ISC et UPN : Le contrôle de l’IGF décèle une gestion calamiteuse

Les missions de l’Inspection générale des finances (IGF) ont été dépêchées à l’Institut supérieur de commerce, actuelle Haute école de commerce de Kinshasa (HECK) et à l’Université pédagogique nationale (UPN), pour un contrôle de gestion de ces deux établissements d’enseignement supérieur publics.

Pour l’ex-ISC, le contrôle a couvert la période allant de 2013 à mai 2023, tandis que pour l’UPN, cette période est partie de 2015 à mai 2023. Conclusion générale pour les deux : mauvaise gestion impliquant plusieurs comités de gestion, y compris ceux actuellement en place.

S’agissant de l’ex-ISC, les inspecteurs de l’IGF ont noté :

– la violation délibérée des dispositions légales et règlementaires en général, et du règlement financier de l’enseignement supérieur et universitaire de septembre 2013 pris par l’Autorité de tutelle en particulier, relatives à l’organisation comptable, notamment la prescription règlementaire de 10 ans en ce qui concerne la conservation des pièces justificatives des opérations comptables des recettes et dépenses publiques ;

– le manque de redevabilité dans le chef des mandataires avec comme conséquences, la légèreté et les abus dans la gestion de l’ISC, matérialisés par le sabotage et la soustraction des pièces justificatives des opérations comptables des recettes et dépenses publiques initiées par eux-mêmes ;

– la prise des décisions de gestion illégales et irrationnelles en ce qui concerne l’engagement de nouvelles unités ;

– l’octroi abusif des primes et collations à une catégorie du personnel dans l’exécution des tâches relatives à leurs fonctions et ce, en violation des textes règlementaires qui n’autorisent que les indemnités de transport ;

– l’incapacité de justifier la collecte de l’utilisation des ressources, suivant les instructions académiques y afférentes, renseignées dans les différents rapports annuels de l’ISC-KIN traduisant des pratiques comptables abusives et manipulatoires ;

– l’incapacité de fournir les soubassements relatifs à la comptabilisation dans les livres comptables de l’ISC des dépenses totales de CDF 34.587.785.748 et d’USD 12.088.547 effectuées par banque, ainsi que les pièces justificatives desdites dépenses. Cette incapacité peut justifier une présomption de détournement ;

– l’utilisation de manque à gagner de CDF 440.981.912 aux présumées dépenses (remboursement de crédit pour CDF 230.000.000, etc..) autres que celles de rémunération du personnel sans associer la délégation syndicale et ce, en violation de la demande de l’Autorité de tutelle, qui peut justifier une présomption de détournement ;

– l’absence de pièces justificatives de certaines dépenses courantes pour les montants totaux de CDF 14.782.998.417 et USD 662.155 qui peut justifier une présomption de détournement ;

– l’absence d’acquits libératoires relatifs aux présumés paiements de certaines primes pour un montant total de CDF 10.361.600.644 ;

– la violation du règlement financier de l’enseignement supérieur et universitaire du fait d’avoir contracté les emprunts bancaires pour un montant total de CDF 1.263.032.400 sans autorisation préalable de la tutelle ;

– la violation délibérée des dispositions légales en vigueur en ce qui concerne les retenues et reversements des IPR correspondant aux dépenses de rémunérations de CDF 31.177.109.755 de la période allant de septembre 2016 à août 2022, dans la mesure où la prime générale dite « FOCAS », telle que payée à ce jour, ne représente pas une indemnité de transport au sens de l’article 47 de l’ordonnance-loi 69/009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus ;

– l’absence de rapports annuels et de pièces justificatives relatifs à l’utilisation des quotités des frais d’études et connexes affectés aux infrastructures et outil informatique dressés et transmis à l’autorité de tutelle et ce, en violation des instructions académiques ;  et

– l’empiètement des prérogatives de la tutelle par la signature des concessions et partenariats avec les universités étrangères notamment les partenariats ISC-ULIEGE et ISC-ENGDE ainsi que le partenariat ISC-Mutuelle de santé LISUNGI, sans approbation de la tutelle en ce qui concerne les modalités pratiques d’exécution de ces contrats, avec comme conséquence le détournement de pouvoir et des recettes dont le montant total de USD 1.259.486 relatif au Master ISC-ULIEGE, retracé sur le seul compte bancaire que l’Equipe de contrôle a pu obtenir.

Quant à l’UPN, la mauvaise gestion décelée par les inspecteurs de l’IGF se matérialise, notamment par les faits ci-après :

– Non déclaration et non-paiement des impôts dus à l’Etat sur toutes les primes et collations payées aux Cadres et Agents de l’UPN, primes et collations du reste octroyées même pour des tâches régulières et normales qui rentrent dans les attributions du personnel ;

– Non-paiement des quotités dues au Trésor Public (DGRAD) sur les frais de diplôme dont le montant total s’élève à 190.225 USD pour l’année académique 2021-2022 ;

– Fragmentation de la gestion financière de l’Université caractérisée par la multiplicité des points de perception (caisses parallèles) des frais illégaux au niveau des facultés et départements, dont la gestion échappe totalement au Comité de gestion ;

– Mise en veilleuse de la Direction de l’Audit interne dont le dernier rapport de mission remonte à 2020 ;

– Non-comptabilisation de 25% des recettes mobilisées par l’Université au cours de l’année académique 2021-2022 et qui sont consommées à la source pour un montant total de 7.470.724.245 CDF ;

– Minoration des effectifs des étudiants régulièrement inscrits sur les listes officielles de l’Université, dégageant un écart de 2.502 étudiants ayant payé les frais académiques mais non pris en compte pour l’année académique 2021-2022. Cette minoration des effectifs a eu comme conséquence, le non-paiement des quotités sur les frais d’inscription et de minerval dues aux entités externes à l’UPN, prévues dans les instructions académiques pour un montant total de 617.000.000 CDF ;

