A une année des prochaines élections prévues en 2023, les récurrentes divergences de positionnement qui sont devenues coutume en RDC, commencent déjà à refaire surface. Si lors de la période préélectorale de 2016 à 2018, des prises de position telles que « Pas de troisième mandat », « Transition sans Kabila » ou encore « Pas d’élections avec la machine à voter » se sont intensifiées jusqu’à faire échouer la Majorité présidentielle de l’époque dirigée par l’ex-Chef de l’Etat Joseph Kabila, en 2022, à la veille de l’année électorale, plusieurs voix s’élèvent pour exiger une « transition sans Tshisekedi » en cas de non organisation des élections en 2023.
En effet, invité le 26 octobre dernier à Africa Radio, le chercheur congolais et militant du mouvement citoyen La Lucha, Bienvenu Matumo a annoncé les dispositifs qui devaient réguler cette transition. « Si, les élections de 2023 ne sont pas tenues dans le délai constitutionnel, une transition sans Tshisekedi sera mise en place. Elle sera pilotée par une personnalité neutre issue de la société civile en vue de conduire le pays aux élections post-transition », avait-il déclaré. Si au départ, cette prise de position n’était considérée que comme une « recherche du buzz », elle a tout de même repris Martin Fayulu, challenger de Félix Tshisekedi en 2018.
Interviewé conjointement par la RFI et France 24, hier jeudi 27 octobre, Martin Fayulu a déclaré qu’en cas de non organisation des élections en 2023, Félix Tshisekedi « devra quitter le pouvoir au plus tard le 23 janvier 2024 » afin de laisser la place au président du Sénat qui « prendra la tête du pays » pour organiser les élections dans un délai de 4 mois.
Les assurances de Félix Tshisekedi et de la CENI
Si les agitations se multiplient dans le rang de l’opposition politique congolaise, du côté de la majorité présidentielle ainsi que de la CENI, le calme et la sérénité règnent. D’ailleurs, reçu conjointement par la RFI et France, le 24 septembre dernier, le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi est resté optimiste quant à l’organisation des élections en 2023 et a balayé d’un revers de la main, toutes les spéculations sur un possible report des élections prévues en 2023.
« Je vous ai parlé d’élections tout à l’heure quand j’évoquais le départ de la Monusco. Je crois que les élections seront. En tout cas, je n’ai aucune raison et je ne suis pas la CENI [Commission électorale nationale indépendante], mais je rencontre souvent, enfin quelquefois, le président de la Céni [Denis Kadima] parce que je veille à ce que l’accompagnement de l’État soit là, surtout au niveau des finances. Et à chaque rencontre que j’ai avec lui, je lui pose toujours la même question que j’appelle maintenant la question traditionnelle, c’est-à-dire est-ce que les élections seront organisées dans les délais ? Il m’a dit : « Il n’y aura aucun problème ». Donc, je n’ai pas de raison de douter de lui, c’est lui l’expert. S’il le dit jusqu’ici, moi mon travail, c’est juste de veiller à ce que le ministre des Finances fasse le sien aussi en donnant les ressources nécessaires pour faire avancer le processus. Je pense que ça devrait aller », déclarait le président de la République.
Avant d’ajouter au sujet d’un prétendu rapport du PNUD qui mettait en doute l’organisation des élections en 2023 : « Faites très attention à ce qui a été publié. Faites très attention parce qu’i y a eu beaucoup de manipulations. J’ai vérifié auprès des responsables du PNUD eux-mêmes, ils n’ont pas affirmé cela. Ils m’ont dit très clairement qu’ils n’ont jamais émis d’avis pessimiste, jamais. Donc, cela est une récupération qui est sûrement l’œuvre de nos opposants. Et aujourd’hui, on sait comment on peut manipuler les médias et tout cela. Donc, voilà, c’était ça le but. Parce qu’il y a des forces obscures en République démocratique du Congo qui ne veulent pas de ces élections. Si vous voyez ce qui se passe par exemple à l’Ouest aujourd’hui, qui ressemble presque comme deux gouttes d’eau aux violences qu’on voit à l’Est ».
En outre, en ce qui concerne l’absence de la publication du calendrier électoral, le Chef de l’État Félix Tshisekedi a déclaré : « Le calendrier viendra. On est à plus d’un an encore des élections. Ce n’est pas le calendrier qui va faire les élections. Ce sont les électeurs. Il faut les enrôler. C’est cela qui est le plus important pour moi. Le calendrier, on peut le faire en dernier lieu, à la dernière minute. »
La jurisprudence « Kabila »
En cas de non organisation des élections en 2023, comme le « prétend » l’opposition politique congolaise, le Chef de l’État Félix Tshisekedi devra tout de même bénéficier de la jurisprudence de l’interprétation de l’article 70 de la Constitution congolaise dans son alinéa 2, qui stipule que « à la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».
Une interprétation de cet article par la Cour constitutionnelle avait déjà permis à l’ex-Président Joseph Kabila de rester à la tête du pays jusqu’à l’organisation des élections en 2018, alors que l’échéance de son mandat avait lieu en 2016. Une jurisprudence légale qui pourrait désormais contredire la théorie d’une « transition sans Tshisekedi » qui n’a aucun soubassement constitutionnel.
Qui vivra, verra !