Conflit tribal dans le territoire d’Ilebo : Un appel à la paix, la concorde et la tolérance !

Par L’abbé Sylvain TEMBWE MIANA (Prêtre du diocèse de Mweka)

De prime abord, disons tout de suite qu’on assiste ce dernier temps à des escalades verbales et des échanges très discourtois des paroles sur les réseaux sociaux et dans les médias concernant le vivre ensemble dans le territoire d’Ilebo.

En marge des élections présidentielle, législatives, provinciales et locales prévues le 20 Décembre 2023, plusieurs candidatures sont enregistrées à l’antenne de la Ceni/d’Ilebo.

Le 13 octobre 2023, une marche de contestation a été organisée par les membres de l’une des communautés vivant à Ilebo (les bashi leele). Cette tribu revendique depuis quelques années être la tribu majoritaire et autochtone du territoire d’Ilebo.

La principale revendication de ce jour du 13 octobre 2023 porte sur la non représentation de leurs membres de tribu bashi leele dans la composition de l’équipe des membres de l’antenne Ceni/Ilebo. Cette marche a été dispersée par les services de l’ordre.

En effet, disons que la Ceni est une institution d’appui à la démocratie en charge du processus électoral en R.D. Congo. Cet organe est aussi technique et par conséquent, les postes à pourvoir requièrent compétences et donc ne relèvent pas d’un quota tribal.

Cet article n’a pas pour objectif de faire le débat sur les soi-disant originaires, autochtones ou tribu majoritaire du territoire d’Ilebo. Ce débat peut être fait ailleurs sur des plateformes attitrées. Il est ici question d’un appel au calme, à la retenue et à la tolérance pour un vivre ensemble entre différentes communautés vivant sur le territoire d’Ilebo !

Nous invitons les gestionnaires des médias locaux émettant à Ilebo ainsi que les acteurs politiques, de s’abstenir des propos désobligeants et des appels à la violence pré-électorale et post-électorale. Nous avons reçu des messages écrits et audios appelant à la violence et à l’incivisme. Nous exigeons qu’une enquête soit diligentée et que les auteurs de ces actes et propos soient jugés publiquement et condamnés à des peines assorties. (Dura lex, sed lex). Que soient recherchés, appréhendés et déférés devant des tribunaux tous ceux qui se livrent à des appels à la violence. Le ministère public devra s’en saisir sans délais.

Ilebo a son histoire que personne ne peut falsifier aujourd’hui à cause des intérêts politiques. Ilebo est situé où il a toujours été et y restera terre d’accueil, terre solidaire. Le fait que le siège de territoire ait été déplacé par l’administration coloniale de Basongo à Ilebo pour des raisons d’enclavements ne veut pas dire que le lieu était désert.

Le chef-lieu de la province du Kasayi à l’époque a été aussi transféré de Lusambo à Luluabourg et à d’autres endroits aussi à travers le pays. Ilebo était une cité extra-coutumière habitée par les Bakele depuis des lustres et dépendant directement du Roi des Bakuba dans la chefferie portant le même nom.

Le fait de se réclamer majoritaire et/ou autochtone ne donne aucun droit plus que les autres et surtout pas d’appeler à la violence et à l’intolérance. D’ailleurs, le géopolitique a montré ses limites aujourd’hui car les filles et les fils dignes et ressortissant de x et y territoires n’ont toujours pas apporté des solutions pour le développement attendu à la base dans plusieurs cas de figure. Cette guéguerre à Ilebo aujourd’hui vise simplement un positionnement individuel et égoïste.

Je suis un fils d’Ilebo ! et je sais qu’on l’appelait « Port Francqui » par le colonisateur belge, alors que nos ancêtres l’appelait (Ilebo wa bisaabu, tshiala ngenda ya bukwa bisamba c’est-à-dire « Ilebo entouré des rivières ! cité accueillant les commerçants de toutes les tribus de partout », cela veut dire clairement : terre d’accueil et terre solidaire. En clair, depuis des décennies, les Bakele, les Bashi leele, les Bambouda, les Batshiokwe, les Balubas (du Kasayi oriental et occidental selon l’ancienne configuration, les Badekese, les Batetela, vivent ensemble et se fréquentent sans problème.

