Par le philosophe François NDJEKA Wandja.
Le malheur de l’Afrique, c’est d’avoir accepté et de n’avoir pas rejeté après essais non concluants des modèles de démocratie et de développement inspirés et proposés par les Occidentaux.
Et pourtant, il existe une vérité que tout intellectuel doit savoir : c’est que les expériences sont incommunicables. Ce qui est bon à l’un ne l’est pas nécessairement à l’autre. Ce qui est utile à l’un peut nuire à l’autre. Car chacun a son propre chemin à suivre pour se perfectionner. Autant chaque personne est une individualité, autant chaque Nation est une individualité avec ses réalités propres.
L’uniformisation n’est pas un signe de progrès. Pour un peuple, le progrès ne peut être que l’essor à partir de ce qu’il possède déjà et non la copie ou l’adoption des modèles empruntés. Et ce qui est ainsi emprunté ne devient jamais propriété personnelle, car ce n’est pas un acquis qui provient du génie de la personne ou le produit de l’esprit de ce peuple.
Chaque pays doit bâtir son système de gestion de la Cité sur ses réalités propres avec les facultés qui sont les siennes.
Mais qu’est-ce que l’Afrique a fait en matière de démocratie et de développement ? Elle n’a fait que gober les modèles lui proposés, en oubliant que lorsqu’on s’insère dans des schémas conçus par d’autres, on devient esclaves des concepteurs desdits schémas. On ne marche avec assurance que sur le chemin que l’on connaît parfaitement.
Prenons l’exemple de la démocratie à l’occidentale. Qu’est-ce qu’elle a apporté aux pays africains ? Sinon la déstructuration des modèles de gestion qui ont fait leurs preuves en termes d’organisation politique, économique, sociale, spirituelle et même juridique ( droit non écrit). Ces sociétés traditionnelles fonctionnaient harmonieusement avec des règles précises et se fondaient sur la solidarité tout en générant une prospérité partagée.
Le Roi ou le Chef était respecté et aimé de tous, car il veillait au bien-être de ses sujets ou de la population. Les croyances religieuses et les valeurs culturelles constituaient le socle sur lequel la société était assise. Ce sont ces éléments sur lesquels nos sociétés auraient pu se baser pour évoluer vers la modernité. Mais l’entreprise coloniale les a saccagés. Les colonialistes se sont d’abord attaqués à nos croyances et à notre culture pour désarticuler notre personnalité.
Après une soixantaine d’années d’indépendance, où se trouve l’Afrique aujourd’hui ? L’adaptation à la démocratie ou l’intériorisation des valeurs démocratiques a été un échec total.
La multiplication des coups d’État avec comme première décision la suspension des Constitutions est la preuve évidente de cet échec de démocratisation. L’accueil enthousiaste par les populations africaines de ces coups de force témoigne, s’il en était encore nécessaire, de leur dépit et de leur désappointement.
À quoi servent aujourd’hui les élections aux résultats douteux dont leurs organisations se chiffrent à plusieurs millions voire des milliards de dollars ? Combien d’écoles, d’hôpitaux, de routes et de ponts nos pays ne pouvaient-ils pas construire avec cet argent inutilement consacré à l’organisation des élections aux résultats contestés ?
Au demeurant, la preuve est aujourd’hui donnée que ces pays occidentaux qui ont imposé aux pays africains la démocratie tout en conditionnant leur aide à la démocratisation, ne croient pas eux-mêmes à cette démocratie. Ils participent aussi à la confection de faux résultats des élections pour faire passer comme président de la République leur » Joker » sur qui ils vont exercer des pressions pour obtenir en retour des faveurs compensatoires.
Il faut aussi voir les rapports idylliques qu’ils entretiennent avec des régimes autocratiques et dictatoriaux. Ils affichent une espèce de complaisance et beaucoup de compréhension envers les hommes forts de ces régimes dictatoriaux. S’ils doivent blâmer quelque chose, ce ne le sera que sur le bout des lèvres, sans plus.
Quelle duplicité !
Ceci m’amène à considérer le modèle démocratique imposé à l’Afrique à partir de la Conférence de la Baule comme un piège tendu aux dirigeants africains afin d’exercer sur eux d’odieux chantages pour non respect des droits de l’homme et des principes démocratiques. Ils vont même jusqu’à financer des manifestations des rues pour qu’en cas de répressions des manifestants, ils puissent s’en saisir pour exiger, à grands renforts des campagnes médiatiques, le départ du président dictateur qui a utilisé la force létale disproportionnée.
Par ailleurs, j’étais surpris d’entendre un Président de la République d’un pays de l’Afrique de l’Ouest parler du » Nouvel Ordre Mondial «
Comme à leur habitude, ils sautent sur des concepts nouveaux dont Ils ne maîtrisent ni les contours ni les contenus sémantiques. Quels desseins macabres se cachent derrière ce Nouvel Ordre Mondial ? Qui connaît tous les projets qui se trament derrière la belle consonance de ce groupe des mots ?
En matière de développement, les pays africains n’ont guère fait mieux. Ils ont, pour la plupart, adopté les modèles de développement proposés par les autres.
C’est ainsi que vous trouverez un grand nombre de pays qui ont essayé d’appliquer le modèle socialiste, d’autres le modèle communiste (marxisme-léninisme) ou encore le système libéral. On sait aujourd’hui où est-ce que tout cela a conduit.
Vers les années 80, sont arrivés les programmes d’ajustement structurel proposés par les institutions de Bretton Woods ( la Banque mondiale et le Fonds monétaire international) à tous ceux de pays qui voulaient se relever économiquement, par la stabilisation du cadre macroéconomique, entre autres.
Après plus de 40 ans d’application des ajustements structurels, aucun pays africain n’a réussi à se sortir des difficultés économiques, comme tout analyste économique sérieux peut aujourd’hui l’attester.
Bien au contraire, tous ces pays sont en train de ployer sous le poids de la dette devenue exponentielle. Ils sont pour la plupart en train de négocier l’effacement ou l’allègement de la dette pour se sortir de la spirale de l’endettement.
Les quelques exceptions que l’on décèle ici et là se retrouvent dans les pays qui ont rejeté les programmes d’ajustement structurel proposés par le FMI et la BM et ont mis en place leurs propres programmes de développement basés sur les réalités de leurs pays.
Enfin, tant que les pays africains se verseront dans un suivisme aveugle des programmes d’ajustement structurel, en multipliant le nombre de revues avec le FMI en termes d’appuis budgétaires, ces pays africains resteront toujours en voie de sous-développement !
Il en sera de même en matière de démocratie. Les pays africains devraient concevoir des modèles politiques basés sur leurs réalités et cesser avec le mimétisme politique.