Les appels d’offres pétroliers et gaziers lancés par le gouvernement congolais à travers son ministère des hydrocarbures, 27 juillet 2022, viennent de révéler que l’ancien président de la République, Joseph Kabila, a construit l’une de ses résidences et un parc animalier et d’attraction sur le bloc 25, l’un parmi les 27 mis en vente que le ministre congolais des hydrocarbures, Didier Budimbu, met en vente. Bien que ce dernier affirme que le site de Kingakati sera épargné, il n’ose pas dire par contre comment cela sera-t-il possible sans que les parcs d’attraction et animalier y compris la somptueuse villa de Joseph Kabila ne soient touchés, étant donné que la loi Bakajika qui consacre l’exclusivité du sol et du sous-sol à l’Etat est toujours en vigueur !
La question que des observateurs curieux se posent cependant est celle de savoir comment, en sa qualité de chef de l’Etat et de l’homme censé être le mieux informé du pays, Joseph Kabila était-il ignorant de l’existence de cette manne sous-terraine sur cet espace de plus 32 Km2 qu’il a acquis ? Cette question vaut son pesant d’or d’autant plus que curieusement comme Kingakati, l’ancien chef de l’Etat n’a jamais choisi au hasard les sites de ses multiples ranchs à travers le pays.
Par exemple dans le Kongo central, l’île de Mateba située entre Matadi et Boma à l’intérieur de l’estuaire du fleuve Congo avec une superficie de 100 Km2, est une réserve unique de marbre blanc que l’on ne trouve qu’en RDC. Et les pêcheurs du coin affirment même qu’il est déjà exploité et que certains animaux sauvages importés par la société de sa femme et de ses enfants y étaient relâchés.
Dans le Sud-Kivu, au village Mbobero, non loin de Kabare, des maisons avaient été détruites et la population chassée à l’époque où Jean-Claude Nyamugabo fut gouverneur, en complicité avec l’ancien vice-président de la CENI Norbert Bashengezi connu dans cette province comme commissionnaire de terrains de l’ancien chef de l’État, en vue d’étendre la concession du Raïs Kabila. L’on parle aujourd’hui de l’exploitation d’une mine d’or à cet endroit…
De toutes les concessions que l’ancien président Joseph Kabila détient en RDC, il faudra comprendre que le choix n’est pas fait au hasard surtout avec ce que vient de révéler le sous-sol de Kingakati où un bloc pétrolier s’y cache.
Peut-on accorder un sursis à Joseph Kabila ?
La réponse affirmative à cette question est moins évidente, car déjà à l’époque où l’homme fut à la tête de la RDC, le site d’information de la Deutsche Welle révélait des pratiques dignes des Far-West américains qu’il opérait, lui et sa famille qui, en vingt année, ont fait main basse sur les ressources minières et agricoles du pays.
Pour la petite histoire, la RDC ne possède qu’une étroite façade maritime d’une quarantaine de kilomètres qui s’ouvre sur l’océan Atlantique, avec une bande de terre qui s’accroche à l’estuaire du fleuve. C’est là que se trouve la presqu’île où devrait être construit le port en eau profonde de Banana. C’est également sur ce mince littoral, face à l’océan, que se situe l’hôtel la Beviour à Muanda, propriété de Cosha Investments, une société détenue à 90 % par Zoé Kabila, le frère de Joseph Kabila. Mais voici que ce projet de construction du port en eau profonde à Banana piétinera, alors que la compagnie des Emirats Arabes Unis, Dubaï Ports World (DPW), devait investir 1,2 milliards d’euros sur l’unique ouverture maritime sur l’océan atlantique de la RDC. Ce projet pourtant approuvé par le Conseil des ministres de l’époque et confirmé par le ministre des transports, José Makila, avec les affirmations du ministère de l’environnement sur une étude d’impact environnementale, a été gelé suite à l’instruction de la présidence de la République pour un réexamen de la question. Mais voici qu’en mars 2017, un rapport du PPLAAF, une plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique, donnera la vraie raison de la suspension de la signature de ce contrat, prévue le 28 octobre 2017. En effet, d’après ces lanceurs d’alerte, il était prévu dans le contrat qu’une société privée congolaise soit présente indirectement au sein de la compagnie concessionnaire du port et directement dans la compagnie gestionnaire, à hauteur de 40 % des parts.
