage », mais aussi démontre un acharnement raciste des institutions marocaines qui manifestent la volonté concertée d’étouffer une société d’un entrepreneur étranger.

Non sans raison, car pendant toutes les années que CMT n’était pas dirigée par Luc Gerard Nyafé, aucune alerte significative ne venait des analystes boursiers et encore moins de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ou de l’Office des changes qui, pendant une décennie, ne posaient aucune interrogation sur les comptes annuels exposés publiquement par l’entreprise. Il s’avère que l’Office des changes et de l’Administration des Douanes sont instrumentalisés dans cette affaire et font le paravent des anciens managers de CMT qui en veulent au Congolais pour le déposséder de la société et l’éloigner de celle-ci.

Et ce qui est grave, Luc Gerard Nyafé et sa société CMT ont été condamnés le 15 octobre dernier en première instance dans un procès où la tenue  des audiences ne leur a jamais été signifiée. Poursuivis  pour « défaut de rapatriement de 13,5 millions USD », suite à la plainte pénale de la Douane du 5 juin 2024, le PDG de CMT s’est vu infliger une peine de six mois de prison avec sursis tandis que sa société devait verser 827 millions de dirhams d’amende, soit 82,7 millions USD.

Plainte au parquet financier de Paris

Victime de l’injustice des instances marocaines, Luc Gerard Nyafé a saisi le 4 juin dernier le Parquet financier du Tribunal judiciaire de Paris pour « tentative d’extorsion en bande organisée ». Sa plainte est dirigée beaucoup plus contre ses anciens collaborateurs dans AMG, CMT, OMM et Osead Gestion, qui veulent noyer le groupe par une guérilla judiciaire, des menaces et des campagnes de diffamation dans la presse pour dévisser le cours en bourse, tout ça pour faire valoir de nouvelles offres de reprise au plus bas du marché.  On parle également d’une plainte auprès du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), où le Maroc apparaît comme un des pays qui compte le plus de plaintes déposées.

La question légitime qui se pose en haut lieu à Kinshasa est celle de savoir pourquoi le tapis rouge est déroulé aux investisseurs marocains en RDC comme Managem dans le secteur minier, Royal air Maroc dans le secteur aérien ? Et malgré les beaux discours de Rabat sur l’ouverture à l’Afrique, cette ouverture semble à sens unique car l’Afrique sub-saharienne est vue une fois de plus comme un marché où l’on vient se servir mais on ferme la porte aux seuls investisseurs congolais au Maroc. Ces investisseurs congolais espèrent que le président Tshisekedi qui a mis en avant le développement économique du milieu des affaires congolais ne saurait rester indifférent à cette situation.

Dossier à suivre !

  • Bendélé Ekweya té

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