Dépossession de Benoît Tshibangu de sa parcelle à la Gombe : Pius Muabilu accusé de marcher sur une décision judiciaire

Depuis la nuit de samedi 27 mai 2023, monsieur Benoît Tshibangu est déguerpi de sa parcelle située au numéro 40 de l’avenue de la Gombe dans la commune qui porte le même nom, dans la ville de Kinshasa. Et c’est le ministre d’Etat, ministre de l’Urbanisme et habitat, Pius Muabilu, qui est pointé du doigt comme instigateur.

« Le ministre de l’Urbanisme a instrumentalisé les autorités militaires qui ont, avec les agents de l’Urbanisme non autrement identifiés, escaladé le mur de la clôture de la parcelle, passé à tabac les occupants en les menaçant de mort, avant de les amener dans une destination inconnue qui, par la suite, sera découverte comme les bureaux de la DEMIAP. Ils ont emporté des biens de valeurs et jeté dehors les autres effets », dénonce Me Ignace Muamba, avocat de la victime, avant de marteler au cours de la conférence de presse qu’il a animée jeudi 1er juin à Kinshasa : « Ce sont des faits graves commis sur ordre du ministre Pius Muabilu, en violation flagrante de la Constitution et des lois de la République ».

Me Ignace Muamba soutient que le ministre Muabilu est, dans ce dossier, peut-être induit en erreur par son cabinet qui a confondu terriblement les « biens du domaine immobilier public de l’Etat » aux « biens du domaine immobilier privé de l’Etat ». L’avocat explique que pour les biens relevant du domaine immobilier public de l’Etat, ils sont hors commerce tant qu’ils ne sont pas régulièrement désaffectés. Il évoque l’article 10 de la Loi n° 73-021 du 20 juillet 1973 portant régime général des biens, régime foncier et immobilier et régime des sûretés telle que modifiée par la loi n° 80-008 du 18 juillet 1980.

Cette conditionnalité de désaffectation régulière est renforcée, poursuit Me Ignace Muamba, par l’article 210 de la même loi qui stipule : « Le domaine immobilier public de l’Etat est constitué de tous les immeubles qui sont affectés à un usage ou à un service public. Ces immeubles ne sont ni cessibles ni susceptibles de location, tant qu’ils ne sont pas régulièrement désaffectés. Ils sont régis par les dispositions particulières aux biens affectés à usage ou à un service publics ».

Donnant l’exemple de ces biens du domaine immobilier public de l’Etat pour être très explicite, Me Ignace Muamba cite le Palais du peuple, l’hôtel du gouvernement, le Palais de la nation, le Palais de la justice, etc. Pour cette catégorie de biens, ils exigent pour leur cession ou location, un arrêté de désaffectation.

Par contre, les biens relevant du domaine immobilier privé de l’Etat, comme c’est le cas de la parcelle située au n° 40 de l’avenue de la Gombe, objet de confusion au niveau du cabinet du ministre d’Etat Pius Muabilu, Me Ignace évoque les articles 11 et 211 de la loi précitée qui stipulent respectivement que « tous les autres biens de l’Etat restent dans le commerce, sauf les exceptions établies par la loi » et « tous les autres biens font partie du domaine privé de l’Etat. Ils sont régis par la présente loi et ses mesures d’exécution ».

Pour Me Ignace Muamba, les biens immobiliers du domaine privé de l’Etat sont dans le commerce et l’acte translatif de propriété n’est pas l’arrêté de désaffectation, mais plutôt, l’acte de vente. Simplement dit, il soutient que les biens du domaine immobilier privé de l’Etat ne sont pas soumis aux exigences de désaffectation et d’attribution pour leur cession ou leur location.

« …La volonté du ministre de l’Urbanisme et habitat de vouloir soumettre l’acquisition d’un bien immobilier du domaine privé de l’Etat à la détention d’un arrêté de désaffectation est malveillante et viole les prescrits des articles 11 et 211 de la loi dite foncière », déclare l’avocat de Benoît Tshibangu dont il estime être victime de la tentative de spoliation de la part des préposés de l’Etat.

De l’historique d’acquisition légale de la parcelle par Benoît Tshibangu

Retraçant l’historique de la parcelle n° 40 de l’avenue de la Gombe, Me Ignace Muamba fait savoir que cette parcelle appartenant à l’époque aux Forces armées zaïroises (FAZ), avait été vendue le 23 novembre 1988 et ce, suivant une procédure normale, au feu général Baruti Milengo. Et l’acte de vente avait été signé entre ce dernier et le commissaire d’Etat (ministre) du portefeuille, le professeur Kinzonzi. Le certificat d’enregistrement lui sera octroyé en 1990. Tous les documents d’acquisition légale faisant foi, ont été consultés par Scooprdc.net.