Toutes ces tribus s’y sont installées paisiblement grâce au climat des affaires très prospère et attrayant. Cela était favorisé par l’attitude pacifique de ceux qui ont été trouvés là au moment de déplacement du chef-lieu du territoire (les Bakele) et la nature avec ses rivières forêts et savanes : Kasayi, Sankuru, Lutshuadi et le chemin de fer partant de Lubumbashi à Ilebo et un aérodrome y compris la route nationale 4 qui passe de Kananga à Ilebo via Kakenge, Mweka, Domiongo avant de traverser la rivière Kasayi vers Basongo, Dibaya, Kikwit où il y a la jonction avec la route nationale numéro 1.

L’une des conséquences logiques c’est que les mariages sont d’une mixité extraordinaire et tout le monde se trouve et se retrouve chez lui à Ilebo. Cette ville d’Ilebo est un carrefour au centre de la R.D. Congo, une cité mère qui rassemble tout le monde. Il suffit de se placer 10 minutes au rond-point Léopard, pour ceux qui connaissent, pour entendre des personnes parler en leurs langues comme ce fut le cas en Galilée. On y entend des gens s’exprimer librement en Tshiluba, Tshikele, Tshishi Leele, Thitshokwe, Tshindengese, Tshimbunda, Tshidinga, Tshiteetela, etc. et donc c’est ça la force et la joie de vivre à Ilebo appelé « petit kin » car le Lingala et le Kikongo y sont parlés aussi abondamment.

Nous fustigeons donc le comportement, les propos haineux et les attitudes qui visent à briser cette harmonie au nom des intérêts égoïstes et politiques trop personnels. Tous les enfants d’Ilebo, originaires ou pas ont le droit de vivre à Ilebo, de s’y installer et de vaquer à leurs occupations tranquillement. D’ailleurs c’est du droit constitutionnel dans notre pays la R.D. Congo. Le droit d’aller et de revenir et de s’installer où l’on veut et d’y exercer son activité. Personne ne peut piétiner, mater et maltraiter les autres au nom d’une quelconque majorité car tous égaux devant la loi.

Nous invitons, sans délais, à la cessation des propos haineux et arrogants et surtout les appels à la haine et la violence entre les peuples vivant à Ilebo. Tous ont le droit de postuler, de voter et de battre campagne partout. Celui qui s’hasardera à empêcher la libre circulation des enfants d’Ilebo chez eux rencontrera la justice sur son chemin ! un homme averti ! nous sommes dans un Etat de droit et qui dit Etat de droit dit justice.

En définitive, nous demandons à la Ceni de jouer son rôle d’arbitre en toute transparence et neutralité pour les élections à venir. Que les meilleurs d’entre nous qui ont un projet de société convainquant gagnent ou encore que ceux qui ont déjà des actions sociales et visibles pour le développement du territoire d’Ilebo soient portés plus haut pour le développement de notre Ilebo. Que les meilleurs d’entre nous, originaires ou pas œuvrent pour le développement de notre Ilebo avec notre bénédiction !

Que la Ceni donne déjà la cartographie de tous les bureaux de vote opérationnels. Que ces bureaux soient connus de tous et localisés. Que tous y aient accès et y déploient des témoins accrédités. Que les résultats soient affichés à l’issu du scrutin immédiatement.

Que cesse des intimidations et des appels à la violence et à la haine tribale.

Ilebo mérite mieux ! et que la paix et la concorde y règnent après ces élections ! nous voulons le développement, la justice et la paix et non la haine tribale !

  • Bendélé Ekweya té

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