Les mécanismes juridictionnels classiques ne peuvent à eux seuls, étancher la soif de justice des victimes de crimes graves dus aux différents conflits qui secouent encore la RDC, a estimé le député national André Lite Asebea, dans son intervention dans le cadre des états généraux de la justice. L’élu de Wamba (Haut-Uele) et ancien ministre des Droits humains préconise, par conséquent, l’implémentation de la justice transitionnelle par la mise place d’une « structure permanente de résolution des conflits assortie d’un mécanisme de suivi ».
« Il n’y a pas trente-six façons de procéder en RDC où la justice transitionnelle, comme domaine d’étude et comme pratique en est encore à chercher ses repères, conceptuels et politiques. La toute petite avancée constatée en la matière suite à certaines réformes intervenues après le dialogue inter-congolais de Sun-City et un peu plus tard, doit être poursuivie sans relâche. Ceci doit déboucher sur une politique nationale de justice transitionnelle », a ainsi exposé André Lite, lors de la 5ème journée des états généraux de la justice.
Vérité réelle vs vérité légale
« En effet, et bien au-delà de l’architecture institutionnelle de la justice classique dont le rôle essentiel est de rétablir l’ordre public national et international à travers les condamnations pénales prononcées à l’encontre des auteurs des crimes graves, il faut impérativement concevoir des mécanismes pouvant permettre aux victimes, leurs proches et communautés de connaitre la vérité des faits, de comprendre et de s’expliquer ce qui s’est réellement passé. Cette vérité, soulignons-le, n’est pas à confondre avec celle sournoisement ou intuitivement attachée à tout jugement ou arrêt rendu par les juridictions pénales classiques. On parle, dans ce dernier cas, de l’autorité de la chose jugée, mieux de la vérité légale sur les faits. C’est ici le lieu de souligner la nécessité de la vérité réelle, un des objectifs principaux de la justice transitionnelle », a-t-il souligné.
Et de poursuivre : « …., la vérité dont il est question à travers les mécanismes non juridictionnels en matière de justice transitionnelle est celle qui découle de la réalité des faits ; elle ne saurait être falsifiée ni par les parties au procès ni par le juge. Elle implique tant dans le chef des auteurs des faits que dans celui des victimes, de leurs proches ou de leurs communautés, un esprit d’ouverture, un sens élevé d’estime, du respect et d’amour vis-à-vis de son prochain ».
« C’est cette vérité qui favorise la réconciliation », a-t-il tranché.
En effet, « la justice classique crée souvent des frustrations et laisse des séquelles d’ordre moral et psychologique (car) la profondeur d’une décision judiciaire, sa motivation et les vérités qu’elles renferment ne suffisent pas à amener les victimes, leurs proches et /ou communautés à accorder le pardon aux auteurs de crimes », a soutenu l’ancien Ministre des droits humains.
Faire davantage, aller plus loin
Certes, « tirant les leçons du passé peu reluisant et soucieux de reconstruire un tissu économique propice aux investissements publics et privés, les pouvoirs publics congolais tendent à construire peu à peu la justice transitionnelle », a reconnu André Lite.
Seulement, il ne faudrait donc pas s’arrêter en chemin. Au-delà de « prendre solennellement le pari de faire de la justice transitionnelle l’un des piliers de ses politiques publiques », l’Etat congolais « devrait également être conscient du danger permanent représenté par les violences et les conflits en RDC, sources indéniables de violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire », a exhorté l’élu de Wamba.
« Il devrait ainsi engager une approche globale impliquant tous les acteurs en amont pour prévenir les conflits, et en aval pour les résoudre, notamment par la justice et la mise en place d’une structure permanente de résolution des conflits assortie d’un mécanisme de suivi, aux côtés des mécanismes juridictionnels pour une paix durable, susceptible de promouvoir le développement compatible aux potentialités de la RDC », a-t-il conclu.