La Cour de cassation a, dans son audience publique du 20 juillet 2022, cassé l’arrêt de la Haute cour militaire ayant condamné en novembre 2019 l’ancien ministre provincial de Kinshasa, Dolly Makambo, et coaccusés, à dix ans de prison ferme. C’était dans l’affaire du meurtre de l’agent du Centre de santé Vijana dans la commune de Lingwala. La Cour de cassation a par ailleurs renvoyé la cause devant ses chambres réunies. Autrement dit, Dolly Makambo et coaccusés ne sont pas acquittés, mais devront plutôt être rejugés par la Cour de cassation.
En effet, les condamnés alors prévenus à l’époque, avaient demandé à la Haute cour militaire de se déclarer incompétente pour les juger étant donné qu’ils sont des civils. Mais cette juridiction militaire s’était obstinée à se prévaloir compétente pour examiner leur cas et les avait ainsi condamné après procès à la peine aussi lourde de 10 ans évoquée ci-haut.
« Sans qu’il soit nécessaire d’examiner tous les moyens invoqués par les demandeurs à l’appui de leurs pourvois, la Cour de cassation statue sur celui tiré de la violation des articles 18, 19, 21, 153 et 162 de la Constitution, 115 de la loi organique n° 17/003 du 10 mars 2017 modifiant et complétant la loi n° 023/2002 du 18 novembre 2002 portant Code judiciaire militaire et 87 du Code de procédure pénale, en ce que la Haute cour militaire était incompétente ratione personae pour juger les demandeurs, qui en étant des civils, relèvent des juridictions civiles, n’a pas correctement motivé son œuvre sur ce point et a omis de sursoir à statuer alors qu’elle devait décliner sa compétence », peut-on lire dans l’arrêt de la Cour de cassation du 20 juillet 2022, comme sa motivation.
Donnant raison aux condamnés, la Cour de cassation argumente que la Haute cour militaire est incompétente pour juger les civils de leur état, poursuivis en participation criminelle avec un policier ou un militaire. Cela n’est possible qu’en temps d’état de siège, de guerre ou d’urgence ainsi que dans la zone opérationnelle, tel que soulevés comme des exceptions dans l’article 15 du Code judiciaire militaire. Or pour l’ancien bourgmestre de la Gombe sous Kimbuta et ancien ministre provincial de l’intérieur sous Ngobila et ses coaccusés civils, ce n’est pas le cas. A l’époque de la commission de l’infraction à Kinshasa, il n’y avait ni état de siège, ni état de guerre, moins encore d’urgence. Kinshasa n’était pas non plus une zone opérationnelle. D’où pour la Cour de cassation, Dolly Makambo devait être jugé par elle au regard de son rang de ministre, et ses coaccusés par le Tribunal de grande instance.
Avec cette décision, Dolly Makambo devait déjà être en dehors de la prison de Makala parce que ne revêtant ni le statut de condamné ni de détenu. Mais malheureusement, depuis la prise de cet arrêt il y a un mois et 15 jours aujourd’hui, il n’est pas exécuté. Qui bloque ?
Alors que l’on voulait incriminer le Parquet général militaire, mais celui-ci, selon les avocats de bénéficiaires de l’arrêt de la Cour de cassation, s’est déclaré dessaisi du dossier du fait qu’il y avait déjà condamnation et qu’il ne peut en aucun cas s’opposer à la décision de la Cour de cassation qui est une instance supérieure.
A la Cour de cassation, on commence à parler d’un « dossier politique sensible » qui a des pesanteurs sur les juges. Ce qui fait croire aux avocats de l’ancien ministre de l’intérieur de Kinshasa qu’il y a une ou des mains noires des pourfendeurs politiques de leur client. Non sans raison, car d’après les informations glanées par Scooprdc.net, ce lundi 5 septembre 2022, devait y avoir une audience pour statuer sur la liberté provisoire à accorder à Dolly Makambo, mais elle n’a pas eu lieu. La composition de juges de la chambre qui devait être connue depuis vendredi 2 septembre, ne l’a pas été aussi.
Ce comportement de rébellion face aux décisions de justice, s’indignent les avocats de Dolly Makambo et consorts, piétine l’Etat de droit prôné par le président de la République et pour lequel il se bat jour et nuit pour son instauration. « Si toutes les décisions judiciaires sont prises en son nom, elles doivent absolument être respectées. Le contraire friserait l’outrage envers sa personne, manquement qui mérite un châtiment sévère à l’endroit de l’auteur ou des auteurs », préconise l’un des avocats de l’ancien ministre provincial de l’intérieur du gouvernement Ngobila.