Par le Philosophe François NDJEKA Wandja.
L’éthique peut s’entendre comme l’ensemble des règles qui fondent l’acte bon. Et l’acte bon, autrement dit le bien, en français facile, est ce que tout homme, quel qu’il soit, approuve. Car, même les voleurs en association qui décident de se choisir un trésorier pour leur association, choisiront toujours le » moins voleur » parmi eux. Car ils savent que s’ils choisissent comme trésorier le plus grand voleur du groupe, leurs économies seront en danger, à coup sûr. Comme quoi, par rapport au mal, le bien reste le plus fort.
Tout observateur, même le moins assidu, aura remarqué que depuis des décennies, notre pays, la République démocratique du Congo, est entré dans un état de déliquescence morale indescriptible avec comme conséquence l’érosion de toutes les valeurs.
Tous les ressorts qui soutendent la société ont été cassés : on a cassé toutes nos valeurs, on a cassé notre histoire, on a cassé notre honneur et notre fierté d’être congolais, on a cassé notre dignité, on a cassé notre savoir-faire.
Des relents d’égouts ont envahi les allées du pouvoir. La corruption a miné toutes les pratiques sociales. La probité morale alliée à la compétence n’est plus le critère par excellence de recrutement du personnel politique et administratif. Le népotisme et le clientélisme ont acquis des lettres de noblesse dans le choix des collaborateurs, signes d’une république défaillante.
Les personnes intelligentes, compétentes et éprises des principes moraux sont laissées à côté de la route pendant que les personnes à la petite vertu et ignorantes se prélassent dans les allées du pouvoir.
La délinquance financière non réprimée et parfois vantée par ceux-là même qui devaient tenir le bâton de la sanction encourage les faibles d’esprit à faire de même.
La volonté d’accaparement de la richesse nationale par une minorité au pouvoir est tellement forte que l’on oublie qu’il est moralement insoutenable d’avoir un îlot de prospérité dans un océan de misère.
Détourner les deniers publics, voler l’argent du Trésor public pour aller acheter des villas à Dubaï, quelle idiotie ! On dirait que les Congolais, les nouveaux riches ne veulent pas tirer les leçons de l’histoire. Leurs prédécesseurs qui ont acheté des concessions, des villas à Waterloo en Belgique ont vu ces concessions et ces villas leur filer sous les doigts par incapacité de faire face au fisc belge. N’étant plus au pouvoir.
Même le changement ou la modification de la Constitution projeté n’augure rien de bon, lorsque l’on sait qu’on fera recours aux mêmes acteurs qui n’ont pas voulu changer la dernière loi électorale qui a permis que la même personne soit élue député national, député provincial, sénateur et gouverneur avec à chaque fois un membre de famille comme premier suppléant.
Lorsqu’on en arrive là dans un pays, la preuve est donnée que cette société n’est pas encore mûre pour la démocratie. C’est un royaume où l’on règne avec la famille. C’est une société où des autocrates se cachent derrière des titres tels que autorités morales, présidents fondateurs, etc.
Même l’Université qui, autrefois était une citadelle imprenable, est aujourd’hui gangrenée par la corruption et le favoritisme. On parle maintenant des points sexuellement transmissibles et des slogans du genre « les enfants d’abord » (entendez les enfants des professeurs).
Pour faire court, je voudrais, avant de donner quelques valeurs éthiques que nous, Congolais, avons appris à désapprendre, vous énumérer quelques antivaleurs qui minent l’homme congolais :
– Il y a cet égocentrisme qui fait que le Congolais place son égo au centre de tout et ne vise que son intérêt personnel et des siens. C’est ce nombrilisme qui fait que l’intérêt général passe au second plan par rapport à l’intérêt individuel.
– Le Congolais est aussi animé par un fort désir d’accaparement des biens publics pour son propre compte. C’est ainsi que de tout le patrimoine privé de l’État, il n’en reste qu’une portion congrue et cela, parce que la plupart des ministres qui en ont eu la gestion s’amusent à déclarer les immeubles et villas de l’État comme des biens sans maître pour finalement les vendre à vils prix.
– Il y a aussi la forte propension à l’enrichissement sans cause et rapide des dirigeants et de hauts fonctionnaires.
– Il y a encore ce repli identitaire qui amène le Congolais à recourir à sa tribu pour rechercher la protection de celle-ci lorsqu’il fait face aux conséquences de ses activités répréhensibles.
C’est toujours ce repli identitaire qui joue un rôle déterminant dans les nominations aux fonctions publiques des membres de sa tribu.
Le repli identitaire est une survivance des tares des sociétés primitives. Dans la société moderne, on est citoyens du monde.
– Enfin, les viols, les actes incestueux et pédophiles, le mensonge, l’escroquerie, les insultes faciles, la concupiscence, le manque de considération d’autrui et du respect spontané de la femme, le manque de pudeur au nom de la modernité et du progrès viennent compléter cette liste des tares intellectuelles et morales qui gangrènent la société congolaise.
Pour sortir de ce marasme éthique mortifère, il faut des hommes et des femmes d’action déterminés à relever les manches pour un travail en profondeur de moralisation de toutes les pratiques sociales et de la vie politique du pays.
Le respect de la parole donnée, le respect de l’autre qui ne pense pas comme nous, la simplicité, le sens de la beauté, la pudeur physique et animique, le silence, la serviabilité, l’exemplarité, la conviction, le sens du pardon, l’honnêteté, la maîtrise de soi, l’éducation, l’attachement au sol de la patrie, l’aspiration à un idéal, le souci de l’excellence, la recherche de l’harmonie ainsi que l’amour du prochain constituent un univers des valeurs que chaque Congolais doit intérioriser.
Le vécu de ces valeurs permettra d’arrêter tant soit peu cette régression morale générale qui fait des ravages dans notre cher pays.