Retrait de la Monusco du Sud-Kivu : 22 ans de la poudre aux yeux !

Tribune de Badin Wetu.

C’est une cérémonie présidée, mardi 25 juin 2024 à Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, par la première ministre Judith Suminwa Tuluka : le retrait de la Mission des nations unies pour la stabilité du Congo (Monusco) de cette province ce, après 22 ans de présence.

Ce retrait progressif exigé par le Gouvernement congolais, intervient après de celles de Kananga (Kasaï central), Mbandaka (Equateur), Kindu (Maniema), Kisangani (Tshopo), Mbuji-Mayi (Kasaï oriental), Matadi (Kongo central), Kalemie (Tanganyika) et Lubumbashi (Haut-Katanga) où la Monusco avait des bureaux et des bases militaires. Elle reste présentement opérationnelle au Nord-Kivu, en Ituri et à Kinshasa.

La cheffe de cette mission onusienne, Bitou Keita, l’une de moins performants de représentants spéciaux du secrétaire général de l’Onu (RSSG) que la Monusco ait connue depuis 1999, n’a pas manqué d’évoquer un bilan élogieux de 22 ans de son institution au Sud-Kivu, parlant  d’une protection physique directe à plus de 3 millions de personnes ; d’une démobilisation de plus de 4 600 combattants et enfants associés aux groupes armés ; d’une collecte et destruction de plus de 44 000 munitions et explosifs.

Bitou Keita a aussi épinglé le rôle important joué par la Monusco dans les processus électoraux en transportant 30.000 Kg de matériel électoral dans les circonscriptions électorales lors des élections présidentielles de l’année dernière.

Ce bilan élogieux, selon elle, est pourtant jugé mitigé par plusieurs analystes qui n’y voient que de la poudre aux yeux des Congolais, estimant que de la Monuc à la Monusco, c’est du bonnet blanc et blanc bonnet. Elle est venue pendant que le Rwanda via le RCD/Goma occupait une partie de l’Est de la RDC, elle part plus de 20 ans laissant le même Rwanda occuper une partie de l’Est de la RDC via le M23, qui n’est qu’une ramification du RCD/Goma.

La Monuc, avec un mandat d’interposition, n’a été plutôt qu’observatrice et compteuse des morts, surtout les morts civils dans le camp de la République. On a même dit à l’époque que cette mission de l’Onu faisait l’apologie des forces négatives dans l’Est de la RDC. Mais comme action, rien à mettre dans l’actif de la Monuc, sinon que certains casques bleus ont été auteurs des violences faites aux femmes ; et d’autres comme contrebandiers des minerais sous le label ONU. Des images ont circulé sur les réseaux, montrant le petit porteur MONUC distribuer ce qui s’apparentait à de la nourriture aux hommes de Kundabatware, leader du CNDP, parent de l’actuel M23. « No Kunda, no job » fut retenu d’eux comme slogan de leur affairisme.

Le changement de mandat de la Monuc en devenant Monusco n’a été que théorique : mandat offensif. Juste de la poudre aux yeux ; car on a vu des vidéos montrant les éléments du M23 en progression sur terrain sous l’œil observateur des éléments de la Monusco lourdement armés. Qu’est-ce qui a manqué à ces éléments d’empêcher l’avancée du M23, pourtant qualifié de mouvement terroriste dans les rapports des experts des Nations unies ? Pourrait-on admettre qu’il y a eu mot d’ordre de laisser faire ? De la part de qui ?

Et lorsque les autorités congolaises, dans le nouveau dynamisme, tentent une nouvelle approche sécuritaire en faisant participer aux combats les Volontaires pour la Défense de la Patrie, et que ceux-ci réussissent à ralentir l’avancée des terroristes, la première personne qui crie c’est Antonio Guterres, secrétaire général de l’Onu, en déclarant que les Wazalendo sont une bombe à retardement…Mais ma foi ! Bombe contre qui ? Évidemment contre les multinationales occidentales dont le calendrier de pillage des ressources minières de la RDC est mis en mal par ces compatriotes, héros pour la République. La réaction de l’ambassadeur des USA au Conseil de sécurité de l’ONU en avril dernier, demandant à la RDC de cesser d’armer les Wazalendo prouve à suffisance à qui profitent les crimes dans l’Est de la RDC.

Sur terrain, lorsque ce sont les FARDC qui font bouger les lignes, c’est la France qui se réveille de sa sieste et crie à la désescalade. Mais quand le M23 grignote des villages, elle ne pipe mot. Sa condamnation du Rwanda a été arrachée presque de force, par la diplomatie offensive du régime Tshisekedi. Aucune sanction pourtant contre ce pays agresseur, qui aux yeux de la France passe pour meilleur exemple de gestion en Afrique centrale. Quelle insulte pour l’Afrique et les Africains ! Soit.

Mais il est de notoriété publique que lorsque les impérialistes applaudissent un leader africain, c’est que ce dernier servent leurs intérêts et non ceux du continent. On n’oubliera pas que c’est pendant l’agression que la France a proposé à l’Union européenne une aide militaire au Rwanda de l’ordre de 20 millions d’euros ; et c’est la même France qui avait présenté au Conseil de sécurité de l’Onu un projet de prorogation du régime de notification dont la RDC faisait objet avant tout achat de matériel militaire. Pourquoi se tromper sur le rôle que la France joue dans le pillage des ressources de la RDC ? Le discours hypocrite de son président n’est qu’un leurre.

