Le Vice-premier ministre, ministre de l’Economie nationale, le professeur Daniel Mukoko, a-t-il vraiment compris la vision du président de la République Felix Tshisekedi, celle de la revanche du sol sur le sous-sol prônée il y a plus de deux ans ? Les agriculteurs et les experts du domaine agricole répondront vite par le négatif.
Non sans raison, car comme son prédécesseur Vital Kamerhe dont l’initiative d’aller chercher la farine du maïs en Zambie avait été sévèrement critiquée en mai 2023, le professeur d’Economie Daniel Samba Mukoko a emprunté le même mauvais chemin. En effet, au cours de la réunion du Conseil des ministres de ce vendredi 27 juillet 2024, il a présenté des mesures préventives urgentes qu’il préconise déjà pour juguler la crise du maïs dans le Grand Katanga et le Grand Kasaï pendant la période de soudure allant généralement d’octobre à mars de l’année suivante.
D’après le compte-rendu de cette réunion du Conseil des ministres fait par le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya, ces mesures consistent respectivement en : (a) L’encadrement d’un groupe d’entrepreneurs nationaux identifiés capables d’importer plus d’un million de tonnes du maïs et de la farine de maïs en leur faisant bénéficier des mesures d’allègement des taxes, impôts et autres redevances ; (b) La conclusion d’un accord gouvernemental avec le Zimbabwe pour le recours à brève échéance aux stocks disponibles dans ce pays en cas de pénurie grave dans certaines zones. Une mission est envisagée à cet effet ; (c) La confirmation de la mesure portant suspension de la perception de tous les droits, taxes et redevances à l’importation de ces produits allant jusqu’à décembre 2024 ; (d) Le renforcement des mesures d’encadrement existantes par notamment la maitrise du circuit d’importation et de distribution, l’évaluation des stocks, et le contrôle des prix à la consommation ; (e) La mise en place, en collaboration avec le ministère des Transports, voies de communication et désenclavement, avec la SNCC d’un programme précis pour l’acheminement des produits dans les zones concernées ; (f) L’instruction à donner aux gouvernements provinciaux de lever toutes les barrières et d’éviter toute forme de tracasserie et prélèvements illégaux.
Comme souvent dans la rhétorique des économistes, face à la récurrence de cette situation qu’il qualifie d’« inconfortable », le VPM Samba Mukoko promet que le Gouvernement œuvre en faveur des mesures durables. Selon lui, celles-ci doivent porter (Ndlr : mais ne portent pas encore) sur : a) La consolidation de la capacité des principaux fournisseurs de maïs et nouveaux fournisseurs congolais (producteurs et/importateurs) ; b) Les incitations à leur implication, avec l’appui des partenaires étrangers aux capacités avérées (Brésil, Afrique du Sud), dans les activités de production à grande échelle et de logistique (installation des silos et des entrepôts, minoteries) de stockage requise pour assurer une couverture totale du pays ; c) La mise en place d’un dispositif financier pour couvrir les investissements requis.
Cette proposition du VPM Daniel Samba Mukoko est faite au Gouvernement pendant qu’au ministère de l’Agriculture l’on prépare la campagne agricole pour saison culturale A 2024-2025 dans les hémisphères nord et sud du pays. A ce ministère, le sortant Me José Mpanda Kabangu (Ndlr : disons en passant que ce dernier avait catégoriquement refusé de faire partie de la délégation de Vital Kamerhe partie chercher de la farine en Zambie, estimant que c’était une grande humiliation pour lui en tant que ministre de l’Agriculture) qui était dans la logique de partenariat public-privé (PPP), seul atout pour relancer rapidement l’agriculture congolaise, y a laissé un nombre important des tracteurs et des intrants (engrais) en faveur des agriculteurs locaux regroupés en coopératives. Pourquoi ne pas encadrer ces derniers et les pousser à une production intense ? Pourquoi ne pas accorder des grandes faveurs aux grands agriculteurs comme Terra, Gocongo et autres Futuka qui disposent des grands espaces, ont des champs de maïs dans le Grand Katanga et ont actuellement la capacité de produire chacun plus de 20 mille tonnes de maïs grain en une seule récolte ?
Si le VPM Daniel Mukoko qui dit tenir à implémenter un nouveau modèle économique visant à réduire la dépendance vis-à-vis de l’importation du maïs, en collaboration avec un groupe de champions nationaux travaillant sur la chaine de valeur (agriculteurs, importateurs, fournisseurs d’intrants, centres de recherche, experts en logistique, commerçants, etc.), recourt en même temps aux importations aussi très importantes de plus d’un million de tonnes de maïs, ça perturbe sérieusement le savoir des experts du ministère de l’Agriculture qui sont convaincus que localement, si l’on a vraiment la volonté et l’on y met du sérieux, l’on peut produire plus ce million de tonnes de maïs.
Sans se voiler la face, la proposition du VPM Daniel Samba Mukoko d’importer du maïs offusque le ministre d’Etat, ministre de l’Agriculture Grégoire Mutshayi, décourage et met en mal la vision de la revanche du sol sur le sous-sol prônée par le président de la République.