Il a plu au président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, de nommer à la tête de la 21ième Région militaire au Kasaï oriental, le général de brigade John Tshibangu. Il remplace à ce poste le lieutenant-général Marcel Mbangu Mashita nommé commandant de la 3ième zone de défense en remplacement du Lieutenant-général Yav en prison à Kinshasa pour tentative de déstabilisation des institutions.
Mais qui est le général de brigade John Tshibangu ?
Né en 1970 à Kananga, cet ancien commandant second et chef des opérations de l’ancienne 4ièmeRégion Militaire des FARDC basé à Kananga, est un militaire de formation doté des expériences de guerre de l’armée nationale et de la rébellion. Il a servi le Congo-Zaïre et s’est distingué par sa loyauté, son humilité et surtout sa bravoure !
Il fait ses études primaires et secondaires dans sa ville natale avant de s’enrôler en 1988 à l’Ecole de Formation Militaire (EFO). Par la suite il passe un concours de sélection et rejoint le Camp Kitona au Bas-Congo, actuelle Kongo central. Ensuite, il sera envoyé en Israël pour une formation de Commando Anti-terroriste pendant une année, avant de revenir au pays au Centre d’entrainement des troupes aéroportés (CETA) pour une autre formation de para-commando et renseignements militaires. Le Sous-lieutenant John Tshibangu est affecté aux Services d’Action et de Renseignements Militaires (SARM) à Kinshasa. Il intègre par la suite la Division Spéciale Présidentielle (DSP). Devenu lieutenant, cet officier va participer dans différents séminaires sur le commandement de bataillons et de compagnies.
A l’avènement de l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération (AFDL) en 1996 avec Mzee Laurent Désiré Kabila, il se trouve à Kinshasa. Les Forces Armées Zaïroises (FAZ) étaient désormais les Forces Armées Congolaises (FAC). Le lieutenant John Tshibangu est nommé Commandant du Régiment Kongolo I par le président Laurent-Désiré Kabila qui préfère travailler avec les jeunes officiers… Il part à Mwene-Ditu, Kongolo, puis Uvira. C’est là qu’il est placé comme Commandant de Bataillon, basé à Baraka.
En 1998, le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) que venait de créer le Rwanda pour combattre le régime de LD Kabila, fait face aux troupes loyalistes dirigées par le Commandant John Tshibangu. Trahi par Kalemie qui devait les ravitailler en munitions, John Tshibangu et ses compagnons d’armes, à bout de munitions, finissent par se rendre à l’ennemi qui les intègre dans l’armée du RCD-Goma.
Un « rebelle » malgré lui
N’ayant pas rompu le contact avec sa hiérarchie militaire à Kinshasa, John Tshibangu refuse d’être dompté par le RCD & Alliés. Il prépare en toute discrétion une opération commando qu’il réussit : il infiltre avec un commando à bord d’un Antonov de la compagnie rwandaise CAGEL qui opérait un vol entre Goma – Kindu pour acheminer des militaires RCD & Alliés au front, et le détourne. Il neutralise les passagers à bord et instruit l’équipage de mettre le cap sur Kinshasa, via Mbuji-Mayi. Malheureusement, l’appareil n’a pas assez de carburant. Il atterrît en catastrophe à Sala-Mabila, au Maniema.
Le commando John Tshibangu est arrêté, torturé et ramené à Goma où il est jugé et condamné à mort. Il est emprisonné au Rwanda, mais parvint à s’évader six mois plus tard. Il rentre à Goma et est de nouveau arrêté. Cette fois, il est déféré devant un tribunal siégeant en audience publique dans la salle de la Banque de Développement des Pays de Grands-Lacs (BDGL). Il est encore condamné à mort, et en attendant la sentence, il est incarcéré à la Prison centrale de Munzenze. John Tshibangu parvient une fois de plus à s’évader.
Ne pouvant plus rester à Goma où il est recherché par les services du RCD-Goma et alliés, John Tshibangu connait quelques semaines de vie clandestine dans cette ville avant de prendre contact avec des officiers amis d’un mouvement dissident du RCD-Goma, le RCD/KML dirigé par Mbusa Nyamwisi. Ce dernier entretenait déjà des relations de collaboration avec le nouveau Gouvernement de Joseph Kabila à Kinshasa.
John Tshibangu quitte finalement Goma et rejoint le territoire de Beni-Lubero sous l’administration du RCD/KML. Dans ce territoire, il prend part aux combats contre les troupes du RCD-Goma et Alliés dans leur tentative de percer vers le nord de la Province du Nord-Kivu en passant par Kanyabayonga. Il participe aussi aux batailles contre le Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, dont les forces tentent de conquérir Bunia et Isiro dans le cadre de la fameuse opération « Effacer le tableau ». Dans cette partie du pays, John Tshibangu se distingue dans les méthodes de la guérilla et l’organisation des forces d’auto-défense populaire, communément appelé maï-maï. En guise de gratification il est nommé Commandant de la brigade de Butembo.
A la suite des accords de Sun City de 2003 qui consacrent la réunification du pays, John Tshibangu réintègre l’armée nationale et est nommé Commandant de la Brigade de Beni. Il prend part à Kisangani en 2005 au processus de brassage et de formation de nouvelles brigades pour la mise sur pied de la nouvelle armée nationale et devient par la suite Commandant de la 14e Brigade intégrée basée à Shabunda. En 2011, il est nommé chef d’état-major de la 4ème région militaire basée à Kananga et dirigée par le général Obedi Rwabasira qui est aussi beau-frère au général Laurent Nkundabatware.
S’opposant à la « rwandalisation » du camp Bobozo qui venait de recevoir plus de mille militaires d’appartenance tutsi, John Tshibangu se soustrait avec quelques militaires fidèles pour créer une sorte de rébellion. Il va muer ses revendications militaires en celles électorales. Celui qu’on soupçonnait être de connivence avec Roger Lumbala qui rejoindrait le M23, déclara dans les médias : « J’ai fait défection et avec un bon nombre de nos militaires. Je vous informe que nous sommes le mouvement pour la revendication de la vérité des urnes. Quand nous luttons contre toute forme de balkanisation de notre très beau pays, le Congo, c’est-à-dire que nous sommes contre tous ceux-là qui cherchent à amener notre pays à une balkanisation. La population congolaise demande le changement. Le 28 novembre dernier, Etienne Tshisekedi wa Mulumba a été élu président de la République. Notre objectif est de l’installer à la tête de l’Etat ». Mêmes revendications que celles de Roger Lumbala…
Mais seulement, le colonel John Tshibangu et son Armée Populaire pour le Changement et la Démocratie (A.P.C.D.) n’étaient que feu de paille. Mais depuis sa défection, celui qui s’était autoproclamé Lieutenant-Général ne cachera plus son hostilité à l’endroit du président Joseph Kabila et sa détermination de le chasser du pouvoir.
S’étant caché en Tanzanie, il est repéré et arrêté puis extradé le 5 février 2018 à Kinshasa ce, six ans après sa cavale. Il est détenu à l’ex-DEMIAP puis transféré à la prison militaire de Ndolo jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Félix-Tshisekedi, condamné pour désertion et rébellion. Il est libéré sur ordre de ce dernier en janvier 2020 et assigné provisoirement en résidence surveillée au Centre catholique Nganda avant d’être totalement libre pour se voir plus tard promu général de brigade. Le voilà nommé Commandant de la 21ième Région militaire au Kasaï oriental.