RDC : Encore une tentative de dédollarisation de l’économie congolaise ! Est-ce la bonne cette fois-ci ?

A la 129ème réunion du Conseil des ministres du vendredi 15 mars dernier, le Gouvernement congolais a décidé que tous les droits, taxes, redevances et factures des entreprises et établissements publics doivent être payés en Franc congolais dès le 1er avril prochain. Cette décision est intervenue après l’examen du cadre macroéconomique.

D’après le compte-rendu fait par le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya Katembwe, cette décision découle du fait que la situation sur le marché des changes nécessite une politique monétaire restrictive devant contribuer à l’appréciation du Franc congolais par rapport au dollar américain.

Il est donc question d’appliquer notamment les mesures relatives à l’obligation de payer les droits, taxes, redevances et factures des entreprises et services publics en Franc congolais à partir du 1er avril 2024 y compris l’installation des terminaux dans les supermarchés. Il a été également décidé de la poursuite du processus de dédollarisation de l’économie nationale ; la poursuite de la politique de diversification de l’économique nationale et la finalisation des réformes entreprises par la Banque centrale du Congo (BCC) en matière de paiement.

« Dans cet élan, pour contenir les pressions macroéconomiques actuelles, la poursuite d’une politique budgétaire prudentielle pour préserver la viabilité budgétaire et la qualité des dépenses publiques s’impose. Le Gouvernement s’emploie à rationaliser ses dépenses en priorisant les dépenses sociales incompressibles afin de préserver le pouvoir d’achat de la population, d’une part et d’autre part, les dépenses sécuritaires et de souveraineté pour imposer l’autorité de l’Etat dans la partie orientale du pays », mentionne Patrick Muyaya dans son compte-rendu.

Une énième décision…

Il y a lieu de rappeler que ce n’est pas la première fois que le gouvernement tente d’imposer tous les paiements en Francs congolais sur l’ensemble du pays où le dollar américain fait véritablement la loi. En effet, dominée par le dollar américain depuis la dualité entre l’ancien et le nouveau zaïre sous Mobutu avec comme conséquence l’hyperinflation à quatre chiffres, l’économie congolaise a du mal à se libérer de l’emprise de cette monnaie étrangère considérée comme un refuge garanti face l’inflation. La majorité des transactions commerciales et autres paiements mêmes les plus simples comme le loyer et la dot, se font obligatoirement en cette devise sous l’impuissance de plusieurs gouvernements qui se sont succédé. Situation que ne connaissent pas beaucoup de pays d’Afrique, voire ceux voisins directs de la RDC.

Malgré que le pays se soit engagé depuis 2001 dans un processus de dédollarisation de l’économie, il n’y parvient toujours pas. Aujourd’hui donneur de leçons de bonne gouvernance, Augustin Matata Ponyo alors premier ministre, avait annoncé avec pompe cette opération de dédollarisation de l’économie pour fin septembre 2014 et avait nourri beaucoup d’espoirs surtout avec la bancarisation de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat. Mais ce n’était qu’un leurre.

Non sans raison, car Augustin Matata Ponyo est parti fin 2016, laissant, non seulement 90% des dépôts dans des banques commerciales s’effectuer en dollar et 95% des crédits accordés par ces banques également libellés en dollar, mais également des transactions commerciales s’effectuer fortement en cette monnaie américaine sans aucun respect des mesures éditées par son gouvernement.

A l’arrivée de Bruno Tshibala comme premier ministre en 2017, il a fait un beau rêve de déclarer la guerre, selon ses propres propos, à l’empereur dollar américain qui était à 1.550FC, promettant de le ramener à 1.000FC.   Malheureusement, il n’avait pas d’artilleries lourdes pour cette guerre. Brutshi est parti aussi comme Matata Ponyo, en mai 2019, sans vaincre l’empereur dollar qui avait déjà atteint 1.690FC, sans rétablir son statut d’instrument de souveraineté.

