L’ascension de la République démocratique du Congo à l’indépendance le 30 juin 1960 a été auréolée, sur le plan musical, d’une mélodie langoureusement exécutée par Joseph Kabasele Tshamala dit « Grand Kalle », dénommé : « Indépendance Cha Cha ».
Tenant le flambeau de la rumba en Afrique déjà vers les années 50, cette chanson mythique par son sens et composée d’après les musicologues pendant la table ronde, a su transcender les frontières congolaises pour devenir une chanson panafricaine typifiant les indépendances de plusieurs pays africains acquises aux alentours de 1960.
Ce succès hors pair, a propulsé sur l’échiquier musical mondial, la rumba congolaise. Quoi de plus normal qu’en cette année 2022, près de 62 ans après, que cette rumba congolaise soit inscrite comme patrimoine immatériel de l’UNESCO.
Cependant, cette musique congolaise s’entrechoque de l’intérieur dans une adversité dite « guerre des générations ». En effet, ces derniers jours avec la sortie combien événementielle que nostalgique avec ce qu’on pourrait d’une part, appeler le grand concert de réconciliation des fils du clan Wenge ; et d’autre part, de ce que ces derniers dénommaient à tort ou à raison, le redémarrage du monde avec les jeunes de la quatrième génération, cet étiquetage d’être des leaders de la quatrième génération musicale en RDC a réveillé par ailleurs la mésentente en berne dans le giron de la musique congolaise quant en ce qui concerne la classification des générations.
En effet, certains chroniqueurs de la musique congolaise, si pas tous, ont classé le patriarche Wendo Kolossoy, Grand Kallé, docteur Nico Kasanda et les autres des premières heures de la musique congolaise dans la première génération. Ils ont par la suite, placé Rochereau Tabu Ley, Franco Luambo, Vicky Longomba et les autres de leurs âges dans la deuxième génération. De ces vieux très adulés par le public à cause de leur dextérité dans la composition des chants, dont les textes et les mélodies faisaient languir les cœurs des mélomanes, a émergé un groupe des jeunes qui ont ajouté à cette musique, la danse frénétiquement exécuté sous l’air saccadé qu’on a dénommé le Clan Zaïko considéré comme la troisième génération. Cette classe verra des figures de proue qui ont connu des transhumances jusqu’à leurs dislocations en plusieurs morceaux. L’on peut citer Viva la musica de Papa Wemba, Langa langa stars avec les 7 patrons, Victoria eleison de King kester Emeneya, Choc Stars de Ben Nyamabo, Zaïko wawa de Felly Manuaku… Les chroniqueurs de la musique congolaise établiront plus tard le clan Wenge comme celle de la quatrième génération, car il survient pendant que ceux de la troisième génération n’émettaient plus sur la même longueur d’onde dans l’esprit Zaiko.
Mais seulement voilà, les critères qui ont prévalu dans la classification de toutes ces générations ne nous semblent pas être bien définis. S’est-il agit juste des époques des uns et des autres pour les classer par génération ? Est-ce que c’est la rythmique qui les a différenciés ? C’est ici que s’emmêlent les pinceaux. Difficile pour les uns et les autres de clarifier les choses.
Aujourd’hui, les sorties médiatiques des ténors du clan Wenge, jettent de la confusion voire de l’imbroglio dans la tête des mélomanes de la musique congolaise. En effet, depuis la montée en puissance de deux jeunes talents, l’un de la classe Viva la musica, Fally Ipupa, et l’autre du clan Wenge en occurrence Ferré Gola, les amoureux de la musique congolaise voient en eux l’émergence d’une nouvelle génération qu’on pourrait dénommé la cinquième génération.
Cependant, les leaders de Wenge persistent et signent que la cinquième génération n’est pas encore là parce que tous ceux qui se sont fleuronnés de la couronne cinquième génération ne sont que leur continuité. Ces leaders vont loin jusqu’à marteler qu’être d’une génération, il faut partir du néant comme eux. Reste à savoir si vraiment ils sortaient du néant.
Cette classification basée sur un principe difficile d’être de la logique de chose, ouvre tout de même une voie à une critique sur des bases musicales. Jean Goubald a toujours mis dans un même sac tous les musiciens congolais quand en ce qui concerne le rythme. Avec sa connaissance élevée de la musique, doublée de l’humour hors pair, il dit souvent que toute notre musique se trouve momifier dans la rythmique : « gan gaaan, gann…gan gan gaaann ». D’après lui, de Wendo Kolosoy à Innoss’b, personne n’a échappé à cette réalité à la peau dure. C’est d’ailleurs cela la rumba congolaise.
Partant de cette logique de Jean Goubald, nous sommes tentés de dire qu’en matière de rythmique, il n’y a pas de différence des générations. C’est juste le tempo qui change à force que les années passent. Lent au début avec Wendo et Grand Kalle, un peu mouvementé avec Grand maître Franco et Rochereau, saccadé au milieu avec Zaiko, et très accroché avec des rythmes effrénés de Wenge pour se faire pousser des ailes aujourd’hui avec le MPR qui ressasse le passé dans une transformation soutenue des textes à l’allure des slameurs.
Il serait peut-être logique et cela nous semble vrai de classer la musique congolaise par génération en tenant compte des époques. Une époque chassant l’autre, nous avons vécu la naissance, l’apogée et le déclin des uns après les autres.
Que dire de grand Kalle, qui a vu Rochereau partir de ses mamelles, ou de Papa Wemba qui a claqué la porte de Zaiko est devenir plus tard une star planétaire avec son Viva la musica ? Que penser de King Kester Emeneya d’heureuse mémoire qui de par son départ en Europe avec Victoria Eleison laissa le champ libre à Wenge musica ? N’était-il pas dit que Wenge naviguait sur les traces de King ? Et de Wenge ce dernier groupe fleurisse aujourd’hui un certain Ferre Gola ?
Ce sont juste les époques qui les classifient. Alors, ne faudra-t-il pas accepter qu’une nouvelle génération dans la musique congolaise soit déjà là ?