– Sorties des fonds du compte n° 2042086876093 de la FBN Bank non justifiées pour un montant total de 5.156.396.114 CDF ;

– Perception des frais illégaux non prévus ni dans la loi et ni dans les textes réglementaires pour un montant total de 2.418.867.673 CDF, ceci démontre à suffisance le non-suivi et le non-contrôle des Universités et Instituts Supérieurs par les Services du Ministère de l’ESU, d’où dérapages constatés dans la perception de certains frais illégaux ;

– Paiements des avantages indus en faveur des membres du Comité de Gestion pour un montant total de 537.353.180 CDF, comprenant, notamment, les frais d’installation et les frais du troisième cycle ;

– Négligence coupable des différents Comités de Gestion de l’UPN dans le suivi du prêt de 1.000.000 USD contracté auprès d’Afriland First Bank et destiné à la construction des bâtiments en définitive démolis pour malfaçons. La gestion opaque de ce prêt a conduit l’UPN à signer un acte transactionnel de 1.600.523 USD dont 800.000 USD ont déjà été payés ;

– Signature d’un contrat de construction entre l’UPN et J.SEL Matériaux d’un montant de 5.058.707,69 USD pour la construction des auditoires en violation flagrante de la loi relative aux marchés publics et en marge de l’article 6 de l’Ordonnance n° 16/071 du 29 septembre 2016 portant organisation et fonctionnement des organes d’administration de l’ESU exigeant l’autorisation préalable de la tutelle pour ce qui concerne les emprunts à plus d’un an de terme ;

– Non-rétrocession des quotités des frais de fonctionnement dues aux entités internes de l’Université pour un montant total de 6.588.397.695 CDF. Cette situation a mis en péril le fonctionnement harmonieux de l’ensemble des départements et facultés de l’Université ;

– Plusieurs sorties des fonds non appuyées par des pièces justificatives pour un montant total de 510.998.182 CDF et 1.211.260 USD ; – Augmentation de la prime COGIT (indemnités de transport), sans études préalables de faisabilité, faisant passer celle-ci de 1.451.184.900 CDF (première tranche) à 1.866.033.000 CDF (cinquième tranche) pour tout le personnel (soit une augmentation de 28%), sans prévoir pour autant les ressources additionnelles nécessaires pour y faire face. Ce qui a mis l’UPN en difficultés de trésorerie occasionnant ainsi des impaiements au-delà de la cinquième tranche et créant aussi des remous au sein de l’Institution ;

– Mauvaise allocation des ressources financières provenant de la COGIT caractérisée par des disparités criantes entre les montants exorbitants octroyés aux membres de la coordination et supervision au titre de prime de structure (plus ou moins 6.000.000 CDF par membre et par tranche) et ceux octroyés à l’ensemble du personnel (plus ou moins 400.000 CDF par membre) ;

– Absence d’un barème de rémunération approuvé par la tutelle pour les membres du Comité de Gestion, alors que l’article 39 de l’Ordonnance n° 16/071 du 29 septembre 2016 portant organisation et fonctionnement des organes d’administration de l’ESU précise que « les membres du Comité de Gestion des Etablissements Publics de l’Enseignement Supérieur et Universitaire ont droit à une rémunération conséquente fixée par le Gouvernement sur proposition du Ministre ayant l’Enseignement dans ses attributions » ;

– Violation par le Ministre de l’ESU des dispositions relatives aux articles 48 de l’Ordonnance n° 16/071 du 29 septembre 2016 portant organisation et fonctionnement des organes d’administration de l’ESU et 221 de la Loi n° 18/038 du 29 décembre 2018 portant statut du personnel de l’Enseignement Supérieur, Universitaire et de la Recherche Scientifique qui précisent que « l’Administrateur du Budget est nommé par le Ministre ayant l’Enseignement Supérieur dans ses attributions, parmi les membres du personnel administratif de commandement titulaire d’un diplôme de deuxième cycle et justifiant d’une expérience d’au moins trois ans dans l’administration des finances publiques des services publics ou de l’ESU » ;

– En ce qui concerne le mandat du Recteur ou du Directeur Général, violation également par le Ministre de l’ESU des dispositions de l’article 42 de l’Ordonnance n° 16/071 du 29 septembre 2016 portant organisation et fonctionnement des organes d’administration de l’ESU qui stipule que « le Recteur ou le Directeur Général des Etablissements publics sont élus par leurs pairs, en tenant compte de la parité, pour un mandat de quatre (4) ans renouvelables une fois. Ils sont investis par le Président de la République. Les modalités d’élection du Recteur et du Directeur Général sont déterminées par voie d’Arrêté ministériel » ; ce qui n’a pas été le cas et pour l’UPN et pour les autres Institutions d’Enseignement Supérieur et Universitaire.

En conclusion, les inspecteurs de l’IGF recommandent l’engagement des poursuites judiciaires à l’endroit des anciens directeurs généraux pour présomption de détournement de pouvoir et des deniers publics.

A l’UNP, est recommandée, non seulement la suspension de tous les membres du comité de gestion, mais aussi la saisine de la Justice aux fins de l’interpellation du Recteur, de l’Administrateur du Budget ainsi que tous les autres membres du comité de gestion impliqués dans cette mauvaise gestion des deniers publics afin d’en tirer toutes les conséquences légales sur leurs comportements indélicats.

D’autres recommandations sont formulées allant dans le sens d’encadrement désormais de la gestion de ces deux établissements par les inspecteurs des finances en vue d’éviter la prédation des finances.

  • Bendélé Ekweya té

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