« Du seul moment que cet acte de cession a été établi entre la République et le tiers, le général Baruti, ce bien est sorti du domaine immobilier privé de l’Etat, il est devenu une propriété privée de monsieur Baruti qui a joui de ce bien dès ce moment jusqu’en 2003 où il est mort et a laissé ce bien dans son patrimoine de manière paisible à sa succession qui en a aussi joui jusqu’en juin 2021 où cette succession du général Baruti va signer le contrat de vente avec monsieur Benoît Tshibangu Ilunga. Le bien visé par le ministre d’Etat à l’Urbanisme à ce jour, est sorti du domaine immobilier privé de l’Etat conformément à la loi depuis 1988 », explique Me Ignace Muamba qui précise que « l’acte signé par la République et le général Baruti avait été notarié par le notaire de la ville de Kinshasa ».

Décision du Conseil d’Etat piétiné par Pius Muabilu

Lorsque le ministre d’Etat Pius Muabilu signe son arrêté le 25 janvier 2021 et après que celui-ci est publié au Journal officiel le 1er juillet 2021, Benoît Tshibangu par sa requête du 22 novembre 2021, sollicitera du Conseil d’Etat l’annulation partielle de cet arrêté de Pius Muabilu pour violation de la loi et excès de pouvoir. La cause fut inscrite au rôle en annulation de la section du Contentieux du Conseil d’Etat sous le RA.673. Et la copie de l’extrait de cette requête fut envoyée pour insertion et publication au Journal officiel le 03 mai 2022.

Le recours de Benoît Tshibangu au Conseil d’Etat est justifié par le fait qu’après la publication de l’arrêt du ministre d’Etat Pius Muabilu au Journal officiel, il a eu à formuler deux requêtes de recours, l’un adressé au Secrétariat général à l’Urbanisme et habitat le 17 août 2021 et l’autre au ministre d’Etat le 18 août 2021, mais au terme de trois mois suivant la date d’introduction, ces recours sont restés sans réponse.

Le Conseil d’Etat a, après l’instruction de la cause, à l’audience publique du 23 janvier 2023, ordonné l’annulation partielle de l’arrêté pris par le ministre Pius Muabilu. Et cette décision (arrêt) en premier et dernier ressort du Conseil d’Etat a été signifiée le 27 janvier 2023 à toutes les parties au procès, notamment le plaignant, la République démocratique du Congo, le ministre d’Etat de la Justice et garde des sceaux ainsi que son collègue de l’Urbanisme et habitat, la présidence de la République et le procureur général près le Conseil d’Etat.  

Mais curieusement et étonnement, le ministre d’Etat Pius Muabilu a marché sur cet arrêt de la haute cour de la République en déguerpissant Benoît Tshibangu de sa parcelle tout en se cachant derrière un déguerpissement administratif, qui selon Me Ignace Muamba, n’existe pas en Droit. Ce juriste dénie à Pius Muabilu le droit de déguerpir un citoyen d’une habitation, pouvoir qui revient, soutient-il, aux seuls cours et tribunaux.

« Le déguerpissement administratif évoqué par le cabinet du ministre n’existe pas en Droit. Il n’y a aucune loi, aucune disposition légale qui détermine la manière dont on peut être déguerpi par voie administrative. Le déguerpissement résulte uniquement d’une décision de justice. Le ministre n’est pas un juge pour décider du déguerpissement. Celui administratif dont il parle n’existe pas en Droit. Soit c’est une volonté délibérée de confisquer un bien immobilier appartenant à autrui, soit c’est une confusion totale que le ministre entretient. Il est déterminé à se rebeller contre une décision de justice. Doit-on accepter que dans un Etat de droit qu’un ministre se permette de violer la constitution ? », accuse et s’interroge Me Ignace Muamba qui dénonce une association de gens qui perturbent l’ordre dans l’acquisition de biens et surtout en ce qui concerne les biens appartenant à autrui.

Non sans raison, il ne s’explique pas que l’avocat du ministre Pius Muabilu, Me Kabasele Mulumba, qui a comparu dans ce dossier au Conseil d’Etat, soit le même avocat des faussaires en procès contre son client devant le Tribunal de paix de Gombe, qui se prévalent être propriétaires de cet immeuble, le même que Pius Muabilu veut ravir à Benoît Tshibangu.  

« Mon client demande au chef de l’Etat, au nom de qui toutes les décisions de justice sont rendues, d’intervenir en tant que garant du bon fonctionnement des institutions de la République pour qu’il rentre dans ses droits, parce qu’ici, il y a une institution qui a pris une décision, il y a une autre qui empiète et qui refuse d’exécuter la décision de justice. Mon client lui demande de lui rendre justice parce qu’il n’y a que le chef de l’Etat qui peut arrêter cette forfaiture », a conclu Me Ignace Muamba sa conférence de presse.

  • Bendélé Ekweya té

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