Échographie de la stratégie électorale du FCC à l’élection présidentielle de 2018 : Les 10 facteurs d’échec !  

Par Vahamwiti Mukesyayira Jean Chrysostome (Secrétaire Général a.i. du MSR, Expert électoral / Master EFEAC, Économiste de développement, Député provincial et national Honoraire, Ministre National Honoraire). 

Dans nos précédentes analyses, nous avons épilogué entre autres sur les cycles électoraux en RDC sous différentes facettes. 

Il nous revient cependant que trop peu d’experts électoraux jettent leurs projecteurs sur l’élection présidentielle de 2018 qui a fait perdre au Front commun pour le Congo (FCC) le siège présidentiel de notre pays. Tel est ce qui aiguise notre appétit vers cette réalité de notre politique récente. 

Loin de nous la prétention de faire une analyse scientifique de notre sujet, il s’agit plutôt d’une réflexion empirique qui peut inspirer les scientifiques. 

Comment et pourquoi le FCC a perdu l’élection présidentielle de 2018 ? Dix facteurs déterminants se profilent dans le firmament de notre essai d’analyse.

  • L’insécurité à l’Est de la RDC

Plus on approchait des élections de 2018, plus les massacres de Béni s’intensifiaient, l’activisme des groupes armés prenait du tonus et tous les foyers de tension du Nord-Est s’enflammaient. Le foyer de Yumbi dans la province du Mai-Ndombe poussa aussi. 

L’opposition au FCC a tiré profit de ce laxisme, particulièrement le camp de Lamuka de Martin Fayulu qui a lancé sa campagne électorale à partir de la ville de Beni à la vitesse d’une fusée. 

  • Consensus raté autour du dauphin du président Joseph Kabila

Le suspens autour d’un éventuel troisième mandat du président sortant Joseph Kabila a chuté sur des consultations internes, apparemment consultatives mais en réalité opaques. Les délégués de différents partis et regroupements politiques du FCC qui étaient consultés à Kingakati n’ont jamais été convaincus que leurs choix ont été pris en compte par l’autorité morale. Ainsi, au sein du FCC, la campagne de l’élection présidentielle s’est muée en une guère de dauphins désillusionnés. 

  • Cécité politique dans l’espace présidentiel

L’élection présidentielle était perçue par l’espace présidentiel de 2018 comme une simple formalité car le Dauphin devait être élu d’office grâce à la maîtrise des institutions impliquées dans la gestion du processus électoral, de l’appareil sécuritaire, des moyens financiers et matériels dont disposait le FCC. 

Cette autosatisfaction a été démentie par les urnes à la seule surprise de l’espace présidentiel et non pas du peuple congolais ou des partenaires extérieurs. Pris en otage par son entourage, l’autorité morale du FCC s’en est rendu compte trop tard. 

  • La conflictualité du FCC avec l’Eglise Catholique

Le FCC a eu du mal à gérer positivement ses relations avec la première force sociale du pays se contentant des alliances avec des églises à ancrage social fort limité. Du dialogue inclusif de la Cité de l’Union africaine en septembre 2016 au dialogue inclusif du Centre interdiocésain de la CENCO de décembre 2016 jusqu’au débat sur la machine à voter, les violons ne se sont pas accordés avec l’Eglise catholique. Le FCC n’a pris conscience de la stérilité de son arrogance politique  vis-à-vis de l’Eglise catholique que dans sa retraite de Bwela Lodge à Kisantu au Kongo Central en décembre 2019, une année après la perte de l’élection présidentielle. 

  • Un dialogue politique aux apports quasi nuls   

Si en 2006, un accord sincère entre Joseph Kabila et Antoine Gizenga a permis au premier de remporter l’élection présidentielle, en 2018, les multiples débauchages consécutifs aux dialogues inclusifs de 2016 n’ont été d’aucun apport politique dans l’élection présidentielle de 2018, plusieurs regroupements politiques pêchés à l’opposition n‘ont même pas pu atteindre le seuil d’éligibilité aux législatives nationales. 

De ce point de vue, le glissement de deux ans, de 2016 à 2018, a été suicidaire pour le FCC. Aussi, le passage de la MP, Majorité Présidentielle au FCC s’est passé dans un flou artistique ayant donné naissance à un FCC mal structuré du sommet à la base et miné par des guerres des clans. Le FCC ne pouvait pas affronter avec succès une élection présidentielle. 

  • Des cinq chantiers de la République à la révolution de la modernité : un passage du concret à l’abstrait

Alors qu’en 2006 la Majorité présidentielle avait misé sur cinq chantiers concrets, après la victoire de 2011, elle a glissé dans une abstraction sémantique : la révolution de la modernité, un concept dont seuls ses concepteurs pouvaient comprendre la portée. 

La conséquence fatale de ce déviationnisme est que la campagne de l’élection présidentielle de 2018 s’est passée dans l’abstraction totale sans rencontrer les problèmes prioritaires du peuple congolais. Elle s’est limitée à une distribution tardive du matériel de campagne. 

Il n’est pas aberrant de croire que dans l’espace présidentiel de 2018 tout était bienvenu sauf les bonnes idées, propositions et les personnes honnêtes. 