Le gouvernement Sama Lukonde a vu le dollar partir de 2.000 jusqu’à 2.750FC aujourd’hui. Bien que le président Tshisekedi ait appelé, début août 2021, à une réflexion profonde pour faire du franc congolais une monnaie forte et stable, le combat est encore rude pour parvenir à interdire la circulation parallèle des autres monnaies étrangères comme il se passe dans beaucoup de pays, pour permettre au Franc congolais de retrouver ses fonctions essentielles.

Les membres du Gouvernement, pour la plupart sont les responsables de la faiblesse de la monnaie locale, car souhaitant avoir dans les poches de leurs vestes les billets verts que ceux nationaux. A la réception des frais de fonctionnement des ministères en Francs congolais, la majorité des ministres se précipitent de les échanger vite en dollar américain auprès des cambistes qui, eux-mêmes opèrent illégalement aux coins des avenues sans agrément de la Banque centrale du Congo (BCC).

Quand les ambassades occidentales sabotent le FC, les banques commerciales imposent leur loi

La moindre valeur que les officiels congolais ont accordée à leur propre monnaie a fait que, que ce soit pour le visa Schengen que pour celui des Etats-Unis, le paiement s’effectue obligatoirement en devise étrangère.

A la Maison Schengen par exemple, c’est l’euro qui est exigé tandis que pour les Etats-Unis et d’autres pays non de l’espace Schengen, c’est le dollar. Le paiement équivalent en monnaie locale n’est nullement accepté même au taux élevé. Autrement dit, le pauvre FC est indésirable, saboté, malmené dans son propre pays au guichet des ambassades sans que les autorités congolaises compétentes ne réagissent.

Or, dans les pays de l’Union européenne, aucune transaction ne peut s’effectuer en une autre monnaie que l’euro. Pas même l’empereur dollar n’a de place ni de considération dans cet espace Schengen. Tout détenteur de cette devise américaine est obligé de passer par une maison de change dûment agréée pour se procurer l’euro. Vice-versa aux Etats-Unis lorsque l’on dispose d’euros.

Pourquoi cette discipline monétaire, le gouvernement congolais ne peut-il pas l’imposer à travers le Vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères, aux ambassades basées à Kinshasa lorsqu’il s’agit de payer les frais de visa ? Voilà une colonisation monétaire à laquelle il faut vite s’attaquer.

Pire, les banques commerciales sont dans cette même logique de déconsidération de la monnaie locale. Elles préfèrent accorder des prêts en dollar qu’en FC. Le peu de fois qu’elles le font, c’est à un taux de change très supérieur au taux du jour.

Certaines banques comme la FBNBank commencent, lors de la paie des agents et fonctionnaires de l’Etat, à contraindre ces derniers à prendre les dollars alors qu’ils sont payés en FC. Et ce qui est illogique dans cette opération, ce que, la FBNBank par exemple, à la paie pour le mois de juillet 2023 par exemple, avait fixé 1 USD à 2.575FC alors que dans la cité, la monnaie américaine se changeait à 2.400FC. Donc, dans cette opération, le fonctionnaire qui accepte de prendre son salaire en dollar au taux de 2.575FC, perdait 17.500 FC par billet de 100 USD lorsqu’il voudrait reconvertir son salaire en FC pour l’utilisation sur le marché. Une perte énorme que l’autorité monétaire congolaise devra éviter aux pauvres fonctionnaires parce que ça se répète souvent lors de la paie des salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat, en rappelant aux banques commerciales de respecter la réglementation en la matière, voire sanctionner les récalcitrants.

Avec cette nouvelle tentative, l’on espère voir le loyer, la garantie locative, la dot et autres paiements auprès des ambassades se faire en Francs. On peut beau critiquer le régime de Kagame, mais au Rwanda aucune transaction se s’effectue en monnaie étrangère. Le faire chez nous, ce n’est pas de la magie, il faut laisser seulement la force à la loi.

  • Bendélé Ekweya té

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