Franchement, le président rwandais Paul Kagame a raté une belle occasion de se taire, lui qui ne peut citer dans la bouche le mot « élection » et « démocratie ». Mais parce qu’ayant une audace sorcière, il a quand même évoqué ces termes pour reprocher le pouvoir de Kinshasa de manœuvrer avec la guerre dans l’Est de la RDC pour éviter d’organiser les élections en 2023.
Alors que l’on pensait que le mini-sommet quadripartite de Luanda, tenu mercredi 23 novembre dernier, il pouvait y avoir un rabaissement des tensions entre Kinshasa et Kigali, malheureusement les relations entre les deux capitales sont officiellement entrées dans une dimension de clash diplomatique.
En effet, devant les parlementaires de son pays, le Rwandais Paul Kagame, spécialiste dans le déclenchement des tensions dans la région, s’est lancé dans une provocation de mauvais goût contre le Congolais Félix Tshisekedi.
« Un pays va se diriger vers des élections l’année prochaine et essaie de créer une situation d’urgence pour que les élections n’aient pas lieu. Il (Ndlr. Félix Tshisekedi) n’avait pas remporté les premières élections comme nous le savons. Donc, s’il essaie de trouver un autre moyen de reporter les prochaines élections, je préférerais qu’il utilise d’autres excuses. Pas nous, parce que nous avons beaucoup de problèmes chez nous, et nous n’avons pas besoin d’ajouter les problèmes des autres aux nôtres », a lâché l’homme fort de Kigali mercredi 30 novembre 2022.
Des propos qui étonnent plus d’un quand on sait le niveau de la terreur anti-démocratique mise en place par le pouvoir de Kigali dans l’ensemble du territoire, notamment avec des assassinats de toute personne qui s’oppose aux institutions. L’exemple le plus triste demeure celui du chanteur gospel Kizito Mihigo mort en détention en février 2020.
Une réplique de Kinshasa bien mesurée
Les propos très étonnants et paradoxaux de Paul Kagame, n’ont pas tardé à trouver de réponse à Kinshasa ce jeudi 1er décembre. Lors du briefing hebdomadaire tenu avec la presse, le porte-parole du gouvernement et ministre de la Communication et médias, Patrick Muyaya, a déclaré : « Je pense d’abord que le président Kagame n’a pas des qualités pour faire un quelconque commentaire sur ce qui concerne les élections. Premièrement, avant de parler des élections, on doit parler de la liberté d’expression. Est-ce que la liberté d’expression existe au Rwanda ? Deuxièmement, on parle de liberté de manifestation. Est-ce que la liberté de manifestation existe au Rwanda ? Non. Troisièmement comment il est arrivé au pouvoir ? Quelle est la méthode qui a été utilisée ? Quatrièmement, je ne vous rappelle rien mais vous vous souvenez du référendum qui s’est tenu, je crois en 2015, ou à 99,1% ou 98,1%, on a dit oui à une forme de présidence à vie parce qu’il s’est assuré de rester au pouvoir jusqu’en 2034 […] Je pense qu’en ce qui concerne la démocratie, mondialement, il est le dernier sur la liste, c’est connu ».
Le porte-parole du gouvernement a fustigé les déclarations répétitives de Paul Kagame qui font à ce qu’il se présente à ce jour comme étant le porte-parole du M23 mais également comme le « protecteur des communautés congolaises », alors qu’il n’a aucun mandat.
« Il est possible pour lui de faire la politique dans son pays et nous laisser faire la politique qui est la nôtre. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas lui qui doit venir nous dire ce que nous devons faire, parce que son ambition aujourd’hui c’est de déstabiliser politiquement le président Tshisekedi […] Je pense que de toute évidence sur la démocratie, il peut encore apprendre des leçons chez nous, parce que vous avez vu hier, l’exercice que le président de la République a eu avec les jeunes, je ne suis pas sûr que dans son pays c’est possible. Voyons voir avec le temps comme il nous suit souvent, peut-être qu’il va prendre quelques petites leçons qui vont lui permettre d’être plus démocrate et de permettre aux Rwandais de s’exprimer plus librement », a conclu Patrick Muyaya.
Une leçon bien administrée au maitre de Kigali qui, ces derniers temps est trop agité parce qu’acculé diplomatiquement sur son implication de ses troupes dans les tueries dans l’Est de la RDC. Coup sur coup, c’est visiblement l’option prise par le porte-parole du gouvernement congolais pour démystifier celui qui se croit tout permis sur la RDC.