Par Roland Tshimpu/Journaliste Indépendant.
Le court séjour d’Amos Hochstein à Kinshasa les 12 et 13 septembre 2022 n’a pas été annoncé dans le site de l’ambassade des Etats-Unis en RDC. Ce site n’a même pas repris dans ses pages l’audience accordée par le Chef de l’Etat à l’émissaire du président Joe Biden. D’ailleurs, la conférence de presse programmée pour le lendemain a été réduite à une interview au média en ligne Actualite.cd, interview publiée après son départ. Pourquoi ce mystère ?
La réponse, du moins la tentative de réponse, est dans l’article d’Olivier Liffran publié le 12 septembre dernier par africaintelligence.com sous le titre « Les Etats-Unis déchantés de ne pas avoir détourné la RD Congo de Pékin », précisément ces extraits : « La visite était confidentielle, le sujet stratégique. Le diplomate américain Amos Hochstein est habitué à ce que ces déplacements ne figurent sur aucun agenda officiel (…) Hochstein, dont on dit qu’il est proche du président Joe Biden, fait partie des personnes qui élaborent la nouvelle stratégie américaine sur le sujet ». Allusion faite aux minerais stratégiques.
Dans ce qui apparaît comme l’unique interview qu’il a livrée pendant son séjour à Kinshasa les 12 et 13 septembre2022, l’intéressé déclare : « Les États-Unis n’imposent à aucun gouvernement les pays avec lesquels il faut travailler ou pas. Tout ce que nous faisons, c’est de dire à nos partenaires et s’assurer que quel que soit le contrat qu’ils négocient avec n’importe quel pays, il faut s’assurer que les recettes générées soient partagées de manières équitables, que les activités minières respectent les droits humains et les droits du travail, qu’il n’y ait pas de travail d’enfants dans les mines, que les travailleurs reçoivent un salaire juste, qu’ils travaillent dans les conditions acceptables ».
Il enjoint les entreprises étrangères à recruter les travailleurs nationaux « autant qu’elles le peuvent », à respecter l’environnement et l’écosystème, à laisser à la communauté les bénéfices des activités minières, à laisser l’électricité allumée pendant et après les heures de travail, à entretenir les routes, à dispenser des soins de santé etc.
Le média en ligne note que « Suite aux nombreuses accusations, Zhu Jing, ambassadeur de Chine en poste à Kinshasa a toujours tenté de rassurer les autorités congolaises à travers ses tweets, rencontres et appels téléphoniques pour se positionner contre toute exploitation illégale des ressources naturelles en RDC ».
Entre la sécurité et les minerais de la RDC…
Là n’est pas l’intérêt de cette analyse. Celle-ci rappelle l’article, portant le titre interpellateur « Et si Blinken n’est passé par Kinshasa que pour des minerais ? » publié fin août 2022. Car, les Congolais ont eu tout le loisir de le constater : de passage à Kinshasa le 9 août, le secrétaire d’Etat américain a certes admis que l’Administration américaine était préoccupée par le « rapport des Nations unies qui indique que le Rwanda appuyait le M23 ».
Il en avait appelé « à chaque partie dans cette région de pouvoir arrêter tout appui au M23, tout appui à tous les autres groupes armés non étatiques ».
Dans sa dépêche du 10 août, RFI note « Sans ouvertement parler d’agression, il s’est prononcé en faveur de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC et a apporté son appui aux efforts diplomatiques déployés par l’Angola et le Kenya pour la désescalade entre Kinshasa et Kigali ».
Parlant des ressources naturelles congolaises, Antony Blinken s’est limité à préconiser la mise en place d’un groupe de travail devant se pencher sur le dossier des blocs pétroliers et gaziers mis aux enchères. Pas un mot sur les minerais.
En réalité, au moment où le secrétaire d’Etat attirait l’attention des observateurs et des médias sur sa personne, son adjoint Jose Fernandez manœuvrait dans les coulisses en s’informant sur la restitution de plus de 380 titres miniers irréguliers dissous et 300 permis revenus dans le domaine de l’Etat, mais également en rappelant le Mémorandum d’entente signé en mars 2022 pour « la formation des inspecteurs miniers, la politique de négociation des contrats miniers, la protection de l’environnement dans les zones d’activités minières, la lutte contre la fraude minière ».
A l’étape décisive de Kigali, Antony Blinken va doucher les espoirs des Congolais, contraints à réaliser que la cité de Bunagana est toujours entre les mains du M23, et le M23 est toujours soutenu par le Rwanda malgré son injonction.
Ainsi, entre la sécurité et les minerais de la RDC, l’Administration américaine – peu importe les convictions du locataire de la Maison Blanche – affiche clairement son choix.
Bons repreneurs pours les Américains, mauvais preneurs pour les Congolais ?
La mission « discrète » de Hochstein n’est finalement rien d’autre que la suite logique de la mission « secrète » de Fernandez en filigrane de la mission médiatisée de Blinken. C’est comme si Washington prenait les Congolais pour moins que rien.
Et ça, blanchis sous le harnais, les Congolais n’entendent plus se laisser enfariner avec le discours discriminatoire contre les partenaires qui volent à leur secours en des moments difficiles pendant que les promesses brandies par les amis ne s’accomplissent pas.
L’article d’ Olivier Liffran a quelques extraits forts révélateurs. Par exemple : « La stratégie américaine en RD Congo est devenue une source d’irritation, et le gouvernement n’a pas caché sa déception face au ‘’partenariat stratégique’’ avec Washington, censé se traduire par des investissements massifs ». Ou : « Il y a eu beaucoup de promesses d’investissements, mais peu de résultats concrets ». Ou encore : « Washington se rend compte que sa stratégie en RDC a atteint ses limites ». Ou également : « La diplomatie énergétique de Hochstein n’a pas non plus été en mesure d’inverser la tendance face à Pékin ».
En faisant le choix libre de se désengager de TFM et de céder celle-ci aux Chinois, les Américains ont reconnu en ces derniers de bons repreneurs. Aucune rationalité ne justifierait alors qu’ils soient de mauvais preneurs pour les Congolais.