  • Mauvaise gouvernance de la campagne électorale

Malgré la mise en place des 49 cellules de campagne présidentielle sous une coordination, la campagne de l’élection présidentielle s’est déroulée comme une tombola. Les uns avaient les moyens, trop peu, et les autres, nombreux, n’en avaient pas. Dans la bergerie, plusieurs membres du sérail présidentiel, convaincus que l’élection était gagnée d’avance, se sont servis loin et dans l’indifférence de l’autorité morale au mépris et au détriment de ceux qui tentaient de mener la campagne sur terrain.

La coordination de 49 cellules de campagne ne s’est réunie qu’une seule fois à l’hôtel Rotana de Kinshasa alors qu’aux chefs-lieux des provinces, dans les villes, territoires, chefferies et secteurs il n’y avait aucune structure de campagne. En provinces, la campagne présidentielle a été confiée aux gouverneurs des provinces plus préoccupés de leurs seuls partis que de fédérer le leadership de chaque province. Encore que la fonction de gouverneur de province a cessé d’être fédératrice depuis le retour au multipartisme aux élections de 2006. 

Face à ce vide organisationnel, plusieurs candidats de la Majorité présidentielle ont soit viré vers l’opposition ou soit organisé leur seule campagne aux législatives en ignorant la campagne présidentielle. D’où un échec sec à l’élection présidentielle et une sorte de majorité aux élections législatives provinciales et nationales. 

Quant aux loyalistes qui ont battu la campagne présidentielle de 2018 jusqu’au bout, ils ont été abandonnés à leur triste sort dès le début de la nouvelle législature. 

  • Des regroupements politiques opportunistes au FCC

Réalité politique expérimentale, les regroupements politiques se sont constitués dans la précipitation en février / mars 2018, dix mois avant la campagne électorale, pour faire face au seuil d’éligibilité institué par la loi électorale du 24/12/2017. 

Ils n’étaient que des conglomérats des partis politiques parfois sans idéologie commune ni familiarité sociale entre leurs animateurs. Leur gestion a été un problème supplémentaire pour le FCC. Dans plus d’un cas, les fonds mis à la disposition de ces regroupements politiques ont été gérés dans la même opacité que ceux mis à la disposition des vautours de la coordination de la campagne présidentielle, le cache-cache. Aux relations institutionnelles FCC – regroupements politiques se sont substituées des relations personnelles FCC – responsables des regroupements politiques pour bien organiser le flou financier. 

Les conséquences ont été très lourdes, d’énormes moyens accordés aux regroupements politiques n’ont pas atteint les partis politiques dans certains cas. Il aurait fallu compter sur des partis et des hommes forts dans des fiefs précis au sein de ces regroupements politiques éphémères, superstructures conjoncturelles. 

  • Des frustrations dues à une mauvaise répartition des postes politiques

Depuis la victoire de la Majorité présidentielle portée par Joseph Kabila en 2011, le partage du pouvoir politique a été déséquilibré si pas bloqué dans les Entreprises Publiques, la petite territoriale, la diplomatie et les grands services publics. 

Au cours de quelques partages sporadiques du pouvoir et a compte-gouttes, les mêmes personnes dans l’espace présidentiel se servaient au détriment d’autres partenaires politiques importants. Il s’est avéré aussi que des postes importants ont été confiés à des personnes qui n’avaient aucune contribution politique. Ces postes n’ont pas servi la politique du FCC sauf pour des commissions aux parrains. Cet état des choses avait créé des aigris dans la majorité jusqu’à l’élection présidentielle de 2018.

  • Autarcie diplomatique

Le FCC s’est engagé dans un duel diplomatique avec les grandes puissances occidentales tout au long du processus électoral allant jusqu’au refus des missions d’observation électorale de ce bloc. Ce qui lui a valu des matraquages médiatiques et des messes noires ayant pesé sur l’environnement électoral. 

En conclusion, sur les trois élections présidentielles organisées sous le règne de Joseph Kabila, le score de la majorité est passée de 58,05% en 2006, à 48,9% en 2011, pour chuter à 23,8% en 2018. 

Les dix facteurs d’échec épinglés ci-haut ne sont pas limitatifs. Dans notre réflexion, ils sont les plus significatifs. Si le FCC avait eu en son sein un système d’éveil et d’alerte utile, il aurait pu limiter les conséquences d’une déconnexion de la base populaire.

Il ressort aussi que la campagne des élections législatives inhibe celle de l’élection présidentielle y compris l’accaparement des moyens. C’est pourquoi une campagne présidentielle ne devrait pas être pas seulement une affaire privée de l’espace présidentiel, ni des personnes dites grands leaders. 

Pour réussir, elle doit fédérer les vrais leaders à tous les niveaux : chefferie/secteur, territoire, ville, province. Elle ne doit pas se mener au sommet et pas seulement dans des meetings dans les stades car en Afrique la géopolitique locale, les ont dits, les mensonges et les intox sont des vecteurs efficaces des messages vrais ou faux. 

Bref, si elle est supra nationale, une élection présidentielle doit cependant se préparer au niveau local, en connexion avec les problèmes concrets de la population, pour être efficace et pour réussir. Telle est la grande leçon qu’on peut tirer de l’élection présidentielle de 2018 en RDC.

  • Bendélé Ekweya té

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