Perçue comme lanceur d’alertes sous d’autres cieux, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) vient de publier une opinion sur la rémunération des « aviseurs fiscaux » en RDC d’un point de vue administratif et légal en relevant les imbroglios de l’administration, selon qu’il s’agit soit de la Direction Générale des Impôts (DGI), de la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA), de la Direction Générale des Recettes Administratives, Domaniales, Judiciaires et de Participations (DGRAD) ou encore de l’Inspection Générale des Finances (IGF), sans oublier leur calque par les administrations provinciales et les Entités Territoriales Décentralisées (ETD), avant de proposer deux pistes de solutions dans sa recherche de l’amélioration du climat des affaires en tant que syndicat du premier partenaire socio-économique de l’État congolais.
En effet, sans aucune loi précise reconnue, le fondement légal du système d’aviseurs en tant que régime juridique ou institution qui en donne de manière claire l’entendement légal et les implications juridiques y afférentes, n’existent pas dans l’arsenal juridique congolais, si ce n’est le Décret n° 011/46 du 24 décembre 2011 portant mesures d’application de l’Ordonnance-loi n° 10/002 du 20 août 2010 portant code des douanes qui, en son article 131 point b), définit l’aviseur comme «toute personne ne faisant pas partie du personnel de la douane qui apporte une information sur la fraude en matière douanière». L’agent de douane qui découvre, signale ou constante une infraction, l’article 132 point 1 du code suscité, attribue une prime de contentieux à cette catégorie d’agent sans faire de lui un aviseur fiscal averti la FEC.
Quant à la DGI, poursuit-elle, c’est l’article 22 du Décret n° 018/2003 du 02 mars 2003 portant règlement d’administration relatif au personnel de carrière de la Direction Générale des Impôts qui cite les aviseurs comme bénéficiaires de la prime de contentieux. Cette disposition réglementaire est ainsi libellée : « Dans le cadre de la lutte contre la fraude, il est attribué aux agents de la Direction Générale des Impôts ainsi qu’aux aviseurs une prime de contentieux pour toute infraction en matière fiscale par eux découverte, constatée ou signalée ».
Ici, l’aviseur est donc partie prenante dans la répartition des produits d’amendes sur la quotité destinée à cet effet. L’on se rend ainsi compte que la notion d’aviseur à la DGI n’est pas la même qu’à la DGDA. En effet, le texte de la DGI envisage même que les agents de cette régie peuvent être des aviseurs, alors qu’à la douane, cette qualité est réservée à des personnes extérieures, alors qu’elles accomplissent leurs tâches pour lesquelles elles ont été recrutées.
De son côté, la DGRAD estime que les agents ainsi que les aviseurs bénéficient tous de la prime de contentieux telle que stipulée par l’article 21 du Décret n° 0059 du 27 décembre 1995 portant règlement d’administration relatif au personnel de carrière de la Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participations qui évoque les aviseurs, en tant que bénéficiaires de la prime de contentieux. Sauf qu’ici, dès la reconnaissance de l’infraction par le contrevenant, il est attribué aux agents de la DGRAD ou aux aviseurs une avance égale à 10% des pénalités et amendes à encaisser, payable sur les fonds de la caisse de contentieux. Le solde de la prime de contentieux est payable après clôture du dossier.
Au niveau de l’Inspection Générale des Finances « IGF », les textes coordonnés et mis à jour au 1er mai 2003, précisément l’article 20 du Décret n° 036B/2003 du 24 mars 2003 modifiant et complétant l’Ordonnance n°91-019 du 06 mars 1991 portant création de règlement d’administration relatif à la carrière et aux fonctions d’Inspecteur des Finances, énonce ce qui suit, en ses alinéas 1 & 2 : « Dans le cadre de la lutte contre la fraude, il est attribué aux Inspecteurs des Finances ainsi qu’aux aviseurs une prime de contentieux pour toute infraction en matière de recettes douanières, fiscales, administratives, judiciaires, domaniales et de participations par eux découverte, constatée ou signalée ».
Voilà en gros ce qui fâche la FEC. Non sans raison et d’ailleurs c’est à juste titre dans une certaine mesure, car en effet, dans le souci de travailler pour l’amélioration du climat des affaires et aussi permettre à ce que tous les Congolais soient égaux devant la loi, et en l’espèce la loi fiscale au terme même de la Constitution en son article 174, cette fédération pose un problème fondamental sur la qualité confuse des aviseurs fiscaux selon qu’on se trouve dans telle ou telle autre régie financière. La qualité que revêt les agents de ces services publics en dehors de ceux de la DGDA fait craindre qu’ils veuillent tous se transformer en aviseur plutôt que de faire le travail pour lequel ils ont été recrutés d’une part. Et d’autres parts, la non fiscalisation de ces revenus qui sont tout de même important en termes de volume. Car l’article 174 de la loi fondamentale, dans ses deux derniers alinéas, disposent que « la contribution aux charges publiques constitue un devoir pour toute personne vivant en République Démocratique du Congo. Il ne peut être établi d’exemption ou d’allègement fiscal qu’en vertu de la loi ».
Alors la FEC envisage deux possibilités au regard des contraintes légales actuelles sus évoquées. Dans tous les deux cas, il y a nécessité d’intervention du législateur pour légiférer sur la question en établissant un régime juridique légal des aviseurs dans toutes les lois sur les procédures fiscales, douanières et des recettes non fiscales pour être en phase avec les exigences constitutionnelles.
La première possibilité pourrait consister à légiférer de manière spécifique, en visant simplement les rémunérations d’aviseurs fiscaux en vue de les soumettre à un impôt particulier. Ou alors réformer tout le système fiscal en y introduisant le système d’imposition des revenus des personnes physiques. Celle-ci nécessiterait une volonté politique inébranlable et un leadership fort, tant il faudra un changement de paradigme en matière fiscale. La mentalité des populations devra également être absolument canalisée pour suivre la direction tracée.
D’une manière concrète, il s’agira de créer un impôt sur le revenu global des personnes physiques, et d’abandonner ainsi le système d’imposition par cédule qui ne permet pas de classifier, de manière claire, notamment des revenus exceptionnels comme les rémunérations des aviseurs fiscaux. Pour la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), une telle démarche permettra de donner sa pleine expression au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques, dont le libellé précis, à l’article 174 alinéa 2 cité ci-haut.