Liberté de la presse : Accusés de relayer « allègrement » les informations du M23, deux journalistes congolais pris à partie sur les réseaux sociaux

Par Monge Junior Diama.

Depuis la prise de la cité de Bunagana dans la province du Nord-Kivu le 13 juin 2022 par les rebelles du M23, un vent de remise en question a soufflé au niveau interne entre congolais. Si au sein de l’armée par exemple, la traque de certains éléments des forces loyalistes accusés de « traîtrise » occasionnant la chute de cette partie de la République, a été lancée, dans la corporation journalistique, deux professionnels des médias congolais à l’occurrence de Steve Wembi, âgé de 38 ans et journaliste d’investigation ayant travaillé à Al Jazeera et New York Times, ainsi que Stanislas Bujakera, âgé de 30 ans et journaliste travaillant pour le compte entre autre de Jeune Afrique, Reuters et Actualite.cd, sont accusés de « relayer allègrement des informations des M23 », devenant ainsi depuis peu la cible de plusieurs attaques et lynchages sur les réseaux sociaux dont principalement Twitter.

Réputés pour leur professionnalisme, Steve Wembi, arrêté mardi 24 octobre dans la nuit par les agents de l’ANR, apprend Scooprdc.net, et Stanislas Bujakera font partie de cette nouvelle génération des journalistes qui monte en puissance sur les réseaux sociaux et qui font recours aux nouvelles technologies afin d’informer le public local et international. 

En effet, si Steve Wembi surnommé « Vieux biométrique » est plus connu pour ses différentes investigations dans la partie Est du pays et au Kasaï, Stanis Bujakera quant à lui, est devenu populaire grâce ses différents articles et interviews pour le compte de Jeune Afrique et Actualite.cd, ainsi que sa diffusion des informations en continue sur Twitter.

Mais ces prouesses n’ont pas épargné ces deux journalistes des critiques sur la toile car d’après certains observateurs, diffuser continuellement les informations des ennemis, est en même temps un signe de « manque du patriotisme » mais également une manière de faire « l’apologie » du camp adverse.

Parmi ceux qui ont tiré à balle réelle sur cette « pratique » figure notamment Noël Tshiani, ancien candidat à la dernière présidentielle de 2018, qui a déclaré sur son compte Twitter : « C’est étonnant de voir des journalistes congolais relayer allègrement des informations des criminels rwandais du M23. Le patriotisme, le nationalisme et le professionnalisme auraient dicté un comportement contraire à ces attitudes ressemblant à la traîtrise de sa patrie. »

Une défense basée sur la charte déontologique de Munich

Alors que les uns ont choisi fermement l’option de s’attaquer directement à Steve Wembi et Stanislas Bujakera, les autres ont opté pour le soutien total aux deux journalistes, qualifiant les actions de ces derniers de « légales » et « conformes » à la Charte de Munich (ndlr : Déclaration des devoirs et des droits des journalistes signée le 24 novembre 1971), qui autorise entre autre aux journalistes de défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique, ainsi que de refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de leurs différentes rédactions.

Pour ceux qui prennent la défense de ces derniers, la règle est simple : au nom du professionnalisme et de l’impartialité, on ne peut pas contraindre un journaliste à ne publier que les informations d’un seul camp peu importe. Un avis qui n’arrange certainement pas ceux qui s’opposent à cette pratique car selon eux les journalistes congolais devront avoir pour jurisprudence, le positionnement des journalistes français, ukrainiens, britanniques et américains pendant le conflit russo-ukrainien.

Cette nouvelle prise de position pour défendre les deux journalistes, déclenche désormais un mur de Berlin virtuel et une guerre ouverte entre les pro-Wembi-Bujakera et anti-Wembi-Bujakera sur les réseaux sociaux.

Des attaques au rythme du “déjà vu et entendu”

Même si les attaques actuelles et critiques envers Steve Wembi et Stanislas Bujakera, font parler d’elles, ce n’est pas pour la première fois que ces deux journalistes se retrouvent dans une situation des menaces et critiques accentuées. En avril 2021, Stanislas Bujakera et d’autres journalistes tels que Peter Tiani, Pero Luwara et Elysée Odia, ont été victimes d’une brutale mise en garde dans l’exercice de leur métier par Abraham Luakabuanga, ancien directeur de la presse présidentielle et membre de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS), qui sur une photo d’ensemble de ces 4 journalistes, réagissait en ces mots : « Les 4 agents recrutés pour ternir l’image du chef de l’État, nous vous avons à l’œil. Vous incarnez le ridicule de la presse congolaise ! ». Une réaction qui précipitera d’ailleurs le remplacement de ce dernier à la tête de la communication présidentielle par Erik Nyindu. Un mois plus tard, cette fois-ci, Steve Wembi, John Lungila et à nouveau Stanislas Bujakera ont été sauvagement menacés de mort par un certain Zacharie Mbaya qui les reprochait de publier « régulièrement les informations des M23 et du Rwanda. »

  • Bendélé Ekweya té

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