Initialement prévue pour le lundi 22 juillet 2024, la reprise du procès Bukanga Lonzo devra attendre encore trois mois et demi. D’après une ordonnance de renvoi publiée le même lundi, la Cour constitutionnelle a annoncé avoir renvoyé au 11 novembre 2024, à 10 heures, la prochaine audience dans l’affaire de détournement présumé des fonds destinés au parc agro- industriel de Bukanga Lonzo qui implique l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo, actuellement député national.
Le président de la Haute Cour, Dieudonné Kamuleta, a justifié cette décision notamment par la demande du prévenu Christo Stephanus Grobler, pour motif de santé. Ensuite, l’ordonnance évoque le changement à venir dans la composition des membres devant siéger.
Du coup, ce procès Bukanga Lonzo qui va de report en report pour diverses raisons, commence à avoir d’autres d’interprétations dans l’opinion. Les deux derniers reports remontent au 13 novembre 2023 et au 18 mars 2024, respectivement suite à la présentation par les avocats de Matata Ponyo d’un rapport médical sollicitant un repos médical et à l’examen des contentieux des résultats provisoires des législatives nationales. A cette allure, l’opinion présage déjà et sans doute la fin en eau-de-boudin de ce procès annoncé avec fracas.
D’ailleurs, au sujet de la débâcle du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, Maître Carlos Ngwapitshi, masterant en Criminologie économique et environnementale, mais aussi expert en Droit Ohada dans le domaine de recouvrement des créances et en intervention criminologique, a écrit un livre de 445 pages pour analyser les responsabilités et le choix de la justice pénale.
Dans ce livre, l’auteur relève que le « pénalocentrisme ayant fixé la justice pénale sur les poursuites contre les protagonistes sélectionnés de ce projet, semble avoir discrédité cette dernière aux yeux de la population, du fait de tout le juridisme à la base du va et vient entre les plus hautes juridictions de la République. Bon gré malgré, la justice pénale donne l’impression de verser dans un acharnement punitif comme si elle était un instrument manipulable à la solde des acteurs politiques, capable uniquement de diviser au lieu d’unir autour des enjeux plus cruciaux comme la relance du projet du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo pour tenter de nouveau d’atteindre les objectifs de l’autosuffisance alimentaire et du développement rural ».
Maître Carlos Ngwapitshi prête ainsi sa voix aux abolitionnistes et plaide pour la nécessité d’innover courageusement dans la gestion de la criminalité économique et financière sans s’enfermer dans l’archaïsme d’une justice pénale coloniale décontextualisée par rapport aux exigences du développement économique du pays.
Face à la controverse qu’a connue, mieux que connaît le procès Bukanga Lonzo, l’avocat invite à repenser courageusement le modèle de la justice congolaise face à la criminalité économique et financière, déconstruisant la justice pénale coloniale pour la construire autour des formes de justice de rencontre entre les prétendus fautifs et la victime, en l’espèce l’Etat congolais, agissant par le ministère de la Justice à travers les offices des parquets, pour négocier les restitutions dues au Trésor public, en échange des poursuites pénales, soumises de surcroit, au principe politique de l’appréciation de l’opportunité des poursuites.
Un livre vraiment recommandé à lire d’un avocat qui a réussi à extirper l’ancien ministre délégué des Finances, Patrice Kitebi, de ce procès sur la débâcle du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo.