Par Simon Mutombo (Correspondance particulière).
Sans qualité ni pouvoir, une délégation de l’Inspection générale des finances (IGF) dépêchée pour une mission de contrôle dans l’ex-Katanga, a suspendus les droits d’exonération douanière accordés à la Sicomines par le gouvernement congolais à travers la convention par lui signé avec un consortium d’entreprises chinoises. Est-elle de la compétence de l’IGF de suspendre ou d’annuler une décision administrative engageant le gouvernement avec une tierce personne ? C’est là la vraie question.
Mais avant d’y répondre, il y a nécessité de revenir sur ce qui s’est exactement passé. En effet, le 24 juin 2022, l’Inspecteur général des finances-chef de service, Jules Alingete, établit en faveur des inspecteurs des finances Wangi Bo-Lokonge, Lukelwa Amisi, Ngasa Masiokpo, Ilunga Nyembwe et Ntantu Nsibitoro, un ordre de mission pour le grand Katanga. Le chef de mission est Wangi.
L’objet de cette mission est : Premièrement, « Encadrer et surveiller toutes les opérations financières de mobilisation des recettes en particulier » ; deuxièmement, « S’assurer de la gestion efficace des régimes d’exception ainsi que des crédits d’impôts et de payements échelonnés » ; Troisièmement, « S’assurer de la pertinence et de la régularisation des facilités douanières » et quatrièmement, « S’assurer de l’efficacité du traitement des contentieux ».
La période de contrôle indiquée est « Depuis janvier 2022 jusqu’à la fin de la mission », tandis que la durée de la mission est de 60 jours, soit jusqu’au 24 août 2022. En plus, la période à contrôler va de janvier au 24 août 2022.
Mais arrivé le 29 août 2022, que par leur lettre commune référenciée n°039/PR/IGF/OM231/WLNIN/2022, les inspecteurs de IGF invite le Directeur général de la Sicomines à « la séance de travail relative à vos importations en exonération ». Or, à cette date du 29 août, l’ordre de mission est censé expiré déjà de 5 jours. Ils fixent la date, l’heure et le lieu : vendredi 02 septembre 2022, 15h00, Direction provinciale de la DGDA.
L’équipe de l’IGF précise dans sa lettre : « Pour le bon déroulement de ladite séance, nous vous demandons de bien vouloir vous munir de tous les dossiers relatifs aux importations en exonération de vos marchandises, conformément au protocole d’accord ou contrat signé avec l’Etat congolais ainsi que tout autre document pouvant permettre de bien examiner votre dossier ». Elle ne détermine pas la période.
Le 9 septembre 2022, par une note manuscrite signée au nom de ses collègues par l’Inspecteur des finances Ilunga Nyembwe, l’équipe de contrôle indique les « Documents à compléter par la Sicomines », à savoir :
« 1. Les dossiers de différents projets et leur niveau d’exécution ;
« 2. La fiscalité : a) le Relevé de toutes les déclarations douanières de 2008 à ce jour ; b) le Relevé de toutes les déclarations des impôts de 2008 à ce jour ; c) le Relevé des droits dûs à la DGRAD et les provinces du Haut-Katanga & Lualaba de 2008 à ce jour ;
« 3. Tous les projets conclus avec l’Etat congolais pour la quote-part des exonérations accordées ».
Douze jours après, c’est-à-dire le 21 septembre 2022, par sa lettre n°060/PR/IGF/OM23& 285/WLNIN/2022 au Directeur général de la Sicomines, l’équipe de contrôle de l’IGF affirme que la société n’arrive pas à lui fournir les documents sollicités, et la conséquence est la suspension des droits d’exonération.
Le 23 septembre 2022, par sa lettre portant les références 0238/DG/SCM/022, le Directeur général de Sicomines SA s’adresse directement à l’Inspecteur général des finances-chef de service, Jules Alingete, pour lui transmettre les documents dont question. Il prend soin de lui relever que dès réception de l’invitation de l’équipe de contrôle le 29 août 2022, son entreprise a fait déplacer ses agents de Kolwezi vers Lubumbashi pour la réunion initiée. Il s’est avéré que l’équipe de contrôle a demandé des dossiers supplémentaires séance tenante. Ce qui nécessitait un délai supplémentaire. Il révèle l’étonnement de la Sicomines de se voir sanctionnée en pleine procédure.
Aussi, sollicite-t-il sincèrement de l’IGF-CS Jules Alingete l’annulation de la lettre du 21 septembre 2022 et marque sa disponibilité à travailler étroitement avec l’équipe de contrôle, et cela conformément aux exigences de la Hiérarchie.
