« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », conclut Jean de La Fontaine, sa fable « Les animaux malades de la presse ».
Au Roi Lion qui avait dévoré force moutons jusqu’à bouffer même le berger, aucun péché n’avait été retenu contre lui. Par contre, les carnassiers flatteurs estimèrent qu’en croquant ces moutons, il leur fît honneur. « Vos scrupules font voir trop de délicatesse », dit-on au Roi Lion, premier à confesser parmi les animaux en quête de la clémence céleste face à la peste qui les décimait.
A l’âne qui avoua avoir, par faim, brouter l’herbe tendre de moines passants, tout le monde s’écria : « manger l’herbe d’autrui, quel crime abominable ! ». Et la sentence s’ensuivit : la mort.
C’est ce qui semble se passer dans le dossier « forages » où le procureur général près la Cassation, Firmin Mvonde, poursuit trois personnes : l’ancien ministre des Finances Nicolas Kazadi, l’ancien ministre d’État du Développement rural François Rubota et l’entrepreneur et patron de la société Stever construct ayant gagné le marché et perçu au moins 71 millions USD pour fournir 240 stations de pompage et traitement d’eau. Le premier comme ordonnateur, le second comme autorité contractante et le troisième comme exécutant du projet, chacun a des griefs spécifiques portés contre lui.
Mais si le second a passé une quarantaine de jours en prison avec le troisième qui y est toujours détenu à la suite d’un MAP, le premier n’a jamais été lui inquiété, pourtant le principal accusé. Principal accusé, non sans raison car, dans son rôle d’ordonnateur, il a rempli la fonction de décideur financier qui a fait de lui, alors lui seul, la personne habilitée à apprécier l’opportunité du décaissement des fonds alloués à ce projet de fourniture d’eau potable à la population, en constatant l’existence des recettes.
Si Nicolas Kazadi et François Rubota sont libres de circulation, que fait alors Mike Kasenga seul à Makala alors que l’argent par lui perçu dans le cadre d’un marché conclu en bonne et due forme avec le gouvernement, est en train de faire exécuter les travaux avec déjà plus d’une centaine de stations de pompage et traitement d’eau livrée au gouvernement et une cinquantaine en pleine installation ?
L’accusation de détournement portée contre Mike Kasenga est, d’après plusieurs juristes, fallacieuse et presque fantaisiste du moment où la définition du mot détournement ne cadre pas, mieux ne correspond pas ni étymologiquement ni juridiquement avec le grief du procureur général de la cassation, d’autant plus que l’argent perçu a servi à l’achat du matériel, dont une partie a construit les stations déjà livrées au gouvernement et une autre partie encore dans les entrepôts inspectés tout récemment par une commission des députés nationaux envoyés par le bureau de l’Assemblée nationale pour véritablement s’enquérir de ce dossier et se rassurer de la capacité de la société Stever construct de finir les travaux.
Bien que la primeur de leur rapport soit réservée à la hiérarchie de leur institution, ces députés nationaux, Patrick Munyomo, Joseph Bangakya et Serge Khonde se sont dit convaincus par la détermination de Stever construct à finaliser les travaux et ont demandé au gouvernement de faciliter la tâche à cette entreprise.
Même au cas où les travaux ont connu un retard dans l’exécution à cause des raisons justificatives bien avancées par la société Stever construct, son PDG ne mérite pas d’être jeté en prison pour la seule raison qu’il s’agit purement d’une affaire civile, une affaire de contrat devant se traiter devant le tribunal de commerce et dont les sanctions ne peuvent se limiter qu’à la résiliation du contrat et au dédommagement de l’Etat pour les préjudices subis si préjudices il y a.
Beaucoup de juristes consultés par Scoop RDC sont d’avis que c’est par maladresse que le PG de la Cour de cassation s’est invité dans ce dossier et garde « arbitrairement » en détention en prison plus de deux mois, le patron de Stever construct alors que ce dernier est en train d’exécuter le contrat. Firmin Mvonde aurait-il un problème personnel avec Mike Kasenga ? L’affirmatif n’étonnerait personne quand on voit l’accusé principal dans ce dossier, Nicolas Kazadi, et les sous-traitants par lui recommandés auprès de Stever construct, se la couler douce.
Avec tous les efforts que le Gouvernement déploie pour désengorger les prisons, particulièrement celle de Makala à Kinshasa qui compte plus de détenus que de condamnés, la présence de Mike Kasenga dans l’un de ses pavillons est encombrement inutile. 69 jours de détention ce 05 septembre, c’en est trop surtout que le procureur général accusateur est sérieusement en difficulté d’établir l’infraction de détournement pour laquelle il poursuit le patron de Stever construct. Dossier à suivre.