Le premier président de la Cour des comptes, Jimmy Munganga Ngware, a rendu public, ce lundi 20 mai 2024, le rapport d’audit sur les recettes judiciaires réalisées par les cours et tribunaux et parquets y attachés, ainsi que par la Police nationale congolaise, mais aussi par certains services d’assiette relevant du ministère de la Justice et garde des sceaux dans la ville de Kinshasa. Cet audit lancé depuis l’année dernière a concerné 43 entités.
Devant la presse, Jimmy Munganga n’a pas manqué de déplorer ouvertement l’utilisation à mauvais escient des recettes perçues dans les différentes entités auditées.
« Alors que sous d’autres cieux, le secteur de la justice figure parmi les gros pourvoyeurs des recettes budgétaires, le contrôle par la Cour des comptes de l’exécution des lois de finances a révélé que la part des recettes provenant du secteur de la justice dans les revenus encadrés par la Direction Générale des Recettes Administratives, Domaniales et de Participation (DGRAD) est dérisoire. La part des recettes judiciaires par rapport aux recettes hors pétroliers producteurs encadrées par la DGRAD n’ont été que de 3,88 % en 2019, 3,59 % en 2020, 1,76 % en 2021 et de 1,58 en 2022 », a révélé le premier président de la Cour des comptes.
Concernant les cours, tribunaux et parquets, les auditeurs de la Cour des comptes ont constaté la perception faite des mains des requérants ainsi que la détention des frais de justice par des personnes non habilitées (magistrats, greffiers, secrétaires et préposés des services d’assiette relevant du ministère de la Justice et garde des sceaux) pour les reverser plus tard auprès des intervenants financiers et ce, en violation de l’Ordonnance-loi n° 13/003 du 23 février 2013 portant réforme des procédures relatives à l’assiette, au contrôle et aux modalités de recouvrement des recettes non fiscales qui a abrogé les dispositions des Codes de procédure civile et pénale en la matière.
Ils ont aussi constaté dans ces cours, tribunaux et parquets, l’absence des ordonnateurs de la DGRAD dans bon nombre des services d’assiette ; l’application systématique par le magistrat instructeur du taux minimum de 20 dollars sur un maximum de 1.000 dollars quels que soient la gravité des faits et le rang social de l’inculpé, à l’occasion de la fixation des taux des amendes transactionnelles et des cautionnements de mise en liberté provisoire.
Pire, le rapport de la Cour des comptes révèle non seulement qu’une grande partie des recettes perçues est consommée à la source au motif que les entités ne bénéficient ni de frais de fonctionnement, ni de la rétrocession sur les recettes réalisées, mais aussi que le versement de la prime de rétrocession est fait à des individus en lieu et place des services d’assiette.
Les auditeurs de la Cour des comptes ont découvert, outre des faux bordereaux de versement émis à partir de nombreux comptes non reconnus par l’intermédiaire financier qu’est la Rawbank pour justifier les paiements des frais de justice, des ruptures récurrentes des séries dans l’établissement des notes de perception. Ce qui, d’après eux, correspond au coulage d’importantes recettes non canalisées vers le Trésor public et à l’utilisation des notes de perception parallèles.
Les pratiques similaires ont été aussi constatées au niveau des services d’assiette du ministère de la Justice et garde des sceaux et de la police nationale congolaise où la caisse de l’Etat est très confondue à la poche des individus, où l’argent perçu au nom de l’Etat est versé dans des comptes privés et où la concussion et la minorisation des recettes règnent en maître.
Fort de ce tableau sombre, le président de la Cour des comptes envisage la poursuite devant la Chambre de discipline budgétaire de tous les auteurs de fautes de gestion relevées. Aussi, Jimmy Munganga, adressera des référés aux autorités hiérarchiques des personnes mises en cause afin d’obtenir d’elles des sanctions disciplinaires conséquentes.
En plus, il recommande la tenue d’une rencontre au sommet entre le président du Conseil supérieur de la Magistrature, le ministre en charge de la Justice, le ministre des Finances, le Commissaire général de la Police nationale congolaise et lui-même en vue de mettre en place des dispositifs efficaces. Il recommande également la transmission aux cours et tribunaux de l’ordre judiciaire des dossiers des infractions pénales relevées, notamment les cas des détournements des deniers publics et des faux et usages de faux. La Cour des comptes envisage lancer prochainement une mission d’audit sur les recettes judiciaires, mais cette fois-ci en provinces.