Le programme volontariste agricole (PVA), on en parle moins que le parc agroindustriel de Bukanza qui a entrainé un procès dans les prochains jours contre l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo. Pourtant, c’est presque du bonnet blanc, blanc bonnet. Depuis trois ans, ce projet patoge.
En effet, initié par le gouvernement le 05 mai 2020 et placé sous la supervision du ministère de l’Agriculture pour booster la production agricole dans six provinces du pays, notamment à Nkudi dans le Kongo central, à Mongata dans la ville de Kinshasa, à Sakadi dans le Haut-Lomami, à Nkuadi dans le Kasaï oriental, à Lubandayi dans le Kasaï central et à Ruzizi dans le Sud-Kivu, le PVA est sous la gestion de la société Bio Agro Business, B.A.B en sigle. Mais l’acquisition des matériels agricoles, des intrants et le montage des minoteries et des infrastructures étaient, mieux sont le devoir contractuel de la société DEM du Belge Philippe de Moerloose qui a gagné le marché dans les conditions floues.
Né en 1967 à Watermael-Boitsfort, en Belgique, Philippe de Moerloose est arrivé à l’âge de 3 ans en République démocratique du Congo (ex-Zaïre), plus précisément dans la province du Katanga, où il passera son enfance et suivra un enseignement primaire et secondaire à Lubumbashi.
Fondateur de la société Demimpex (de Moerloose Import-Export) spécialisée dans la vente automobile et l’import-export de pièces détachées, il visera pour son premier marché l’Afrique malgré une conjoncture difficile à l’époque. Les premiers pays partenaires étaient la Belgique, le Zaïre, le Rwanda et le Burundi.
Bien qu’à la tête de plusieurs sociétés, c’est avec DEM Group (représentant exclusif des engins John Deere Construction & Forestry, Forestry, John Deere Agriculture et Hitachi), que le Belge Philippe de Moerloose a gagné sans passer par la procédure légale de passation des marchés publics, ce marché de fourniture à crédit des matériels et intrants agricoles et de construction des infrastructures et minoteries en faveur du Programme volontariste agricole (PVA). Montant pour acquisition de ces matériels et intrants agricole y compris la construction des infrastructures : 139 millions USD dont plus de 80.000 USD déjà perçus par la société DEM Group de Philippe de Moerloose.
La société devait équiper les sites d’exploitation ci-haut cités choisis à travers le pays par le gouvernement. Mais plus de trois ans déjà, la société de Philippe de Moerloose n’a livré à aucun site les infrastructures clé à la main. S’il y a un peu d’avancement, c’est sur le site de Nkuadi où l’usine de transformation est en train d’être finie. Mais sur les autres sites, il y a encore beaucoup à faire pour bien opérationnaliser le projet.
Non seulement qu’il est reproché à DEM Group de multiplier des raisons pour expliquer le retard, notamment l’apparition de la Covid-19 et les difficultés d’acheminement des matériels rencontrées par la Société nationale de chemins de fer du Congo (SNCC), mais également il lui est reproché dans ce contrat de crédit-fournisseur, d’avoir superbement surfacturé des matériels et engins. Les matériels livrés ne représentent pas réellement sur le marché les prix contenus dans les factures.
Le contrat avec PVA n’est que le récent cas où le Belge qui évite de venir à Kinshasa, a dépouillé le Trésor public. Car bien avant, une enquête dénommée « Congo Hold-up » menée par De Standaard, Le Soir et RFI avec Mediapart, PPLAAF et le réseau européen EIC, démontre déjà en 2021 que l’homme d’affaires Philippe de Moerloose, nominé au prix de « manager de l’année » en Belgique, ne s’est pas seulement enrichi en vendant aux autorités congolaises du matériel avec des marges bénéficiaires très largement supérieures à la moyenne, mais il a également su profiter de la fiscalité avantageuse de certaines paradis fiscaux.
Sa success story, décrivent les enquêteurs, a été bâtie grâce à de gigantesques contrats surfacturés passés avec les autorités congolaises sous le règne de l’ancien président Joseph Kabila. Et l’enquête Congo Hold-up, basée sur la fuite de 3,5 millions de documents bancaires confidentiels a révélé qu’il avait gagné des centaines de millions de dollars dans cette ancienne colonie belge en imposant des tarifs prohibitifs sur l’achat de ses engins de chantier et tracteurs.
Avant « Congo Hold-Up », une autre enquête sous le nom de « Panama Papers » a révélé comment Philippe de Moerloose avait créé en juin 2004 une société offshore au Panama, Pangun Holdings Corporation. Celle-ci lui servait à financer des investissements dans le domaine de l’aviation en RDC, à en croire les enquêteurs. Le belge avait, à partir de 2009, commencé à investir dans plusieurs secteurs stratégiques de l’économie congolaise : mines, cimenterie, hôtellerie où il a brassé frauduleusement des millions USD.
Bref, sous Joseph Kabila, Philippe de Moerloose a été le fournisseur « d’équipements » variés : des moulins à maïs, des corbillards et plus de 45.000 « bicyclettes de ville » dont les paiements de 94 millions USD ont été faits par la Banque centrale du Congo sur un compte bancaire de HMIE en Suisse. D’autres paiements louches ont été inventoriés par les enquêteurs de « Congo hold-up », toujours en termes de millions USD.
Philippe de Moerloose a également utilisé ces sociétés offshores pour exporter du matériel plus controversé, notamment les 150 camions Kamaz -des engins russes appréciés pour leur robustesse et leur polyvalence- qui ont servent à l’Armée et ont servi à la CENI pour les élections de décembre 2018. Un marché juteux sans avis de de non objection.
Il faut aussi dire que dans ses aventures, Philippe de Moerloose a aussi roulé la Minière de Bakwanga (MIBA) qu’il a dépouillée de 20 millions USD.
Si tout l’argent gagné frauduleusement sous Kabila n’est pas à réclamer, beaucoup estiment que l’utilisation des 139 millions USD du PVA reçus sous Tshisekedi par Philippe de Moerloose doit être retracée à travers un audit. Pour cela, l’Inspection générale des finances (IGF) devra être mise à contribution car il s’agit de l’argent du contribuable congolais.
D’après les dernières informations parvenues à Scooprdc.net, le Belge qui s’est installé à Bruxelles refuse de mettre ses pieds à Kinshasa, craignant les ennuis. Mais l’Interpol existe et peut faciliter les choses.