D’après ce rapport, l’ex-président lui-même aurait demandé des garanties sur le ‘’profit personnel’’ qu’il tirerait de la construction et de l’exploitation du port. Répondant à cette demande, le 4 octobre 2016, le sultan Ahmed Bin Sulayem, le directeur général de DPW, avait adressé une lettre à l’ex-locataire du Palais de la nation dans laquelle il affirmait sa volonté d’offrir ‘’une participation minoritaire dans la compagnie concessionnaire au gouvernement de la RDC, tandis que la gestion du port serait prise en charge par une filiale de DPWorld. C’est cette compagnie concessionnaire qui est particulièrement visée avec une participation de 40 % confiée à une société privée non identifiée, avec un chiffre d’affaires estimés à 45,3 millions de dollars en sept ans. Rien qu’avec cette épopée sur le port de Banana, l’on peut avoir une bonne illustration des pratiques de Joseph Kabila au pouvoir de 2001 à 2018. Était-il alors ignorant de réserves d’or noir dans Kingakati ?
Venons-en au rapport publié en juillet 2017 par le groupe d’étude sur le Congo, en partenariat avec le Pulitzer Center, qui indiquait que la famille Kabila serait à la tête d’au moins 80 entreprises et sociétés en RDC sans toutefois évaluer le montant des actifs. Mais s’il faut en dire sur l’ex-président lui-même, il possédait ou possède toujours d’après le rapport, 80% de l’entreprise agricole Ferme Espoir, les 20 % restant appartenant à sa fille Sifa et son fils Laurent-Désiré. Par ailleurs, le site internet de l’office du tourisme du Katanga évoquait un ‘’domaine de 700 hectares’’ dédié à la culture du maïs et l’élevage de poussins, « la deuxième plus grande ferme d’Afrique de ce genre ». Et dans ce même document, l’on note que quatre fermes de ce type ont été développés en RDC : Haut-Katanga, Kongo Central, Kinshasa et le Nord-Kivu toutes, appartenant à Joseph Kabila. Au total, la ferme Espoir détient un minimum de dix permis agricoles qui couvrent une superficie totale d’au moins 2.678 hectares après avoir pour certains cas, exproprié de paisibles villageois.
La ferme Espoir détient aussi la totalité des parts de la société des grands élevages du Bas-Congo (GEL) qui gère environ 40.000 hectares de pâturages et 20.000 hectares de cultures (maïs, soja, arachide, manioc et palmier à huile), toujours selon le Groupe d’étude sur le Congo.
Le secteur minier quant à lui n’a pas non plus échappé à l’œil du « Raïs ». Ici deux sociétés vedettes font surfaces Acacia et Kwango Mines. En effet, le même rapport avait signalé en son temps que 96 permis d’exploitation de mines diamantifères avaient été donnés à ces deux sociétés pour l’essentiel sur près de 720 kilomètres le long de la frontière sud avec l’Angola. Par ailleurs, Acacia exploite des concessions minières de cuivre et de cobalt dans les environs de Lwisha dans la province du Haut-Katanga. Et au sein de cette ramification on ne peut plus opaque de sociétés, on trouve d’autres permis d’exploitation minières entre les mains de Excel Development et Excel Consulting, des sociétés possédées par Jaynet Kabila et Gibril Masengo le frère de l’ex-président.
Avec ce petit tableau peint par le média en ligne, est-il possible que l’ex-président de la RDC soit ignorant du contenu du sous-sol de Kingakati ? Douteux tout de même ! Mais parce que le ministre des hydrocarbures affirme qu’il faudra protéger les parcs d’attraction et animalier en contournant ce bloc 25, sera-t-il possible techniquement ? La réponse reste à venir dès que les sociétés soumissionnaires seront retenues et publiées. Entre temps, les Congolais n’auront qu’à croiser les doigts.