Tournée dans le Grand Equateur : Jean-Pierre Bemba accusé de propager un discours de haine 

Par Guylain Tshibuabua (correspondance particulière).

Bumba dans la Mongala, Boende dans la Tshuapa et Mbandaka en province de l’Equateur sont les étapes de la tournée actuelle de l’ancien vice- président de la République, Jean-Pierre Bemba, dans les anciennes provinces de l’Equateur. Si l’accueil chaleureux des populations est avéré, le contenu politique du président du Mouvement de libération du Congo (MLC) est l’objet de beaucoup de critiques. Ce qui ne manque pas de faire des choux gras dans le camp de ses adversaires. 

Tenez, dans ses sorties dont un audio de 7 minutes qui circule sur les réseaux sociaux, Bemba justifiant sa prise d’armes et la création de la rébellion MLC en 1998 y affirme sans gants que « les équatoriens étaient considérés comme des sous-hommes portant le code 32 en référence à la durée du règne du président Mobutu et devaient être écartés de la vie publique par le pouvoir venu de l’Est (ndlr : le régime de 1997 de Laurent-Désiré Kabila) » et que ce nouveau pouvoir voulait faire de l’Equateur, « une plantation de café sacrifiant les populations de cette région au profit des Baswahili de l’Est ».

Égrenant les avancées de sa rébellion en passant par le dialogue de Sun-City et les élections de 2006 dont il affirme pince-sans-rire qu’elles ont été manipulées par  « la tricherie contre lui », il chute en affirmant qu’un complot fût monté par la Cour Pénale Internationale en 2008 pour l’arrêter d’où il ne sortit que dix ans plus tard avec une condamnation définitive pour subornation des témoins.

Discours de haine…

Ces déclarations de Jean-Pierre Bemba sont qualifiées dans le camp de ses adversaires de « belliqueuses, négationnistes, divisionnistes, irresponsables et dangereuses » pour la cohésion nationale déjà en berne avec les affrontements inter-ethniques à Kwamouth, dans les Kivu, en Ituri et au Katanga, sans oublier les tensions politiques. Sans aller par le dos de la cuillère, Igwe, comme aiment bien l’appeler ses adulateurs, est ouvertement accusé de vouloir opposer les Bangala aux Baswahili.

Certains ont carrément affirmé que ces propos du numéro 1 du MLC entraient dans la qualification  des discours de haine tels que définis par les Nations-Unies à savoir « tout type de communication, qu’il s’agisse d’expression orale ou écrite ou de comportement, constituant une atteinte ou utilisant un langage péjoratif ou discriminatoire à l’égard d’une personne ou d’un groupe en raison de son identité, en d’autres termes, de l’appartenance religieuse, de l’origine ethnique, de la nationalité, de la race, de la couleur de peau, de l’ascendance, du genre ou d’autres facteurs constitutifs de l’identité. ».

Selon les Nations Unies qui ont décrété par une résolution de 2021, le 18 juin comme Journée Internationale de lutte contre les discours de haine et adopté une stratégie mondiale contre ce phénomène, « le discours de haine est en augmentation dans le monde entier et peut inciter à la violence, saper la cohésion sociale et la tolérance, et causer des dommages psychologiques, émotionnels et physiques aux personnes touchées. Le discours de haine n’affecte pas seulement les individus et les groupes spécifiques ciblés, mais les sociétés dans leur ensemble ». 

Plus alarmant, Alice Wairimu Nderitu, conseillère spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la prévention du génocide, affirme que « par le passé, les discours de haine ont contribué aux conflits et à la violence.  L’Holocauste, le génocide de 1994 au Rwanda et le génocide de Srebrenica en 1995 ont été caractérisés par la déshumanisation et des propos désobligeants dans les discours des dirigeants politiques, entre autres. En Irak, la campagne lancée par Da’esh/ISIL contre des groupes minoritaires comme les Yazidis, s’est accompagnée de discours haineux et laisse présager la commission d’un génocide. Au Myanmar, des discours de haine ont été utilisés pour décrire les Rohingyas comme des sous-hommes afin de justifier leur massacre ». 

Bemba incorrigible pyromane ? 

Avec un tel discours jugé de haine avérée, plusieurs observateurs s’étonnent que Jean-Pierre Bemba qui a pourtant connu les fourches caudines de la justice internationale et semblait s’assagir récemment depuis son retour en RDC puisse soudainement se radicaliser. Ils ne comprennent pas non plus qu’un ancien vice-président  puisse  à nouveau enfiler un costume de pyromane politique au Congo alors que la situation sécuritaire et diplomatique de la RDC est catastrophique et ce malgré l’épée de Damoclès qui pèse sur lui depuis l’arrestation le 2 janvier 2021 à Paris de  Roger Lumbala par le pôle Crimes contre l’humanité du parquet de Paris, et mis en examen pour «participation à un groupement formé en vue de la préparation de crimes contre l’humanité » et «complicité de crimes contre l’humanité».  

Les faits lui reprochés datent de 2000 lorsqu’il dirigeait à l’époque le Rassemblement congolais pour la démocratie nationale (RCD-N). Ce groupe armé, fondé en 1998, a été accusé dans plusieurs rapports des Nations unies de viols, d’exécutions sommaires, d’enlèvements, de mutilations et de cannibalisme dans l’Ituri, principalement contre les ethnies Nande et Pygmées.

Roger Lumbala, selon plusieurs témoignages, démontre avec preuves à l’appui qu’il n’a jamais disposé d’éléments armés et que tous ceux qui étaient dans cette opération, étaient des éléments déployés par Jean-Pierre, alors chef de guerre et ces militaires-là répondaient du commandement de l’Armée de libération du Congo (ALC) dont Bemba était le chef (Lire l’article de Scooprdc.net : Crimes en Ituri : Roger Lumbala charge Jean-Pierre Bemba devant les juges français !). 

Union sacrée complice ?

Allié au sein de l’Union Sacrée pour la Nation, plate-forme créée après le bidouillage parlementaire de 2021, Bemba a pour autorité morale le président Félix Tshisekedi qui ne cesse de le bichonner avec plusieurs passe-droits judiciaires contre même l’Etat congolais dont la Régie des Voies Aériennes sommée de lui payer 20 millions de dollars pour la destruction de ses avions qui n’auraient eu de valeur marchande que moins de 500.000 dollars. Sans compter le feuilleton burlesque judiciaire de l’immeuble de la BCDC Equity qu’il veut vendre et qui provoque une crise diplomatique avec le Kenya.

Dans une émission sur radio Okapi du 10 juin 2022 sur le thème : « Que faire pour prévenir les discours de haine en RDC ? », le directeur du Bureau conjoint des Nations Unies pour les droits de l’Homme (BCNUDH), Abdoul Aziz Thioye affirmait que « l’action des Nations Unies aujourd’hui est de plaider pour que les Etats légifèrent afin de permettre de prévenir, lutter et réprimer ce type de messages ». 

En attendant cela, sera-t-il recadré par son autorité morale ou cela fait partie d’une stratégie de terre brûlée savamment et cyniquement orchestrée en cette année préélectorale ? L’opinion nationale et internationale est prévenue et ne pourra pas dire « on ne savait pas ».

  • Bendélé Ekweya té

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