À la demande de la RDC du retrait de la MONUSCO, celle-ci, après tergiversations, acceptera un retrait progressif jusqu’au 30 décembre 2024. Mais faudra- t-il partir et abandonner les très chères multinationales et leurs marionnettes pro rwandaises à leur triste sort ? Non; les précautions sont prises : la coïncidence entre la remise du camp Monusco de Kamanyola à la Police nationale congolaise et la chute de la cité de Rubaya, réputée en minerais, n’est pas un fait anodin. Pourquoi ne pas croire à une programmation ? Une façon de dire : « nous partons, mais nous vous laissons la manne ; gérez-la bien ». Ainsi, la Monusco peut partir, mais le Coltan de la RDC ne cessera jamais d’appartenir aux Occidentaux via leur valet rwandais, Paul Kagame, maître du M23/AFC.

Pendant ce temps dans la classe politique congolaise on constate trois catégories : celle de ceux qui dénoncent, fournissent d’effort pour maintenir les troupes en alerte et qui sont critiqués de ne rien faire. Cette catégorie a à la tête le chef de l’État, dont apparemment le seul soutien reste celui de son peuple.

Il y a la catégorie de ceux qui critiquent ceux qui tentent d’agir : ils ont des discours à décourager les troupes aux fronts ; ils parlent du salaire et du social des militaires pendant la guerre ; ils justifient ceux qui adhèrent à la rébellion par le non partage du gâteau, voire même ils adoptent le narratif de l’ennemi en considérant les Wazalendo comme force négative et admettent que le gouvernement congolais armerait les FDLR; ils ne sont pas contents de la levée du moratoire sur la peine de mort, car cela exposerait certains de leurs. Il y a ici le cardinal Ambongo et ses alliés vaincus aux élections. Ils condamnent le pouvoir et ne disent rien sur l’agresseur.

Enfin, il y a la catégorie de ceux qui ont choisi le silence : ils ne disent rien ; ne critiquent pas publiquement, ne dénoncent rien. C’est la catégorie la plus dangereuse, parce qu’elle ne donne pas sa position. Elle est chapeautée par l’ancien président de la République, Joseph Kabila. C’est tout de même curieux n’est-ce pas, quand on est chef d’État honoraire, et que la République qui prend en charge votre salaire, vos soins médicaux, vos déplacements… se trouve agressée, et que l’option qui vous paraisse la meilleure est de garder silence ? Même quand les membres de sa famille politique adhérent à la rébellion ? Mais qui ne dit mot à un mal y consent. 

Revenons à l’Onu. Son hypocrisie se trouve actuellement dans le narratif « solution politique » adopté par certains de ses membres, dont la France. Après avoir tenté en vain, d’entraîner les populations de l’Est de la RDC dans la logique de l’autodétermination, après avoir massacré les populations civiles, dans le but de créer une révolte contre le régime en place et les pousser à s’autodéterminer, massacres qui continuent jusqu’à ce jour, le Rwanda et ses supplétifs ne se focaliseraient désormais que sur ces maitres-mots : solution politique !

En acceptant la solution politique, la RDC se retrouvera dans un piège où la solution à deux Etats sera la seule option qui sera proposée comme panacée à l’insécurité dans l’Est du pays. Cela a eu lieu au conseil de sécurité de l’ONU où, pour mettre fin à la guerre entre l’État d’Israël et la Palestine, la solution à deux Etats a été adoptée. S’ils ne l’ont pas appliquée, c’est parce qu’elle ne plaît pas aux Américains, alliés traditionnels d’Israël. Mais dans le cas de la RDC, à qui cette solution ne pourrait-elle pas plaire parmi les puissances occidentales avides des ressources minières du Grand Kivu ? On ne voit pas ! L’histoire de la colonisation nous renseigne que lorsque le colon installe un chef à la tête d’un Etat, cela lui donne un feu vert pour l’exploitation de son sous-sol.

La Monusco se retire progressivement, comme elle est venue. Sa mission n’a été en réalité qu’un passe-temps, un somnifère aux efforts de la République à se prendre en charge. Quel est aujourd’hui le bilan de cette mission, la plus longue et la plus coûteuse que l’Onu ait jamais eue ? Les petites réalisations énumérées par Bintou Keita ? Pour une mission de la grande Onu, c’est une honte qui fait voiler la face même aux anges. Venue stabiliser, elle part sans rien stabiliser. Mais au contraire laisse derrière elle un nombre de groupes armés multiplié par 50 par rapport à ceux qu’elle avait trouvés sur terrain à son déploiement, et un pillage systématique des minerais congolais comme jamais auparavant. Sacrée Monusco !

Le peuple Congolais demeure le seul à décider du destin de son pays. On ne divise pas une nation contre la volonté de son peuple. Les exemples du Soudan et de la Libye devraient nous inspirer. Ces pays ne sont pas à bout de leurs souffrances après leur balkanisation (formalisée pour le premier, et à formaliser pour le second). Donc, la vigilance doit être de mise côté services de sécurité et de défense, car on connaît le mode opératoire. Comme la Munisma, Mission des Nations-Unies pour la Stabilité du Mali, ces onusiens pourraient tenter de transférer en partant leurs bases aux terroristes, pour permettre à ceux-ci de multiplier les actions négatives, et ainsi donner l’impression au public que leur retrait était une mauvaise option. Réveillons-nous !

  • Bendélé Ekweya té

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