Le même jour, l’équipe de contrôle revient à la charge en demandant à la Sicomines « de faire diligence pour la mise à notre disposition de tous les éléments exigés, y compris les statistiques des exportations et les états financier dûment certifiés, allant de 2008 à ce jour, pour une appréciation plus objective du dossier et vous rappelons que, dans l’esprit de la convention de collaboration, les projets des travaux d’infrastructures de développement n’allaient pas être financés par l’Etat congolais comme nous le comprenons à ce jour, mais plutôt par SICOMINES et les institutions financières citées dans la convention ».
Entre-temps, preuve que ce n’est pas Jules Aligente qui a pris la décision grave de suspendre les droits d’exonération, l’équipe de contrôle affirme : « Ainsi, nous insistons à l’adresse du Directeur provincial de la DGDA/ex-KATANGA de maintenir la décision de soumission automatique au régime commun de toutes les importations en exonération de la SICOMINES jusqu’à la signature entre l’équipe de contrôle et l’Inspection Générale des Finances et la représentation de SICOMINES d’n document de dénouement du dossier ».
Volonté d’entretenir la détérioration du climat des affaires
Dans l’échange des lettres, il est aisé de noter que cette équipe, censée connaître le contenu du contrat sino-congolais, n’évoque nulle part l’article 14 intitulé « AVANTAGES COMMERCIAUX ET FISCAUX ET D’AUTRES AVANTAGES ACCORDÉS PAR LA RDC ». De ces 4 points, le premier est ainsi libellé : « La RDC accorde, dans le cadre de ce Projet de Coopération, à la JV Minière, le bénéfice de tous les avantages douaniers, fiscaux et de change prévu par les lois et les règlements en vigueur en RDC ainsi que les dispositions particulières applicables aux marchés publics à financement extérieur ».
Quand, dans son entendement, il y a violation des dispositions de la Convention par la Sicomines, l’équipe de contrôle de l’IGF doit savoir que celle-ci prévoit à son article 20 relatif au « RÈGLEMENT DES DIFFERENDS ET ARBITRAGE » des mécanismes à actionner. Le premier est l’arrangement à l’amiable. Le second est le recours à l’arbitrage international.
Dans l’esprit et la lettre du contrat sino-congolais, une suspension d’une dérogation ne peut se faire que sur base des dispositions de la Convention. En l’espèce, l’équipe de contrôle de l’IGF se doit de prouver qu’en raison du refus, ou du retard constaté dans l’obtention d’un renseignement de la part de la Sicomines, ou d’un autre opérateur détenant les mêmes droits, la sanction est la suspension des exonérations !
A la limite, et d’ailleurs dans les bonnes règles, une telle sanction ne peut se justifier qu’après épuisement de toute procédure engagée dans une enquête, en respectant naturellement les droits de la partie à incriminer. La fin de la procédure se constate sur PV. Ce n’est pas en deux temps trois mouvements qu’on peut décider d’une suspension !
Agir de la sorte, c’est la preuve de la volonté d’entretenir la détérioration du climat des affaires pendant que l’exhortation générale prône le contraire.
S’agissant du taux de réalisation des infrastructures – argument évoqué par l’équipe de contrôle de l’IGF pour faire valoir sa décision – comment peut-on en arriver à cette déduction sans au préalable se référer à la Convention qui fixe, elle-même, les droits et les devoirs des parties prenantes ?
La suspension s’annihile elle-même. Sauf fait du prince
Pour résumer, le doute n’est donc pas permis. D’abord, l’inspecteur général des finances-chef de service, Jules Aligente, n’a pas signifié à la Sicomines la suspension des droits d’exonération douanière. La lettre du 21 septembre 2022 n’est pas la sienne. Elle est de son équipe. Même périmé, l’ordre de mission ne lui donne pas cette compétence.
Ensuite, les investigations menées à partir du 29 août 2022 ne sont pas couvertes par un ordre de mission. Celui établi le 24 juin pour 60 jours est tombé caduc le 24 août 2022, cinq jours avant l’invitation adressée à la Sicomines.
Enfin, les investigations couvertes par l’ordre de mission du 24 juin 2022 ont une période bien précise : du 1er janvier au 24 août 2022. Et non à partir de 2008.
Par voie de conséquence, la suspension n’a pas sa raison d’être. Sauf fait du prince.
Revenant ainsi à la question de savoir s’il est de la compétence de l’IGF de suspendre ou d’annuler une décision administrative engageant le gouvernement avec une tierce personne, à ce niveau, le principe du parallélisme de forme veut qu’une décision administrative prise en respectant certaines formes, ne peut, en cas de silence du texte de la décision inverse, qu’être prise qu’en suivant la même procédure. C’est le principe élémentaire du droit, que l’IGF qui a des juristes, ne peut pas ignorer.
Dossier à suivre !